Watson Charles | Café associatif La Commune, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Watson Charles

 

Café de La Commune libre d’Aligre

Dans un décor à la fois simple et atypique, le café La Commune apporte, à ceux qui viennent boire un verre ou discuter, un calme serein face ce à brouhaha, à cette odeur étouffante que connaît Paris. Près des murs tapissés d’affiches, appelant à la révolte ou à combattre les injustices, Guillaume me parle de sa prochaine soirée de « Poésie en liberté », qu’il organise une fois par mois dans le café, où il invite des gens à venir lire leurs poèmes, à interpréter du Brel, du Ferrat. Se trouver dans ce lieu est ce qu’il y a de mieux pour échapper à ce monde qu’on juge impitoyablement mauvais et grotesque. La Commune est le lieu par lequel j’entrevois le monde chargé de mélodie, où je m’attarde à écouter la voix de cet homme, venu d’ailleurs, qui me raconte son exil ; son long périple presque imaginaire, à boire mon café sur une table d’écolier, tout en jetant un œil vers le coin du bar qui fait également office de cuisine, avec ses ustensiles accrochés au mur, et ce serveur à la voix rauque et métallique qui accueille chaleureusement les clients et les habitants du quartier. Le brouhaha autour du café d’Aligre me rappelle Port-au-Prince. Ce lieu, où je viens régulièrement pour rencontrer des amis, est devenu la porte par laquelle j’entre dans le monde et je m’y perds réellement. Sur le vieux piano, coincé contre le mur, un homme joue des notes de musique comme pour accompagner cette voix discrète et belle d’une femme qui fredonne une chanson de son pays lointain, et qui raconte le travail des hommes dans les champs. Sur mon carnet, je commence à écrire mes poèmes, à capter l’image de cet instant à la fois simple et sublime.

 


Interview de l’auteur

Que signifie écrire de la poésie et écrire des romans ?
Watson Charles : Je crois que la poésie ou le roman – comme je l’ai toujours dit – est l’une des formes artistiques et intellectuelles qui nous permet de saisir le réel et l’être humain dans sa dimension la plus totale. Je récuse toute hiérarchisation de genre comme cela a été établi historiquement depuis l’Antiquité. Le fait de faire appel à ces deux genres littéraires comme expression artistique me permet d’appréhender le monde dans sa totalité. Il faut dire que je suis rentré en littérature par la poésie mais j’accorde une très grande importance à la fiction. 

Peut-on, aujourd’hui, parler de l’engagement en littérature ?
WC : Si l’engagement en littérature est historiquement apparu à un moment donné comme étant une remise en cause de la souveraineté d’un pays et de sa culture dominante, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui il est toujours présent sous les plumes des écrivains qui dénoncent les inégalités de la société capitaliste. Je pense qu’écrire pour un écrivain est un acte politique. Le regard qu’il porte sur le réel permet de questionner et de changer le monde. Je crois qu’écrire est un catalyseur permettant aux gens une prise de conscience à la fois individuelle et collective.

 

BIO

Watson Charles a fait ses études de Lettres modernes à l’École Normale Supérieure (ENS) de Port-au-Prince (Haïti). Il est l’auteur du recueil de Seins noirs (éditions Aethalidès 2022), du roman Le ciel sans boussole (éditions Moires 2021), mention spéciale du Prix Senghor du premier roman francophone et francophile, et du recueil de nouvelles Le Goût des ombres (éditions Unicité, 2024) pour lequel il a reçu le Prix Christiane Baroche de la Société des Gens de Lettres ( SGDL).