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Sandra Gugić | Café Strauss, Berlin

Photo : Alain Barbero | Texte : Sandra Gugić | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet 

 

Le Café Strauss à Kreuzberg, où j’ai passé tant de temps, me semble incroyablement lointain, maintenant que je vis à Tel Aviv-Jaffa depuis quelques mois. Comme si Berlin était à des années-lumière et, avec elle, le monde littéraire germanophone. Puis-je maintenant m’affranchir des attentes, à commencer par les miennes ? Se réinventer à l’étranger, c’est une sorte de dicton, de mensonge. Et pourtant, chaque lieu, chaque rencontre, et par là même, notre propre écriture et lecture du monde, nous transforment. Dans le quartier où je vis maintenant, il y a un petit café qui est aussi une librairie, la carte relativement courte est en hébreu, en arabe et en anglais. La nouvelle langue que j’apprends lentement va de droite à gauche, à l’encontre de mon sens de lecture habituel. Le nouvel environnement, mon quotidien, les gens que je rencontre, tout fonctionne à contre-courant de mes habitudes et de mes attentes, alors que je pensais ne presque pas en avoir. Je suis assise à une petite table, je fais tourner dans ma main la tasse de café noir dans le sens des aiguilles d’une montre, la ville bruisse autour de moi, son rythme alternant entre agitation et indolence. Dans le café de Kreuzberg, il y a probablement des feuilles mortes, l’odeur de l’hiver et les cloches sonnent pour la prière de midi. Ici, l’hiver a une autre odeur et pourtant on le sent, il y a le son des cloches tout comme l’appel du muezzin. Je sais encore peu de choses, presque rien. Il y a les livres dans le café, ils pourraient être un élément de réponse. Ici comme là-bas, il y a la réflexion, la prise de notes, les impressions. Chez moi, je mettrai tout au propre. 

 


Interview de l’auteure

Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
SG : Un lieu pour voir et penser. Un lieu de rencontre et de solitude commune. Un point de départ.

Pourquoi as-tu choisi le Café Strauss ?
SG : Ce sera toujours pour moi un lieu très central à Berlin. J’ai vécu là à proximité. Quelques rencontres majeures y sont liées. Même cet hiver-là, avec mon nouveau-né dans le porte-bébé, j’y suis allée tous les jours. Je faisais remplir mon gobelet de café avant de me promener longuement dans le cimetière voisin – car il n’était alors pas question de m’arrêter.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
SG : Tout le reste. Ce que la vie, mon enfant, ma famille, mes ami(e)s et mon travail exigent de moi.

 

BIO

Née en 1976 à Vienne, Sandra Gugić a publié son premier roman Astronauten en 2015 aux éditions C.H. Beck et fut récompensée par le prix Reinhard Priessnitz. En 2019, débuts dans la poésie  avec Protokolle der Gegenwart aux éditions Verlagshaus Berlin. Elle organise et conçoit des manifestations. Elle est cofondatrice du collectif d’auteur(e)s contre la droite Nazis und Goldmund et du collectif sur le thème du travail de soin vs le travail artistique Writing with Care / Rage. En 2019, elle reçoit la bourse du Sénat de Berlin et la bourse Heinrich Heine. En 2020 paraît son deuxième roman Zorn und Stille chez Hoffmann und Campe. En 2021, elle reçoit le Prix culturel de Basse-Autriche pour la littérature. sandragugic.com