Barbara Rieger | Kaffee Alt Wien, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Elles griffonnent il m’aime ou il ne m’aime pas. Images aux murs. Elles font leurs devoirs, ont des interrogations écrites, passent le bac et il existe toujours une raison de partir, tout comme il y en a une de rester. Elles veulent connaître le sens. Elles rédigent un exposé pour leur UV, un exposé universitaire, un mémoire. Affiches aux murs. Elles écrivent quelques examens, les emails vont et viennent et de temps en temps elles envoient une carte postale chez elles. Elles veulent en savoir plus sur la problématique, les références, les échéances. Remise des travaux. Critères de notation. Post-it aux murs. Elles rédigent encore un mémoire de maitrise, de master et une dissertation. Elles réclament un avis, de l’attention, de l’amour, une bourse et un bon boulot. Elles écrivent moins dans leur journal intime, plus de sms. Elles demandent pourquoi il ne donne pas signe de vie. Nouvelles affiches aux murs. Elles rédigent des lettres de motivation et des listes. A faire : ranger, faire les courses, faire du sport, faire la cuisine, ciné, coiffeur, amis, enfants, souscrire une assurance-vie, perdre du poids, prendre du poids, devenir célèbre, mourir. Elles envoient des mails, encore plus de mails et demandent parfois quel est le sens, plus souvent, combien c’est payé et cherchent une bonne conseillère fiscale. Elles notent des rendez-vous dans leur agenda et de temps en temps écrivent des lettres d’amour dans leur journal intime. Elles modifient leur statut. C’est compliqué. Visages aux murs.

 

Barbara Rieger | Café Drechsler, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Les hommes de la ville
pensent au rythme
de la musique du métro
de la platine du DJ
attendent l’envol
de la ligne du comptoir
écrivent un scénario de la vie
sur leur Macbook tout en buvant
café, Spritzer et bière
ne fument plus
dis-moi
tu.

Barbara Rieger | Café Drechsler, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Par une porte à double battant, un optimiste inquiet pénètre dans une salle faiblement éclairée. Sur un coté attend la professeure, ponctuelle, à la poignée de main ferme, elle persiste à le vouvoyer, corrige avec rigueur ce qui peut l’être et ignore les cuillères et les menus aux murs. Les hommes sont distants dans cette ville, mais le DJ joue les Doors et dans un coin sont assis auteurs et femmes de lettres. Des scénaristes cherchent une solution plus élégante que le meurtre. Avec précaution il pousse le rideau de côté, tient une bougie dans la pénombre et flashe dans la boite noire. Elle ne bouge pas, retient son souffle. Puis les balles jaillissent d’elle comme dans un match de tennis. Seul un serveur reste imperturbable. Il débarrasse l’une des deux assiettes, casse l’ambiance pour mettre de l’ordre et demande :  « Ensemble ou séparé ? »

Barbara Rieger | Café Museum, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Un café de Vienne
Classique, intemporel, depuis toujours là
Existé, ébauché
Rompu avec douceur, dilué
Achevé dès le commencement
La vie, ce contrat
Bien trop clair, trop propre, poli à outrance
Pris du jour de l’an au réveillon
Les congés de l’année
Le temps qu’il reste jusqu’à la fin
Nous jouons
la vie dramatique
Nous fonçons
à travers les années avec flamme et flamenkuch
Nous créons
des images et nous nous jetons parfois
dans une histoire, dans un lieu
où l’on doit avoir vécu

 

Barbara Rieger | Café Bendl, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction Sylvie : Barbero-Vibet

 

Assis dans un fauteuil ayant trop vécu, A. m’attend au café Bendl. Il jette ses dernières pièces dans le jukebox et rejoue encore et encore l’air du passé. Au loin retentissent les navires du port de Hambourg et les manifestations contre l’anéantissement de la Science et de la Culture en Autriche. Un professeur se fraye un chemin jusqu’au jukebox et demande : « Est-ce votre petit ami ? ». « Non, c’est mon photographe », et j’ajoute : « Je suis moi aussi professeure ». « Et où enseignez-vous ? » “Ici, mais pas aujourd’hui”. Et comme le veut la tradition, nous lançons des sous-bock vers le jeune groupe de professeurs allemands, mangeons un Szegedinergulash et parlons français.

 

Bienvenue au Café Entropy | Café Anzengruber, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Il ne voulait pas combattre dans l’arène du monde.
Elle ôta les boules du sapin.
Le sucre engendra le chaos dans son café.
Pour se protéger, il avait un appareil.
D’abord ils jetèrent des mots,
puis un lapin, le tout dans une boite qu’ils refermèrent.
Seul dans la boite le lapin était-il toujours là ?
Ils observent la cohésion du monde
et se transforment, par leur simple regard,
l’un l’autre.