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Petra Sturm | Velobis, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Petra Sturm | Traduction : Georg Renöckl

 

Je le dis hardiment, écrire et faire du vélo forment un tout. Car les expériences sont intimes, intenses et corporelles, et les synapses s’embrasent au rythme des coups de pédales. Une fois dans le flux, la perception du monde prend de la vitesse. Les roues, les touches, les crayons et les pédales sont des vecteurs de transmission.

Effectivement, beaucoup d’idées me viennent en pédalant. Y aurait-il un endroit plus beau pour les collecter qu’un bar qui abrite également des vélos ? Il faut un vélo-café dans chaque ville, toujours !

Un endroit où randonneuses et randonneurs se rencontrent et se saluent amicalement d’un signe de tête. Où cosmopolitisme et complicité transforment le lieu en un espace cordial.

Peut-être que je suis seulement vieux jeu. Quand je ne râle pas, je trouve poétique que les gens se croisent sur la piste cyclable, leurs regards se rencontrent un court instant, ils gardent quelque chose l’un de l’autre, furtivement, mais intensément, avant de poursuivre leur route. Vienne n’est pas toujours la ville la plus ouverte, mais une fois en selle elle s’ouvre, de temps à autre, au moins entre cyclistes. Même quand je tombe ou manque d’air, d’autres pédaleurs et pédaleuses vont m’aider à me relever, comme autrefois quand je me suis cassé une dent contre les rails du tram et que j’avais les lèvres en sang.

J’ai ramassé Cenzi dans les archives. Elle me dévisageait depuis une page d’un journal illustré de 1897. Avec un regard timide mais sûre d’elle-même, assise sur un vélo de course, elle m’a immédiatement convaincue que je devais tout savoir d’elle. Quand je descends à vélo la rue Bellaria entre l’Opéra populaire et le Théâtre populaire, j’ai des frissons. Cenzi y est décédée en 1900 lors d’une course de triplettes. Elle est morte jeune, cette grande pionnière du cyclisme, mais avant elle pédalait dans Vienne et allait au vélo-café, même en tant que femme. Je trouve cela admirable. Il faut un vélo-café dans chaque ville, toujours !

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Petra Sturm : Pour moi la littérature, c’est un espace libre. La possibilité de documenter ma perception du monde façon freestyle. Raconter des histoires qui ne me lâchent pas, qui exigent une mise en forme verbale, qui vont du ludique à l’impitoyable.

Que représentent pour toi les cafés ?
PS : Concentration et distraction à la fois. Un endroit où je me sens en confiance, où je peux rencontrer quelqu’un d’autre si je veux, quand je veux, mais où je me suffis aussi à moi-même, tant que je peux observer les autres, lire ou écrire…

Pourquoi as-tu choisi le Velobis ?
PS : Il faut au moins un vélo-café dans chaque ville ! À Vienne il y en a quelques-uns. Après la fermeture du Radlager, j’ai été très contente de découvrir le Velobis. Je n’habite pas dans le coin, mais pour tant de cosmopolitisme et de cordialité, j’accepte de faire le trajet sans problème. Et j’adore son côté francophile.

Que fais-tu quand tu n’es pas dans les cafés ?
PS : Apprendre et percevoir la vie de beaucoup d’autres manières… dans tous les cas, faire du vélo vaut toujours le coup.

 

BIO

Petra Sturm est auteure, journaliste et historienne du vélo. Publications journalistiques, scientifiques et littéraires dans la presse écrite, revues spécialisées et recueils. Des travaux artistiques à la croisée de la littérature, de l’histoire et de la sociologie culturelle ; de la poésie visuelle et de l’actionnisme scientifique ; des projets intermédias, participatifs et performatifs.