Alain | Café Schopenhauer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

« Pourquoi viens-tu ici ? », demande A.
« J’ai perdu un élève. »
« Un photographe n’est qu’un observateur. », dit-il, inébranlable comme un phare. Par son seul regard, il me transforme. Le froid ne l’atteint pas.
Pour se protéger de la douleur, il se munit d’un appareil photo et mesure le chaos tout en décrétant :
« Dis-moi quel est ton café préféré et je te dirai qui tu es. »

 


Interview avec le photographe Alain Barbero

Quel rôle joue la photographie dans ta vie ?
Alain Barbero : la photographie m’éclaire, m’apaise, me donne du sens.

Qu’est-ce qui te fascine dans les cafés viennois ?
AB : Le café viennois est un lieu unique, privilégié, hors temps et hors-champ. C’est une bulle protégée du monde, avec ses codes et ses règles. On peut y observer, lire, observer, écrire, observer, boire & manger, et observer encore et toujours, à loisir en prenant le temps, tout son temps, car le temps s’y arrête.

Quel rôle joue le café Schopenhauer pour toi ?
AB : Il joue un rôle majeur puisqu’il a accueilli le 25 octobre 2014 la première exposition Café Entropy. Un peu en retrait de la foule, habitués et joueurs de cartes se retrouvent dans son cadre traditionnel rénové. Barbara et moi aimions beaucoup y discuter de notre projet Café Entropy.

Que fais-tu quand tu ne photographies pas des auteurs dans les cafés viennois ?
AB : Je travaille les photos de ces auteurs jusqu’à créer l’ambiance attendue. Sinon je me réfugie dans les salles obscures parisiennes, où je peux voir 24 images par seconde.

Sophie & Barbara Rieger & Cäcilia | Café Sperl, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

À l’encontre de la déraison

Comme la vie et l’écriture :
Chaque décision
toujours
Pertes et profits

(Qu’importe !)

 


Interview de l’auteure

Anna Robinigg : Qu’est-ce qui t’inspire?
Barbara Rieger : Les gens, la folie et la beauté qu’ils dégagent. La langue en elle-même, aussi riche que les personnes. Les couleurs et les formes.

Sylvie Barbero-Vibet : Comment vis-tu les séances photo dans les cafés viennois ?
BR : Lors des séances photo avec Alain dans les cafés, je deviens une autre personne. Le temps et les battements de mon cœur ralentissent, je prends soudain pleinement conscience de mon environnement et il s’opère un mélange entre ma perception, mon imagination, mes souvenirs, mes rêves et toutes les émotions qui y sont liées. Je me sens comme un médium, où l’une des nombreuses possibilités de l’existence est capturée dans une photographie.

Alain Barbero : Qu’attends-tu avant tout d’un café viennois ?
BR : Je suis en phase avec Alfred Polgar, célèbre pour ses livres sur les cafés viennois, qui définit la raison d’être des cafés de la manière suivante : « Je vais dans un café viennois avant tout quand je souhaite être seul tout en étant entouré. »
De plus, j’attends que le Melange viennois soit parfait, et que l’on puisse passer de la solitude à un moment agréable avec des amis et des étrangers.

Lisa-Marie | Am Nordpol 3, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Avant tout un nom
Rien qu’un nom
Autour duquel gravite le monde

Femme de chair et de feu
La seule depuis longtemps et pourtant
Restent une tâche aveugle et une cassure
Dans l’axe de rotation de la terre

Et quand tu pars
C’est finalement
Pour nous deux trop tard

 


Interview de la modèle

Quel rôle joue la littérature pour toi ?
Lisa-Marie Unterpertinger : La lecture fait partie de ma vie depuis ma plus tendre enfance.  Les histoires permettent à chacun de laisser libre cours à son imagination. Les moments où je me perds dans un livre comptent parmi les plus reposants.

Que signifient pour toi les cafés viennois ?
LMU :
Les cafés viennois sont des lieux de communication, de rencontres avec la famille, les amis ou les collègues, où l’on peut bavarder, discuter et travailler. Quand je voyage, les cafés sont pour moi des endroits pour lire et écrire tranquillement.

Pourquoi as-tu choisi Am Nordpol 3, qui est plutôt une brasserie ?
LMU : Entropy était déjà allé dans tous les cafés favoris. C’est Alain qui m’a proposé “Nordpol 3”. J’ai tout de suite aimé les murs surchargés de tableaux et j’adore découvrir de nouveaux endroits. C’était donc un très bon choix !

Que fais-tu quand tu n’es pas pas au café ?
LMU : Tout et rien.

 

 

Barbara Rieger & Jürgen | Café Ritter Ottakring, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Trois boules et aucun touriste
Ils jouent en marge de la ville
Prince et princesse
Chevalier et dragon
Pour l’argent et l’amour
Emotions et illusions.
Au-dessus des collines
Le soleil brille enfin
L’air exhale malt et sucre
Pourtant ils dorment et rêvent longtemps.

Susanne | Weltcafé, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger 2016 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Elle ne prendra jamais sa retraite, et comme les bons patrons, n’abuse pas de son pouvoir. Difficile de maîtriser sans contrôler, lâcher prise et voir si l’on peut.
Hôtesse, maîtresse et mère, elle nous accueille, nous procure espace, air et amour, force et courage. Son regard bleu engloutit peur et colère. Sa sagesse irradie. Avec conviction.

 


Interview du modèle photo

Que signifie la littérature pour toi ?
Susanne : La littérature est pour moi une source de vie très riche, qui m’inspire encore et toujours, me remet en question, m’invite parfois à la contemplation. Je souhaite qu’elle ne me manque jamais.

Qu’évoquent pour toi les “Café Viennois” ?
S : J’aime passer du temps dans les cafés viennois, pour y rencontrer mes amis, lire les journaux ou des romans, travailler ou juste pour regarder les gens au hasard des scènes. J’adore boire du café, notamment le café viennois avec sa chantilly, que j’apprécie le plus dans ce cadre.

Pourquoi avoir choisi le Weltcafé ?
S : Le Weltcafé est un endroit que je connais bien, avec son ambiance sympathique et inspiratrice. J’aime avoir des discussions animées avec mes amis assise dans un canapé, mais aussi choisir un plat parmi la carte aux accents du monde. A deux pas se trouvent les facultés d’ethnologie et de pédagogie, c’est pourquoi je connais bien ce quartier.

Que fais-tu, quand tu n’es pas au café ?
S : J’habite près de la forêt et j’aime aller me promener dans la nature. J’apprécie également les voyages et la découverte de nouveaux pays. J’aime chanter et suis membre depuis de nombreuses années d’un chœur de musique américo-latine. J’apprécie également de transmettre ma passion de la langue allemande à des personnes immigrées.

Barbara Rieger | Café Kafka, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Quelqu’un a coupé la sagesse en petits morceaux, l’a éparpillée, et a retrouvé la boule. Elle cherche sur tous les menus de la terre, sur tous les continents elle amasse des morceaux et se les approprie. Elle caresse le ventre rond des tasses à espresso et tout en ayant l’impression d’avoir eu assez, n’est jamais tout à fait repue. Elle a volé, trompé et a tenté d’aspirer le monde avec la fumée d’une cigarette.
Il porte un toast au bonheur. Les dons et talents ne sont pas équitablement répartis.

 

Sylvie | Brasserie À la Tour Eiffel, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Je ne veux jamais comprendre
comment on peut haïr à ce point.

Katherina | Liebling, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction Sylvie : Barbero-Vibet

Attirante, pas facile, assise dans la lumière elle fixe ton côté obscur. Elle ne te regarde pas et devine tes intentions avec la sagesse d’un vieil homme. Comme la plupart, tu ne souhaites pas juste une amoureuse, mais quelque chose qui n’est sûrement pas sans danger. Pourtant une chose est sûre : avec elle, il est possible de souffrir avant de mourir.

 

Astrid | Café Prückel, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Est-ce un lieu où nous vivons, respirons, aimons, une maison où les émotions reposent, se plient, brisent la vitre sur laquelle nous dansons, rions, jouons, où se trouve la pièce vers laquelle nous n’allons pas et la raison pour laquelle nous nous résignons, étrangers, faux et souriants, avec acharnement, tremblant, rampant entre les gens, qui manifestent, crient, se révoltent, pleurent et les malades qui nous embrassent avec leurs mots et nous obligent à rester, en un lieu où depuis toujours nous vivons, jouons, lisons, dans une maison où nous combattons nos sentiments, derrière la vitre qui nous permet à peine de voir dehors, où nous dansons, embrassons, respirons, crions, nous révoltons, pleurons, est-ce ça que nous voulons nous voir servir, est-ce une maison que nous méritons ?

Simon | Café Goldegg, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

assis
lit
danse
en silence

part
mène
repose
en prose

tu vas
sans
réflexion
loin

-toi-
sans
traduction
reste