Stephen Clarke | Les Eiders, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Stephen Clarke

 

J’adore voyager, découvrir des lieux nouveaux, explorer notre planète. 
Je cherche continuellement de nouvelles plages pour faire du bodyboarding. 
Un de mes plus grands plaisirs est de plonger dans la mer tropicale avec mon masque et mon tuba pour apercevoir l’invisible – les poissons et les coraux cachés sous la surface. 
Mais en même temps j’adore être chez moi dans le 19e arrondissement, boire le même thé au petit déjeuner, regarder la même merle (une femelle au plumage couleur chocolat) qui visite la cour tous les jours. 
Avant, j’allais tous les matins au même café et je m’installais au bar. Je n’avais même pas besoin de commander. Je disais bonjour et je recevais mon espresso. Là, je retrouvais des voisins, Jacqueline et Michel, qui habitent le quartier depuis des décennies. Séparément. Jacqueline vit avec son mari dans les grandes tours en face, Michel avec sa copine à quelques rues de là. 
Ils me décrivaient la vie par ici avant les grandes démolitions des années 80. Je leur racontais mes aventures d’écrivain anglais à Paris – et surtout j’interprétais les derniers chapitres dans l’épopée de la famille royale anglaise.
Puis, suite au confinement, ce café a été racheté par de nouveaux propriétaires qui détestent ceux et celles qui osent passer trop de temps à papoter au bar avec une seule consommation. Alors nous boycottons. 
Me voilà donc un peu nomade dans le quartier. Il n’y a plus de rendez-vous quotidiens. Les jours du marché, je vais par là. Les jours ensoleillés, sur une terrasse là-bas. Régulièrement à midi, je viens ici, aux Eiders, un café où les propriétaires sont acceuillants, où le plat du jour est sympathique et où je reçois mon verre de chardo sans avoir à le commander. Ca donne une continuité à la vie.

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ? 
Stephen Clarke : Distraire et informer. Faire rire si possible. Communiquer avant tout. Les remarques les plus gentilles que mes lecteurs m’ont faites: « À la fin de votre livre, je me disais que le monde n’est pas si mauvais après tout » ; « j’aurais aimé que l’histoire soit enseignée à l’école comme vous la racontez. »
Je relis toujours mes textes – romans ou essais – à haute voix pour être sûr que les cadences marchent, que les phrases ne sont pas trop longues, que les idées passent.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
SC : Le café en tant que boisson est vital pour moi. Avant le premier café du jour, mon cerveau ne fonctionne pas. Alors le café comme institution est d’abord ma station service. Après, c’est le lieu où j’aime retrouver mes amis et mes voisins pour découvrir ce qui se passe dans le monde.

Où te sens-tu chez toi ?
SC : Partout et nulle part. Je m’adapte vite à un nouvel endroit, je forme vite mes habitudes, mais je me sentirai toujours un peu outsider. C’est parce qu’à 9 ans, un matin ma mère a annoncé à ma soeur et moi « nous partons », et je n’ai jamais revu mes amis. 

 

BIO

Stephen Clarke est un Anglais parisien et un Parisien anglais. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres qui sont traduits en une vingtaine de langues. Son premier roman A Year in the Merde (Black Swan, 2004) traduit en français sous le titre God save la France (Nil éditions, 2005) s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Son premier livre d’histoire 1000 Years of Annoying the French (Bantam Press, 2010) en français sous le titre 1000 ans de mésentente cordiale (Nil éditions, 2012) a été numéro un en Angleterre et a inspiré un musée en France, le Centre Culturel de l’Entente Cordiale, au Château d’Hardelot. Son dernier ouvrage, Charles Worth l’Anglais qui a inventé la haute couture (Éd. Paf, 2025) rend hommage à un Anglais qui a créé une industrie tellement française.
Il joue de la basse et compose des chansons.