Laurence Biava | Wilde’s Lounge, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Laurence Biava

 

À l’Hôtel, en ce 6 mai, l’ambiance était cosy. Tu m’attendais, déjà attablé. Une heure durant, nous avons échangé pour nous connaître, dressant un panorama de notre vie et de nos activités littéraires. Une fête d’anniversaire olé olé avec des jeunes qui ne cessaient de déambuler dans la partie principale du salon a couvert nos voix, nos confidences. De la terrasse extérieure, surgissaient à intervalles réguliers de nouveaux arrivants : ils se donnaient en spectacle à coups de selfies. Même la présence d’un chien, assez rare dans cet endroit réputé feutré, ajoutait au tumulte ambiant et donnait une coloration différente à notre charmant aparté. Cela nous a amusés. Vrai que nous n’étions pas si tranquilles, mais nous avons balayé les turpitudes voisines d’un geste de la main. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai parlé de mon âge, du désir d’entretenir toujours des rapports francs avec autrui, autant que d’écriture. Tu m’as parlé du rituel de ce blog ténu et riche, de sa mise en forme, de cette rigueur observée dans chaque rencontre, de ses coutumes et des prises de vue. Puis tu as souligné que les auteurs même s’ils sont très respectueux de ta démarche te confrontent parfois à des imprévus. J’ai souligné ta générosité autant que ma joie de me prêter à l’exercice. Ce n’est pas si fréquent de pouvoir se livrer ainsi, tout à trac, dépouillé de ses oripeaux. Nous avons mis sur la table réflexions diverses sur à peu près tout, sans se soucier de l’inspection de notre âme mais de notre perception de l’être qui faisait face. Sans fausse note, et avec réciprocité, nous fûmes libres avec des images collées à l’écriture de la voix. Nous avons écrit un monde mosaïque. Merci pour ce moment arraché au temps.

 


Interview de l’auteure

Que peut faire la littérature ? 
Laurence Biava : La littérature peut espérer changer le monde : du moins, elle s’obstine à l’espérer, et à croire en cette espérance. La littérature vise d’abord à éduquer car elle permet à chacun de se nourrir des fictions des autres. Héritage patrimonial, elle se fait souvent aventurière, audacieuse, elle souligne les valeurs, la culture et la civilisation d’un pays. La littérature  sert à communiquer des pensées, des réflexions, elle écrit des feuilletons, des fictions, elle raconte des (auto)biographies, elle sert à influencer et à promouvoir des opinions, elle indique un chemin, souvent existentiel, spirituel, philosophique ; elle conquiert les âmes, affûte les esprits, et séduit, aussi, pour toutes ces raisons. Lire me dicte de sortir de tous les champs, du contrôle, de la bien-pensance et de la raison. Je lis pour demeurer libre. Plusieurs postulats m’obsèdent, me définissant totalement : qu’est-ce la littérature si ce n’est un manifeste violent pour dire qui on est ? Qu’est-ce la littérature si ce n’est crier sa vie, exprimer un regard personnel, sans protocole, sur les choses ?  Qu’est-ce un écrivain si ce n’est quelqu’un qui se révolte, quelqu’un qui témoigne, qui cherche la vérité, quelqu’un qui va tenter de s’approprier le temps, de voyager avec lui, de l’investir, de le réinventer, de l’anticiper même ? Que peut le texte littéraire sans le recours aux symboles, à la fiction, à la poésie, et l’écrivain sans l’organisation cohérente entre ces trois choses ? Pour exprimer, concevoir, figurer, il faut un regard. C’est Simon Liberati qui disait que c’est le regard qui apporte une espèce de logique, de poésie. La littérature permet de retrouver les angles perdus de nos champs de mémoire. Ecrire suppose une tentative d’inscription dans une éternité, et l’écrivain s’assigne à capter ce qui n’existe pas, à capturer ce qui n’est pas détectable. Son travail d’écriture est une permanence floue qui transcende les limites du temps. Pour la lecture, c’est le même constat. Lire, comprendre un texte, supposent à la fois le constat de la distance temporelle, mais aussi la tentative de dépasser celle-ci. La mémoire est une rencontre des temps qui nie le principe de succession. C’est bien parce qu’elle peut vaciller, ou être totalement désorganisée que toute littérature doit être lue et pensée selon des modes qui rendent impertinentes les catégories temporelles. Le désir d’éternité est une ambition, l’éternité est une grâce

 

BIO

Juriste de formation, ex-attachée parlementaire, Laurence Biava collabore depuis 17 ans en qualité de critique littéraire dans divers médias : Fréquences Paris Plurielles, Unidivers, Buzz Littéraire, Actualitté et Atlantico. Elle a aussi couvert des événements littéraires pour l’agence Post-Scriptum,
Laurence Biava a publié 18 livres, et est agent d’auteurs et d’artistes.
En parallèle, elle est salonnière et créatrice de manifestations littéraires. Elle a créé 7 prix littéraires. Prochainement elle devrait achever la création du Salon littéraire des Deux Rives, voué à restaurer l’atmosphère des salons baroques d’autrefois.