Éric Genetet | Aedaen Place, Strasbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Éric Genetet

 

L’éveil

Il attend, solo dans le fond du café, chaque matin à l’ouverture il attend. Comment sera-t-elle habillée, très chaudement couverte ou dévêtue, si légère ? Et sa façon de marcher, par à-coups ou avec grâce, boiteuse ou aérienne ? Sa manière de le regarder, de travers ou avec envie, fantaisie ou méfiance ? Il commande un troisième expresso, il observe les gens qui sortent et qui entrent, il ne voit personne, il est pâle comme une statue, nonchalant comme un mécano sans énergie. Il pose ses yeux sur l’écran de son ordinateur, ses doigts sur le clavier et il attend qu’elle arrive enfin sa fiancée fugitive, sa lune de papier, sa divine, son bonheur sans pitié, sa source, celle qui n’attend personne, celle qui lui arrache des larmes il pourrait le croire. Et puis, d’abord hésitante elle apparaît, elle s’installe et il s’éveille, il réapprend à penser, à imaginer, à marcher dans la lumière du jour. Il ne la lâche pas, il la retient, il lui commande un univers, un autre expresso. Elle reste plusieurs minutes, de temps à autre des heures, puis elle repart, toujours libre, jamais soumise. Il lève les yeux, elle n’est déjà plus là.

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Éric Genetet : Elle définit ma vie, elle fait de moi un homme libre parfois.

Que représentent pour toi les cafés ?
EG : C’est l’endroit où j’ai grandi, l’endroit des premiers rendez-vous, des pages blanches. J’aime y écrire, entrer dans mon monde quand tout s’agite alentour.

Pourquoi as-tu choisi l’Aedaen Place  ?
EG : Pour sa chaleur, pour son mur de livres, pour son côté salon d’une époque lointaine. Mais j’aurais pu choisir dix autres endroits, je suis très volage côté café.

Que fais-tu quand tu n’es pas dans les cafés ?
EG : Je peux aussi écrire chez moi, en marchant dans les rues de café en café, dans les trains de ville en ville.

 

BIO

Né en 1967 à Rueil-Malmaison, Éric Genetet a commencé sa carrière comme chroniqueur radio et télé avant de rejoindre la presse écrite. Comme romancier, il a publié Le fiancé de la lune (2008, prix Talent Cultura), Et n’attendre personne et Solo (2013), Tomber (2016, Prix Folire et le Prix de la ville de Belfort), Un bonheur sans pitié (2019) et On pourrait croire que ce sont des larmes en 2022, toujours aux éditions Héloïse d’Ormesson.