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Cécile Calla | Lass uns Freunde bleiben, Berlin

Photo : Alain Barbero | Texte : Cécile Calla

 

L’année zéro du langage

Les sirènes des bombardements retentissent en permanence. Dans mon sommeil, au réveil, au travail, pendant les pauses cafés, dans les transports et à toutes mes heures perdues. La fin de la guerre, la capitulation et l’immense mer de culpabilité me collent à la peau. Je ne suis jamais seule, il y a toujours ces fantômes, ce poids qui appuie sur mes poumons, qui me serre la gorge, qui me coupe l’appétit, qui retourne mes boyaux, qui me fait frissonner. J’essaye de décrypter l’alphabet originel, déconstruire une parole si familière, en détecter les non-dits, les messages codés ; j’apprends une langue étrangère particulièrement difficile et ça sans aucune aide. Ce bruit assourdissant d’explosions n’est rien d’autre que la destruction de cette logorrhée infernale, de ces mots anesthésiants, de ces formulations creuses, de ces blagues qui n’ont que le nom. Je jette tout dans le broyeur pour ne récupérer que de tout petits bouts, des atomes que je peux ensuite assembler à ma guise et en toute liberté sans suivre le mode d’emploi familial. C’est l’année zéro de mon langage. Je vais réapprendre à parler, lire et écrire. Je me laisserai guider par mon ventre, ma bouche et mon sexe. La trinité corporelle pour seule boussole. Les nerfs comme chemin. Les pulsations du coeur comme moteur.

 

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Cécile Calla : Un espace pour penser et comprendre le monde présent et passé, un lieu de liberté, de découverte et de grande discipline. 

Que représentent pour toi les cafés ?
CC : Ce sont des lieux où je peux profiter de la solitude, des refuges pour écrire depuis que je suis mère. Là-bas je peux laisser mes pensées naviguer à leur guise. C’est souvent dans un café que j’arrive à débloquer un texte ou à trouver une bonne introduction.

Pourquoi as-tu choisi le « Lass uns Freunde Bleiben » ?
CC : Parce qu’il est sans prétention, si typiquement berlinois avec son mobilier qui semble troqué dans une brocante, qu’il est situé à un croisement de rue. J’aime y aller tôt le matin quand il y a beaucoup de passage, des gens d’horizons et d’origines différentes: les gens du quartier bien sûr, des amis et des connaissances que je croise, mais aussi quelques touristes ou des ouvriers des chantiers voisins qui viennent se chercher un grand café. 

Que fais-tu quand tu nes pas dans les cafés ?
CC : Je travaille dans mon bureau situé dans une maison d’artistes.

 

BIO

Née en 1977 à Paris, Cécile Calla vit à Berlin en tant que journaliste indépendante et autrice. Elle écrit pour des médias francophones et germanophones et a publié sa première nouvelle dans le magazine littéraire Stadtsprachen en septembre 2020. Elle a créé le blog féministe Medusablätter, qui apporte un nouveau regard sur les débats féministes, et produit avec Barbara Peveling le podcast franco-allemand Meduse parle (Medusa spricht). Elle est membre du Réseau des Autrices francophones de Berlin. Elle a également été correspondante du quotidien Le Monde (2007 – 2010) et rédactrice en chef du magazine franco-allemand ParisBerlin (2012 – 2015).