Jürgen Heimlich | Konditorei Oberlaa am Zentralfriedhof, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Jürgen Heimlich | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet  

 

15 novembre 2024
Il y a 14 jours, le cimetière central de Vienne a fêté ses 150 ans. Et aujourd’hui, je suis assis avec Alain au café du cimetière. Il était déjà là avant moi. Nous nous saluons comme de vieilles connaissances. Pendant quelques minutes, nous échangeons de manière informelle. Alain me raconte l’histoire de la création de Café Entropy. Il sirote une tasse de chocolat chaud et moi un bol de thé vert. Puis il sort son Leica et me prend pour cible. Il me photographie et me contextualise dans la pièce. Je penche la tête vers la droite et regarde par la fenêtre. Je vois une minuscule partie du cimetière central. Le début de l’allée principale qui mène de l’entrée du deuxième portail à l’église du cimetière et au-delà. Et aussi une partie de l’exposition en plein air qui présente des photos d’animaux. Personne n’a pris place dehors aujourd’hui. Il fait trop froid pour cela. Au printemps et en été, j’aime m’y asseoir. J’aime rencontrer des gens qui aiment les cimetières. Et puis nous racontons nos expériences, à l’intérieur et à l’extérieur des cimetières. Alain me demande de tourner la tête dans sa direction. Il appuie plusieurs fois sur le déclencheur. Je regarde le mur légèrement taché, je me concentre sur les cheveux hirsutes d’Alain, je pense, comme il me l’a suggéré, à un projet qui m’attend. S’il pouvait lire dans les pensées, il saurait qu’il concerne la mort. Mais Alain me fait aussi rire. C’est comme de la magie. Ça arrive comme ça. Nous discutons avec la serveuse.  Des personnes grandes et petites s’assoient à la table voisine. Une femme plus petite me sourit. Après tout, les chemins d’Alain et de moi pourraient déjà se séparer là. Mais nous nous rendons ensuite au tramway, faisons quelques arrêts ensemble et nous nous disons au revoir avant qu’Alain ne descende. Une rencontre au cimetière central qui restera gravée dans ma mémoire.

 


Interview de l’auteur

Que peut la littérature ?
Jürgen Heimlich : La littérature peut enchanter, déranger, évoquer des souvenirs, créer un contact avec des mondes étrangers et connus, mettre le monde à l’envers et à l’endroit. 

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
JH : Les cafés sont des lieux d’inspiration et de dialogue. Les cafés m’invitent à une redécouverte permanente. Les cafés ont une histoire que tous les clients, et donc moi aussi, contribuent à écrire. Les cafés me permettent de respirer et de rassembler mes forces. Les cafés ne me laissent jamais indifférent. 

Où te sens-tu chez toi ?
JH : Là où je suis en lien avec les gens et la nature. Là où je communique avec les animaux et les gens. Là où je suis hors de moi. Là où l’art me fascine. Là où je m’oublie moi-même. Là où je rencontre des merveilles déguisées en hasard. 

 

BIO

Jürgen Heimlich est né en 1971 à Vienne. Il a suivi une formation dans l’édition qui a renforcé son intérêt pour la littérature. Auteur, écrivain, rédacteur et passionné de cimetières. En 2016, il s’engage pour l’allemand simplifié en tant que genre littéraire et depuis, le thème de la résistance au régime nazi ne le quitte plus. 
Dernières publications : Einer und Keiner von 600 Hingerichteten, coéditeur, Innsalz, 2021, Blumfeld und der Tod, deux récits avec des croquis de BD de Thomas Fatzinek, Buchschmiede, 2024.