Fanny Saintenoy | Les Pères Populaires, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Fanny Saintenoy

 

Le café Les pères populaires ou Les pères pop ou les PP comme on dit dans le quartier est un refuge, une annexe de nos foyers, un lieu de rendez-vous, une salle d’écriture… Les « pères pop » porte bien son nom en tout cas, un endroit protégé et simple. 

La déco est de bric et de broc : des vieux canapés défoncés, des chaises d’école, des petits carreaux rouges, un transistor et des livres sur une étagère branlante, des toilettes à mille graffitis. Des gens y travaillent pendant des heures en buvant un seul café qui, pendant longtemps a coûté seulement un euro (il est passé à 1,20). En terrasse le client fait le service lui-même, et les soirs d’été le trottoir déborde au coin des deux rues, Buzenval et Grands Champs. 

Il est peuplé d’habitués du quotidien ou du week-end, de mamans sortant de l’école, de quelques égarés, de jeunes et de vieux qui chantent les mêmes chansons quand elles passent sur la sono. Il y a des bandes constituées mais ouvertes et on peut circuler de l’une à l’autre. C’est le repère des gens détendus du quartier, pour les matchs, les élections, les évènements qui nous fédèrent. Le café des pères pop n’aimerait sûrement pas qu’on dise qu’il est devenu une institution. 

J’ai écrit souvent dans ce café, je continuerai, surtout quand je n’y arrive pas chez moi ; je sais que dans cette salle, parfois bruyante et odorante, je pourrai redémarrer. Il est notamment l’endroit de la première page du nouveau livre, celle qui fait le plus peur. C’est le seul café dans Paris où j’ai déjà vu cette inscription en vitrine : « Tel film ou tel livre a été écrit en partie ici ». 

Les Pères pop ont une âme, une identité forte, sans eux, on serait perdus chez nous. 

 


Interview de l’auteure

La littérature peut-elle encore sauver le monde ? – Pourquoi écrire et lire encore ?
Fanny Saintenoy : La littérature, comme la beauté, ne sauvera pas le monde. Il faudra beaucoup plus et sûrement que rien ne pourra le sauver vu la force de la bêtise humaine. Pourtant la littérature, comme la musique, la peinture, certains lieux, certaines personnes, pourraient bien nous aider beaucoup : « sauver » ceux qui ont envie et besoin de saisir la beauté et les extraire du monde par moments. 
C’est pour cela qu’on lit et qu’on écrit encore. On lit pour rêver, apprendre, admirer, s’étonner, rire ou pleurer en étant dans une bulle qui, en même temps, nous fait mieux comprendre le monde. Et j’imagine qu’on écrit avec une espèce d’espoir flou et fou de participer à ce processus, de proposer un moment d’échappée et de connexion qui nous soit propre.

Où te sens-tu chez toi ?
FS : J’ai un rapport très bizarre avec la sensation d’être chez soi. Quand j’aime immédiatement un lieu, parfois très fort, je m’y sens chez moi tout de suite. Je m’y sens liée, en pensant même parfois (faussement, j’imagine) que je comprends mieux l’endroit que les gens qui y vivent. Je suis chez moi dès que je suis « attrapée » par un endroit. Ça peut être un pays, comme l’Inde, une ville, comme Grenade, une maison (dans laquelle je crois avoir vécu 10 ans), quelques montagnes ou un lac.

 

BIO

Fanny Saintenoy s’est lancée tard en littérature. Elle a été professeure de français langue étrangère, assistante de direction, en politique et pour la culture. Le monde du travail doit s’organiser selon elle pour laisser la place à l’écriture et aux déplacements pour rencontrer les lecteurs et ses camarades écrivains.
Depuis 2011 elle a publié quatre romans, dont un avec trois autres romanciers amis, et un recueil de nouvelles qui a reçu le prix SGDL. Elle écrit aussi des poèmes notamment en collaboration avec des photographes.
Bibliographie :
Juste avant, 2011, éditions Flammarion, traduit en hébreu chez Keter Books
Qu4tre, 2013, éditions Fayard, avec Sébastien Marnier, Caroline Lunoir et Anne-Sophie Stefanini
Les Notes de la mousson, 2015, éditions Versilio
Jai dû vous croiser dans Paris, 2019, Parole éditions, Prix SGDL du recueil de nouvelles 2020
Les clés du couloir, 2023, éditions Arlea