Archive d’étiquettes pour : Linz

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Richard Wall, Café Traxlmayr, Berlin

Richard Wall | Café Traxlmayr, Linz

Photo : Alain Barbero | Texte : Richard Wall | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Richard Wall : Mission, bonheur, changement de perspective, résistance, affirmation de soi.

Quelle importance ont les cafés pour toi ?
RW : Une grande importance, même si je ne suis certainement pas un  « écrivain de café ». Mais des poèmes ou des notes ont été écrits dans les cafés entre Cracovie, Venise, Paris et Prague. J’y apprécie le calme, l’offre d’un grand nombre de journaux, un service discret. Je vois aussi le café en tant que scène : les regards se croisent, et involontairement, du coin de l’œil, on perçoit des mouvements, des gens qui arrivent et partent…

Pourquoi as-tu choisi le Café Traxlmayr ?
RW : Le Café Traxlmayr existe depuis 1847, l’annexe dans laquelle je m’assois le plus souvent a été conçue en 1905 par Mauriz Balzarek, un élève d’Otto Wagner, dans le style de la Nouvelle Objectivité. Après la fermeture d’une dizaine de cafés à Linz au cours des 40 dernières années, le Traxlmayr est la seule oasis à l’ambiance historique. Lorsque j’organisais des événements littéraires, je discutais ici du déroulement des lectures bilingues avec des collègues de République tchèque et d’Irlande ; les rencontres avec Jiří Stránský, Josef Hrubý, Eva Bourke, Moya Cannon, Rita Ann Higgins et bien d’autres restent inoubliables. 

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
RW : Jardiner, écrire, faire des collages, cuisiner pour ma femme, marcher à travers champs, être sur la route…

 

BIO

Né en 1953, Richard Wall écrit de la poésie, des essais et de la prose narrative. En tant qu’artiste plasticien, il travaille dans le domaine du collage, de la peinture et du dessin. Dans les années 1990, il dirige la série Tage irischer Literatur/The Road West à la Stifterhaus de Linz. Dans ce contexte, il a réalisé la traduction de l’oeuvre poétique de Cathal Ó Searcaigh, Macdara Woods, Gabriel Rosenstock, et de bien d’autres.
Artist in Residence au Heinrich Böll-Cottage sur Achill-Island en 2014 ; bourse fédérale en 2016 ; invitation au festival international de poésie Meridian à Czernowitz en 2020. Une vingtaine de livres publiés, le dernier en date étant : Das Jahr der Ratte. Ein pandämonisches Diarium. Löcker Verlag, Wien 2021.

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Lisa-Viktoria Niederberger | Madame Wu Teesalon, Linz

Photo : Alain Barbero | Texte : Lisa-Viktoria Niederberger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Regarde et réfléchis. Puis oublie tout immédiatement, ou garde-le au fond de toi pour toujours. Dis-moi un jour dans le futur que tu t’es retrouvé dans un texte, ou pas. La prochaine fois que tu te promènes, raconte à la personne qui t’accompagne : la Niederberger, elle compare dans une de ses histoires l’écorce des platanes avec la peau des dinosaures. Et puis, agrippe l’écorce, regarde le jaune vif et le vert grinçant, l’arbre, le lichen, et surtout le grincement : as-tu déjà entendu de jeunes faucons affamés ? Comme ils crient, comme ils grincent ? On dirait une manivelle rouillée, une manivelle rouillée pour les auvents. Tu sais, ces auvents à rayures marron et orange que tout le monde connaît. Suis-moi dans mes suppositions : l’oiseau à ressort de Murakami, ce doit être un faucon. J’aime que tu te demandes : est-ce vrai tout ce qu’elle dit ? Que la Niederberger s’assoit réellement dans les arbres des heures durant lorsqu’elle écrit sur l’occupation des arbres, qu’elle rédige des notes pendant des heures et qu’elle supprime ensuite les trois quarts du texte ? Mémorise des faits, trouve des conseils de lecture par l’intertextualité. Aie des sentiments, sois en colère contre moi. Nous devrions tous être plus en colère. A un moment donné, on se demandera si on doit pleurer à la lecture des mêmes passages de mes écrits. Je veux que tu marques un temps d’arrêt. Que tu regardes attentivement, que tu lises attentivement. Mais aussi que tu fasses avec moi une pause, une pause du quotidien. Que tu apprennes quelque chose. Que j’apprenne de mes recherches, de mes personnages et de leurs choix. Qu’ils puissent faire les erreurs que je ne me permets pas de faire. Qu’ils pourraient incarner nos « et que se passerait-il si… ». Et que nous puissions co-créer, changer, nous laisser aller, inspirer. Imagine : si tu n’aimes pas ma fin, invente la tienne et raconte-la-moi.

 


Interview de l’auteure

 

Que signifie la littérature pour toi ?
Lisa-Viktoria Niederberger : de manière passive : éducation, immersion, effacement, mais aussi : avoir le droit de comprendre le mode de vie des autres et de l’apprendre. De manière active : un privilège, avant tout. Qu’il y ait des gens qui prennent de leur temps (et de leur argent) pour lire ce que j’ai écrit m’honore, me fait parfois aussi me poser des questions. Cela implique aussi des responsabilités. Bien sûr, c’est aussi un privilège de bénéficier des conditions économiques qui permettent de travailler dans le domaine artistique. Parce que, surtout au début, il n’y a que la précarité.

Que représentent les cafés pour toi ?
L-VN : C’est mon lieu de travail préféré, depuis mes années scolaires. Qu’est-ce qu’on a pu passer comme cours de physique dans des cafés, avec clopes, livres et papotage. J’aime le bruit de fond, observer et écouter. Mais aussi : se récompenser d’avoir écrit/étudié avec des boissons ou des petites choses à manger, ce qu’on n’a pas à la maison..

Pourquoi as-tu choisi le salon de thé Madame Wu ?
L-VN : Ça ne fait pas longtemps que je suis revenue à Linz, je n’ai donc pas encore vraiment de café où j’ai mes habitudes pour travailler. J’associe de très bons souvenirs personnels à ce salon de thé.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
L-VN : Actuellement, je travaille à la maison. Ça va, plus ou moins. Lire. Trop de rendez-vous sur zoom. Et je vais bien sûr me promener : chaque jour avec moins d’enthousiasme. Rêver de lectures ou de séances de cinéma.

 

BIO

Née à Linz en 1988, Lisa-Viktoria Niederberger a étudié l’histoire de l’art et la littérature allemande à Salzbourg. Elle a travaillé en tant que rédactrice pour le magazine littéraire erostepost et pour la radio Freies Radio. Elle a fait ses premiers pas littéraires avec la publication de “Misteln” chez edition.mosaik en mars 2018. Récipiendaire du fonds pour la promotion des talents de la province de Haute-Autriche pour la littérature 2019. Elle étudie actuellement les sciences de la culture à l’Université des arts de Linz et travaille en free-lance sur divers projets littéraires.

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Nina Panholzer | Café Bar Stern, Linz

Photo : Alain Barbero | Texte : Nina Panholzer| Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Il est 11 heures passées. Je suis assise en tailleur sur le lit d’hôpital en attendant qu’on m’autorise à sortir. Je me souviens de l’imprécision avec laquelle j’avais répondu à la question de savoir quelles parties de mon corps j’aimais : mes seins, mon poignet et mes épaules, avais-je alors dit. Quelle frivole approximation, je me dis aujourd’hui. J’aimais mes deux poignets, la ceinture scapulaire dans son ensemble et mes deux seins. C’est vrai que je n’ai pas donné de nom à mes seins et que je ne leur prêtais guère attention. Mais ils avaient une belle forme, étaient fermes et tenaient bien dans la main, c’était en tout cas mon avis.

Je pose ma main droite à l’emplacement de mon sein gauche, et sens mon poignet épouser la courbe de mon sein droit et mes doigts remplir l’espace laissé vacant sur le côté gauche. Ils forment une ligne : mon sein survivant, mon poignet, mon sein manquant et mon épaule.

Deux heures plus tard, on me remet mes papiers de sortie. Je dis au revoir à l’équipe 5 d’oncologie, prends ma valise et me dirige vers l’ascenseur.

Dans l’ascenseur, j’enlève mon masque. Même si ma chemise en jean dissimule la différence, elle est perceptible. Je sens les larmes venir et place de nouveau ma main droite sur mon sein gauche manquant pour me protéger. Je me mords les lèvres et ravale mes larmes. Puis je me redresse et me tourne vers la sortie. “Fuck you”, et je remets le masque en place.

Au moment où je gagne la sortie, il me vient à l’esprit que je pourrais allonger la liste. J’aime mon nez – le profil de mon nez, pour être précis.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Nina Panholzer : Travail et repos – toujours une bonne chose.

Que représentent les cafés pour toi ?
NP : Idem.

Pourquoi as-tu choisi le Café Bar Stern ?
NP : Des souvenirs. On avait l’habitude de fumer ici dans le temps. Et pour fumer, ça on a fumé.

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
NP : Je pense à ce que j’aimerais être.

 

BIO

Née à Linz en 1981, Nina Panholzer a étudié l’économie sociale. Elle travaille depuis plus de 20 ans en tant que consultante en communication. Elle est également formée au coaching et à la supervision. Diplômée de l’Académie littéraire de Leonding en 2016/17, elle a également reçu une bourse de travail de la région Haute-Autriche en 2017.

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Jasmin Maria David | Café Bar Stern, Linz

Photo : Alain Barbero | Texte : Jasmin Maria David | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Langueur

Si je pouvais, j’entrerais, lui ferais un signe de la tête, puis sourirais et regarderais par terre. Je le chercherais du regard, avec langueur et discrétion. Je m’assiérais, pleine de joie, parce qu’il m’attend, encore et toujours. Je m’installerais, regarderais autour de moi et verrais dans la vitre en face, mon reflet. J’attendrais et m’attarderais jusqu’à ce qu’il vienne me demander, comme d’habitude ?… Je confirmerais d’un hochement de tête et effleurerais timidement la banquette. Je la retrouverais, la petite cicatrice, l’explorerais avec mes doigts et la caresserais délicatement. Je lui adresserais un sourire à son retour, le remercierais et le suivrais du regard, en écho. Je le toucherais, l’étreindrais de mes mains et le tirerais doucement vers moi. Je me réchaufferais, l’effleurerais de mes lèvres, soufflerais dessus et arrêterais un instant le temps. Je prendrais une gorgée, papilles, puis avalerais, langue, palais, gorge, poitrine. Je fermerais les yeux, m’adosserais, je savourerais et jouirais du moment.

Tout cela, je le ferais si je pouvais faire ce que je voulais. Je sourirais, j’aimerais, je vivrais. Jusqu’à ce que je puisse faire tout ce que je veux, j’attendrais et me languirais. Jour après jour.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Jasmin Maria David : La littérature est la porte d’entrée d’un monde merveilleusement chatoyant. Elle permet une (auto)réflexion tout en étant un jeu. Au sein d’elle et avec elle, tout est possible et le néant est atteignable. Pour moi, la littérature est une condition nécessaire pour me sentir moi-même.

Que représentent les cafés pour toi ?
JMD : Les cafés sont des lieux magiques, pleins de vie, d’amour et d’histoires, où je passe bien trop peu de temps.

Pourquoi as-tu choisi le Café Bar Stern ?
JMD : Parce que je m’y sens un peu comme chez moi. Un lieu à l’atmosphère incroyablement belle, où les gens de cœur se rencontrent. Derrière le bar, de temps en temps, une fée, et au plafond autant de vrilles de feuilles que dans la forêt tropicale

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
JMD : Bien trop d’autres choses.

 

BIO

Née en 1985 à Linz, Jasmin Maria David est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art et en philosophie. Elle vit et travaille à Linz. Publications de textes sur les sciences de l’art, de nouvelles, de poèmes et de critiques de livres dans divers magazines, plateformes en ligne et journaux. Elle est également diplômée de l’Académie de littérature de Leonding. Elle s’attache principalement aux thématiques portant sur l’observation de son environnement et de la nature, sur les rencontres interpersonnelles et sur sa propre histoire. De nombreux textes contiennent des éléments autobiographiques.