Vincent Lisita | L’ Aragon, Pau

Photo : Alain Barbero | Texte : Vincent Lisita

 

Personne de ma famille n’aurait osé pousser la porte de l’Aragon : « trop sélect » – un interdit que je brave chaque jour.
Depuis 1994, j’incarne l’unique élément de permanence, dans cette brasserie qui se mesure aux Pyrénées : patrons, personnel, habitués, mobilier, tout a changé plusieurs fois autour de moi… Je ne peux travailler qu’ici, aucune distraction ne me concerne, aucun bruit ne me perturbe. Pas de table attitrée, je me passionne quelque temps pour telle ou telle place, comme les chats… Pas de montre ou de calendrier, le ballet des uns et des autres me renseigne sur le jour et l’heure. J’ai été le premier à y apporter un ordinateur portable – depuis, j’ai fait école ! – et les plus récentes banquettes s’avèrent idéales : je peux écrire pendant des heures sans souffrir des cervicales. Ne riez pas : c’est un vrai sujet chez les auteurs, à l’approche de la cinquantaine !
Depuis longtemps, mes proches m’y rejoignent sans prévenir, mais tout en s’excusant… Qu’ils se le disent une bonne fois pour toutes, ils ne me dérangent que lorsqu’ils s’empêchent d’entrer.
À l’Aragon, j’ai vécu de plein fouet toutes les intimités que trente années peuvent procurer… Mais permettez-moi de me remémorer un âge d’or. Lorsque j’étais étudiant, je m’installais à l’une de ces tables que l’on devine sur votre photo, cher Alain – ces tables invisibles depuis le Boulevard… J’y écrivais mon premier roman, dans le plus grand secret puisque mes parents me croyaient en cours. Je me prenais, toutes proportions gardées, pour « le Jean-Claude Romand du roman » !
Je dois confesser quelques infidélités à ma brasserie fétiche. Elles surviennent lorsque, pressé par mes éditeurs de rendre ma copie, il me faut échapper aux habitués les plus loquaces…
Néanmoins, je reviens toujours à l’Aragon. 
Je n’en ai pas encore parlé aux directeurs, mais je vois parfaitement où mon urne funéraire pourra prendre place !

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ? 
Vincent Lisita : Nous grouillons sur une grosse sphère lancée à toute berzingue dans le néant… 
Heureusement, la Littérature favorise la circulation de quelques émotions puis de quelques idées ! Elle voyage comme la lumière, et des milliers d’années peuvent séparer ses émetteurs de ses récepteurs. Parfois, elle prêche même les non-convertis…
Dans nos cafés, en fera-t-on tout un plat lors du prochain big-bang ?

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
VL : N’ayant pas de bureau à proprement parler, je travaille dans la plus grande brasserie de ma ville. Quand je voyage, je suis aussi fidèle à mes destinations qu’aux cafés que j’y ai débusqués : Sa Musclera à Binibeca, Pasticceria Rio Marin à Venise, Pré aux Clercs à Saint-Germain-des-Prés…
Ailleurs, je me disperse ; dans les cafés, je me réagrège. 

Où te sens-tu chez toi ?
VL : Je ne répondrai plus « dans ma vieille maison de famille » car je dois me résoudre à la vendre… Alors, je me sens chez moi dès que je peux plonger en moi-même sans être dérangé. Si possible, avec un café allongé, sans sucre !

 

BIO

Né à Pau en 1977, Vincent Lisita est historien d’Art. 
Depuis plus de trente ans, il étudie les monuments de sa ville natale, puis l’œuvre et la biographie de Charles Trenet.
Ses tiroirs et son piano regorgent respectivement de romans, de chansons… ou inversement !

Anicée Willemin | Brasserie Le Cardinal, Neuchâtel (Suisse)

Photo : Alain Barbero | Texte : Anicée Willemin

 

Aujourd’hui je n’ai rien fait. Mais beaucoup de choses se sont faites en moi. Roberto Juarroz 

De mon rêve j’ai basculé dans le tien
Un jour de février 2024, un jour de janvier 2025. Faille spatio-temporelle. De Neuchâtel à Lausanne, puis retour à Neuchâtel, dans le café que j’affectionne tout particulièrement, le *Cardinal*. 
Art nouveau, ambiance baroque, vert-de-lysé et vert-de-gris, catelles vert menthe, fleurs mordancées, paysages fantasques, oiseaux – grues et paons finement ciselés. Presque des estampes d’Hokusai.
Se sentir bien, s’y sentir bien. 
À toute heure, quand le temps s’en vient, quand le temps est là.
De mon rêve j’ai basculé dans le tien
Café prélude à la rencontre, café prélude à toute rencontre. 
Une rencontre imaginée, immémoriale, indescriptible.
Moment de grâce en soi et hors de soi.
Observation frénétique, temps disjoint.
À toute heure, quand le temps s’en vient, quand le temps est là.
Quand l’esprit est là, quand l’esprit s’en vient.
De mon rêve j’ai basculé dans le tien
Moment de convocation, moment suspendu.
Les ailes du désir, l’appétence de quelque chose à entendre, de quelque chose à dire, de quelque chose à écrire. 
– Ce café me plaît tout particulièrement, je me sens représentée par son décorum. –
Oiseaux gracieux, fleurs sauvages, fleurs imaginaires, tournesols graciles. 
Je me sens tourneboulée par tout ce vert catelle. 
Lieu propice à la rêverie.
Lieu pétri de verdure comme une enchanteresse apnée.
Observation frénétique, temps conjoint.
Je me retourne / le lilas est en fleur. (Gilbert Trolliet)
Narcissus poeticus
De mon rêve j’ai basculé dans le tien
Quand l’esprit est là, quand l’esprit s’en vient.
À toute heure, quand le temps s’en vient, quand le temps est là.
De mon rêve j’ai basculé dans le tien
Pastel historique comme un bonbon d’antan – bonbon revivifié. Vert. Vert comme mon rêve.
De mon rêve j’ai basculé dans le tien

Avec en toile d’accompagnement l’ouvrage de Colette Nys-Mazure, La Grâce et la Rencontre, paru en février 2024 aux Éditions POESIS, dans la collection Habiter poétiquement le monde.

 


Interview de l’auteure

Comment pouvons-nous encore nous asseoir confortablement dans un café face à la situation du monde ?
Anicée Willemin : Pour ne pas perdre pied. Dans une urgence silencieuse et/ou bruitiste.

Pourquoi écrire et lire encore ?
AW : Pas à pas, suivre la flèche d’or, et le fil rouge. Celui que l’on se souhaite. Celui que nos pas se souhaitent. Les pas sont une pensée. Les pas sont une écriture. Les pas sont une lecture. Flèche et fil. Fil et pas. Ceux que l’on souhaite voir venir. Ceux que l’on se souhaite de voir venir. Voir venir. De voir venir. Fil et flèche. Pas et fil. Voir venir.

Le café (ou le café que tu as choisi) est-il plutôt un lieu de retraite, de recueillement, ou bien un lieu de rassemblement ?
AW : Tous ces aspects à différents moments. Par moments, juste l’un. Par moments, juste l’autre. Par moments, juste le troisième. Par moments, un autre encore. À d’autres moments, tous ces aspects mélangés et dans une symbiose complète. J’aime cette idée de la pluralité mise bout à bout qui forme ainsi un tout. Et qui se souvient. Et qui se soulève. Et qui se soulève face à l’injustice du monde. La grande insurrection. Retraite, recueillement, rassemblement. – On peut se sentir comme descendre en soi et vivre un moment de recueillement méditatif tout en étant très accompagnée et dès lors, se rassembler, rassembler ses propres morceaux. – Le café est un pas en soi. Le café est des pas en soi. Et hors de soi.

 

BIO

Anicée Willemin est a-ni-c. Elle est et devient ce qu’elle est en train de devenir. Portée par des souffles d’absolu vrombissant, c’est principalement vers des espaces poético-fragmentés qu’elle a tourné ses regards, et qu’elle a nourri sa musique, tandis que celle-ci la nourrissait. Elle vient d’un petit village jurassien, et est une fraîche quarantenaire qui caracole, qui cabriole à travers prés et qui n’a de cesse d’essayer la vie, et celle de l’écriture verdoyante. Son premier recueil de poèmes, Les balcons étaient comme des roses d’eau entêtantes, a paru en mars 2023 aux Éditions du Griffon, à Neuchâtel (Suisse).

Laurence Biava | Wilde’s Lounge, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Laurence Biava

 

À l’Hôtel, en ce 6 mai, l’ambiance était cosy. Tu m’attendais, déjà attablé. Une heure durant, nous avons échangé pour nous connaître, dressant un panorama de notre vie et de nos activités littéraires. Une fête d’anniversaire olé olé avec des jeunes qui ne cessaient de déambuler dans la partie principale du salon a couvert nos voix, nos confidences. De la terrasse extérieure, surgissaient à intervalles réguliers de nouveaux arrivants : ils se donnaient en spectacle à coups de selfies. Même la présence d’un chien, assez rare dans cet endroit réputé feutré, ajoutait au tumulte ambiant et donnait une coloration différente à notre charmant aparté. Cela nous a amusés. Vrai que nous n’étions pas si tranquilles, mais nous avons balayé les turpitudes voisines d’un geste de la main. Je ne me souviens plus pourquoi j’ai parlé de mon âge, du désir d’entretenir toujours des rapports francs avec autrui, autant que d’écriture. Tu m’as parlé du rituel de ce blog ténu et riche, de sa mise en forme, de cette rigueur observée dans chaque rencontre, de ses coutumes et des prises de vue. Puis tu as souligné que les auteurs même s’ils sont très respectueux de ta démarche te confrontent parfois à des imprévus. J’ai souligné ta générosité autant que ma joie de me prêter à l’exercice. Ce n’est pas si fréquent de pouvoir se livrer ainsi, tout à trac, dépouillé de ses oripeaux. Nous avons mis sur la table réflexions diverses sur à peu près tout, sans se soucier de l’inspection de notre âme mais de notre perception de l’être qui faisait face. Sans fausse note, et avec réciprocité, nous fûmes libres avec des images collées à l’écriture de la voix. Nous avons écrit un monde mosaïque. Merci pour ce moment arraché au temps.

 


Interview de l’auteure

Que peut faire la littérature ? 
Laurence Biava : La littérature peut espérer changer le monde : du moins, elle s’obstine à l’espérer, et à croire en cette espérance. La littérature vise d’abord à éduquer car elle permet à chacun de se nourrir des fictions des autres. Héritage patrimonial, elle se fait souvent aventurière, audacieuse, elle souligne les valeurs, la culture et la civilisation d’un pays. La littérature  sert à communiquer des pensées, des réflexions, elle écrit des feuilletons, des fictions, elle raconte des (auto)biographies, elle sert à influencer et à promouvoir des opinions, elle indique un chemin, souvent existentiel, spirituel, philosophique ; elle conquiert les âmes, affûte les esprits, et séduit, aussi, pour toutes ces raisons. Lire me dicte de sortir de tous les champs, du contrôle, de la bien-pensance et de la raison. Je lis pour demeurer libre. Plusieurs postulats m’obsèdent, me définissant totalement : qu’est-ce la littérature si ce n’est un manifeste violent pour dire qui on est ? Qu’est-ce la littérature si ce n’est crier sa vie, exprimer un regard personnel, sans protocole, sur les choses ?  Qu’est-ce un écrivain si ce n’est quelqu’un qui se révolte, quelqu’un qui témoigne, qui cherche la vérité, quelqu’un qui va tenter de s’approprier le temps, de voyager avec lui, de l’investir, de le réinventer, de l’anticiper même ? Que peut le texte littéraire sans le recours aux symboles, à la fiction, à la poésie, et l’écrivain sans l’organisation cohérente entre ces trois choses ? Pour exprimer, concevoir, figurer, il faut un regard. C’est Simon Liberati qui disait que c’est le regard qui apporte une espèce de logique, de poésie. La littérature permet de retrouver les angles perdus de nos champs de mémoire. Ecrire suppose une tentative d’inscription dans une éternité, et l’écrivain s’assigne à capter ce qui n’existe pas, à capturer ce qui n’est pas détectable. Son travail d’écriture est une permanence floue qui transcende les limites du temps. Pour la lecture, c’est le même constat. Lire, comprendre un texte, supposent à la fois le constat de la distance temporelle, mais aussi la tentative de dépasser celle-ci. La mémoire est une rencontre des temps qui nie le principe de succession. C’est bien parce qu’elle peut vaciller, ou être totalement désorganisée que toute littérature doit être lue et pensée selon des modes qui rendent impertinentes les catégories temporelles. Le désir d’éternité est une ambition, l’éternité est une grâce

 

BIO

Juriste de formation, ex-attachée parlementaire, Laurence Biava collabore depuis 17 ans en qualité de critique littéraire dans divers médias : Fréquences Paris Plurielles, Unidivers, Buzz Littéraire, Actualitté et Atlantico. Elle a aussi couvert des événements littéraires pour l’agence Post-Scriptum,
Laurence Biava a publié 18 livres, et est agent d’auteurs et d’artistes.
En parallèle, elle est salonnière et créatrice de manifestations littéraires. Elle a créé 7 prix littéraires. Prochainement elle devrait achever la création du Salon littéraire des Deux Rives, voué à restaurer l’atmosphère des salons baroques d’autrefois.

Bénédicte Vidaillet | Tok’ici, Lille

Photo : Alain Barbero | Texte : Bénédicte Vidaillet

 

Au Tok’ici

Dans ce monde de grands toqués au pouvoir, heureusement, y a le Tok.

Des toques, ici, on en trouve. Pas étoilées, mais qui nous mettent des étoiles plein les yeux. Bao, tahchin, soupe won ton et sauce tarator, cromesquis ou waterzooï. Dis-le : tu en as déjà plein la bouche.

Toque, entre. Pas de cheminée mais des sourires, des saluts, un petit verre, quelques mots et souvent plus.

Et si tu es un peu toqué, tu peux aussi trimballer tes tocs au Tok. Aligner ta chaise de bar sur les joints de carrelage du sol, franchir le seuil deux fois plutôt qu’une, te signer avant toute gorgée : ça te donne juste un style, on n’en fait pas tout un plat. 

Et tok !

 


Interview de l’auteure

Comment littérature et engagement trouvent écho en toi ?
Bénédicte Vidaillet : Je n’aime pas ce que devient ce monde. Alors plutôt que de pleurer ou d’enrager seule, je milite et je crée des assos, avec d’autres, pour défendre un parc dans la banlieue lilloise, puis une grande friche au centre de Lille, d’une urbanisation folle qui nous exproprie de nos histoires, de nos souvenirs, de nos liens sensibles avec nos lieux de vie. Et qui détruit chaque jour un peu plus le monde vivant, animal et végétal. Et j’écris : des manifestes, des coups de gueule, des essais. Ecrire et agir sont pour moi intimement liés.

Quelles sont tes aspirations ? 
BV : En militant, nous essayons de défendre et d’inventer autre chose que la ville et la vie auxquelles nous assigne le régime de ces experts qui urbanisent « pour notre bien ». Nous exprimons notre quête d’un monde qui corresponde davantage à nos aspirations, à nos désirs, à notre conscience. Un monde qui nous donne envie d’être en vie, que nous pouvons habiter avec nos corps, nos sens, nos sensibilités.

Pour quel monde ? 
BV : Au fond, nous voulons des choses simples et essentielles : un air respirable, une eau potable sur le long terme, des terres épargnées pour nous nourrir, de la beauté ; à portée de nos pas ou de nos roues de vélo, nous voulons sentir les rythmes de la nature, voir pousser un chou ou un arbre, nous émerveiller, rencontrer, discuter, apprendre, faire des expériences, être en mouvement. 

Nous sentir vivants

 

BIO

J’aime les mots. Pas étonnant que je sois devenue psychanalyste. Et que j’écrive aussi, des articles, des livres. Certains sont traduits, en italien ou en anglais. Le dernier s’appelle : Pourquoi nous voulons tuer Greta – Nos raisons inconscientes de détruire le monde (érès, 2023).

Jean Portante | Café La Liberté, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Jean Portante

 

À Luxembourg, j’étais un assidu des cafés. Il y en avait un, le plus mythique, disparu entre-temps, qui était mon deuxième chez-moi, tous les soirs ou presque, jusqu’à l’aube, la bière y coulait à flots. C’était dans les années 1970. Il y avait le monde à refaire. L’avenir était au bout de nos rêves. L’utopie à portée de désir. Des amourettes d’une nuit y naissaient et mouraient. Ça s’appelait « Chez Malou ». Des étudiants, des artistes, des politiques, des avocats s’y mêlaient. J’y ai rencontré mon premier poète : Edmond Dune. L’auteur de « Je vous écris d’un café triste ». Je pense souvent à lui. Le poète triste. Peut-être est-ce lui qui a donné la première pichenette me poussant dans la poésie. Puis, je suis parti. À Paris. Je voulais être poète. Écrivain. J’ai écrit mes premiers livres. Les autres ensuite. Mais je n’ai plus eu besoin de cafés. D’ailleurs, les lieux légendaires étaient en déclin. Il y avait encore, dans les années 1980, le Saint-Claude, sur le boulevard Saint-Germain, où l’on pouvait croiser des poètes, mais très vite il a cédé le pas à un magasin de vêtements chics. Dans les autres, Les Deux Magots, le Flore, Lipp, La Closerie des Lilas, les touristes faisaient flamber les prix. Et moi j’étais un sans-le-sou. Comme tous mes amis poètes et artistes. On se retrouvait chez les uns et les autres, buvait du vin à quat’sous, au café je n’y allais que pour des rendez-vous. Le Sarah Bernhardt tout d’abord, à Châtelet, parce que tous les métros y mènent. La Liberté, enfin, à Edgard Quinet, plus près de chez moi. Là où Sartre allait à la fin de sa vie. Mais ni les garçons ni les clients ne le savent. Moi oui. Est-ce pour cela que je ne m’assieds pas toujours à la même table. Comme si j’étais à la recherche de la chaise que lui aurait choisie. 

 


Interview de l’auteur

La littérature peut-elle encore sauver le monde ?
Jean Portante : La littérature dit le monde. Elle crée un monde. Elle enrichit l’imaginaire du monde. Mais contre la dérive du monde elle n’a pas d’armes. Elle n’a pas d’armes contre les guerres, les famines, les dictatures, l’argent, la faillite éthique, le mensonge, la déshumanisation, la perte de sens de plus en plus généralisée… Un poème, un roman, une nouvelle, une pièce de théâtre ne sont que des moments intimes qui s’adressent à l’intime du lecteur, lui procurent un plaisir, le mettent parfois en garde, l’aident à comprendre, l’humanisent, lui ouvre des horizons, mais à sa condition sociale ils ne changent rien. Que vaut une bibliothèque contre une bombe qui à Gaza, en Ukraine ou ailleurs, tombe sur l’immeuble qui l’abrite. Si l’humanité veut se donner un avenir, elle a besoin de se créer une utopie sociale. Sur ce terrain-là, peut-être, la littérature pourrait planter ses graines, mais aura-t-elle le temps. Il y a urgence aujourd’hui. La maison déjà brûle. 

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
JP : Je sais qu’il y a des écrivains qui s’assoient dans un coin d’un café, pour prendre des notes, et même pour écrire, ou tout simplement pour permettre à leur esprit de divaguer, moi non. Ou, plutôt, plus. Ou plus à Paris. Quand je suis ailleurs, je me mets systématiquement à la recherche de cafés que d’autres écrivains avant moi ont fréquentés. J’y cherche à lire la ville, avant de l’arpenter. Et je prends des notes…

Où te sens-tu chez toi ?
JP : Pour écrire : chez moi, dans mon bureau, à Paris, entouré de mes livres… Sinon, dans le monde entier.

 

BIO

Jean Portante est né en 1950 à Differdange (Luxembourg), de parents italiens. Il vit à Paris. Son œuvre, riche d’une cinquantaine de livres – poésie, romans, essais, pièces de théâtre – est largement traduite. En France, il est membre de l’Académie Mallarmé. En 2003, il y a reçu, pour son livre L’étrange langue, le Prix Mallarmé. En 2011, il a été couronné au Luxembourg du Prix national. Depuis 2018 il écrit ses livres en deux langues, français et italien. Depuis plus de trente ans, il exerce une activité de traducteur littéraire.

Beata Umubyeyi Mairesse | La Diplomate, Bordeaux

Photo : Alain Barbero | Texte : Beata Umubyeyi Mairesse

 

Il y a des lieux dont le seul nom évoque immédiatement le souvenir d’un moment précis dans la vie,  et le salon de thé La Diplomate en fait partie. Pourtant je n’y suis allée que de façon sporadique. La première fois, celle qui m’a le plus marquée, c’était en 2014.  J’avais donné rendez-vous à deux amies pour leur soumettre un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps : lancer à Bordeaux un cercle de lectures afro-caribéennes. C’était la fin de l’été et l’atmosphère durasienne, feutrée et fraîche (en raison des murs en pierre de la bâtisse, dans la vieille ville), était toute trouvée pour une conversation littéraire enflammée. Elles partageaient ma passion et nos différentes origines offraient un horizon de lectures infini. Comme j’étais très enceinte, nous prîmes date pour lancer les rencontres de ce nouveau book-club à l’automne. Mon fils naquit le lendemain, le cercle vit le jour en novembre. 
Je suis revenue à La Diplomate pour acheter des thés et tisanes, sans plus avoir le temps de m’y poser, me promettant de le faire quand les enfants seraient grands. Je repartais avec des sachets parfumés portant le nom de villes du monde auxquelles les propriétaires des lieux avaient ajouté une description toute poétique. Voici les deux que j’affectionne le plus :

Kigali (Rooïbos vert, verveine, écorces d’orange, framboises entières, groseilles, fleurs de souci, passiflore, morceaux de pomme) : « Le pays aux mille collines, la paix enfin retrouvée, hommage à la tendresse de l’âme, où la féminité est mère et lumière »                                                                                                               

Zanzibar (Thé vert Sencha, tranches de fraises, framboises entières, pétales et boutons de rose): « L’Afrique, l’Asie, les felouques attendent le départ vers Ceylan, les voiles se gonflent »

 


Interview de l’auteure

Que peut faire la littérature ? 
Beata Umubyeyi Mairesse : À l’époque où je commençais l’écriture de mon premier livre, j’ai lu cette belle réponse, que je fais mienne, dans une texte de Zadie Smith sur David Foster Wallace : « la bonne littérature est faite pour réconforter les gens dérangés et déranger les gens confortables ».

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
BUM : C’est une promesse encore à tenir. Un livre, un thé, du temps retrouvé.

Où te sens-tu chez toi ?
BUM : Là où personne ne me demande d’où je viens (vraiment).

 

BIO

Beata Umubyeyi Mairesse est née et a grandi au Rwanda. 
Elle a coordonné pendant 15 ans des projets de prévention en santé en France et à l’étranger. 
Elle publie depuis 10 ans des nouvelles, de la poésie et des romans multi-primés. Ses derniers ouvrages publiés sont un album jeunesse, Peau d’épice (Éd. Gallimard jeunesse, 2023), un recueil de poésie, Culbuter le malheur (Éd. Mémoire d’encrier, 2004) et un récit, Le Convoi (Éd. Flammarion, 2024). Ce dernier a reçu de nombreux prix littéraires dont le Prix de l’essai France Télévision et le Prix franco-allemand Franz Hessel.

 

 

Marius Daniel Popescu | Café Romand, Lausanne

Photo : Alain Barbero | Texte : Marius Daniel Popescu

 

Tu as été ici plusieurs centaines de fois. Avec René-Luc qui te parlait de Gustave Roud et vous buviez du vin blanc de la région. Avec Dominique, il te parlait de ses élèves et de ses poèmes, vous trinquiez à la santé de tous les habitants de la rue du Maupas. Avec Marie-José, Sarah et Oana, vous mangiez de la fondue moitié-moitié et vous grandissiez ensemble. Avec Michel et Véronique, vous parliez de livres et d’écriture. Avec Pierre Louis, vous restiez de temps en temps jusqu’à la fermeture. Avec François, vous parliez de la chasse et vous buviez des bières. Avec Jean Christophe, vous pensiez à un prochain numéro du journal littéraire « le persil ». Avec Daniel et Vincent, vous disiez des poèmes de la vie de chaque jour. Avec Jean-Louis, dit « Le Papillon ». Avec Béatrice, vous montriez au monde vos doigts et vos yeux. Avec Isaac, vous nagiez dans vos nouvelles. Avec Dominique et Véronique, vous souriiez aux mots cachés dans une guitare. Avec Victor, vous viviez avec Bob Dylan. Avec Francine, Ingrid, Robert et sa femme, avec Ramon, Philippe et Sergueï. Avec beaucoup d’autres femmes et hommes de Lausanne et d’ailleurs.

Tu entres, tu as réservé deux places pour midi, tu regardes à l’intérieur, tu vois les serveuses et les serveurs au fond de la salle, tu avances parmi les tables, tu t’approches d’eux, tu les salues, ils te disent « bonjour », l’une des serveuses te prend en charge, elle t’accompagne vers votre table, elle te la montre, elle dit « c’est ici ».

Aujourd’hui, tu es ici avec Alain, vous allez manger du papet vaudois, vous allez parler de vos vies, de vos envies, de vos m et vos d et vos i. Ici, Alain va prendre des photos de toi. Tu vas le regarder : comme si Times New Roman, Calibri, Garamond et Bahnschrift prenaient ensemble un bain de Calamin.

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ?
Marius Daniel Popescu : Saisir vie créer vie donner vie surprendre vie penser vie voir vie entendre vie faire vie passer vie apporter vie conduire vie montrer vie inventer vie transmettre vie survivre vie gagner vie garder vie multiplier vie sortir vie comprendre vie nourrir vie lancer vie fleurir vie parler vie durer vie continuer vie annoncer vie protéger vie crier vie vivre vie apprendre vie maintenir vie sauvegarder vie développer vie partager vie.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
MDP : Etre seul et avec les autres. Etre seul. Etre avec les autres. Etre les autres. Etre moi-même. Arriver. Parler. Regarder. Manger. Boire. Parler. Regarder. Partir.

Où te sens-tu chez toi ?
Marius Daniel Popescu : Dans les appartements et les maisons. Dans les cafés les bars les restaurants. Dans les regards des autres. Dans les paroles. Dans les livres. Dans les rêves. Dans les rues. Dans les forêts. Dans les champs. Dans les bus les trains les métros les avions. Dans ma mémoire. Dans les mots.

 

BIO

Né en Roumanie le 10 juin 1963, Marius Daniel Popescu vit en Suisse depuis le 01.08.1990.
Poète et écrivain de langue française, il a gagné plusieurs prix littéraires : Prix Rilke, Sierre, 2006, pour Arrêts déplacés (Editions Antipodes, Lausanne); Prix Robert Walser, Bienne, 2008, pour La Symphonie du loup (Editions José Corti, Paris); Prix culturel vaudois de littérature, Lausanne, 2008; Grand Prix Littéraire du Web, Paris, 2012; Prix de l’Inaperçu, Paris, 2012; Prix fédéral de littérature, Berne, 2012, pour Les Couleurs de l’hirondelle (Editions José Corti, Paris, 2012).

Nora Bouazzouni | Café du Coin, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Nora Bouazzouni

 

J’aime le brouhaha des bars, des cafés et des restaurants, car il fait taire mon brouhaha intérieur. Le jour, il m’empêcherait de travailler – j’ai besoin de silence pour écrire – mais le soir, il m’empêche de ruminer. Je le hume, m’en imprègne, il m’enveloppe et m’apaise. Quand d’autres méditent pour faire le vide ou chasser les pensées négatives, moi je m’assois, seule, au comptoir, je commande un verre de vin ou un negroni et j’écoute. Chaque endroit a son brouhaha, un genre de signature sonore qui lui est propre. Je reconnaîtrais celui de mes bars et restos préférés entre mille – le bruit de la machine à bière, celui des frigos qui s’ouvrent, la manière dont les voix rebondissent sur les murs, dont les chaises et tabourets glissent sur le sol. J’écoute les conversations, les questions des client·e·s, j’épie les regards en coin, les bras qui se croisent, les cheveux ramenés derrière l’oreille, les chaussures neuves, le trait d’eyeliner, les livres qu’on feuillette en attendant un date. J’essaie de deviner qui est le collègue, l’amie, bientôt l’amante ou déjà l’amoureux, qui trompe sa femme, qui s’emmerde, qui n’est que de passage dans ce café, ce bar, ce resto, cette ville, ce pays. J’entends tout, je vois tout. Je deviens invisible.

 


Interview de l’auteure

Comment pouvons-nous encore nous asseoir confortablement dans un café face à la situation du monde ?
Nora Bouazzouni : Permets-moi de répondre à cette question par une autre : qu’est-ce que ça changerait à la situation (désespérée) du monde si nous arrêtions de fréquenter les cafés ?

Les cafés : lieux d’interaction sociale ou de pure consommation ?
NB : Les deux ! Siroter la même orange pressée pendant une demi-heure ; commander une entrée ou deux desserts ; noyer son chagrin dans du Chenin… On pourrait le faire chez soi, mais ça n’aurait pas la même saveur. On va dans un café pour boire ou manger, mais aussi pour voir (ou être vu·e), échanger, écouter, sentir… L’interaction sociale commence dès lors que vous franchissez la porte, que vous décidiez ou non d’adresser la parole aux autres clients.

Le café a-t-il encore aujourd’hui une importance sociopolitique et si oui, laquelle ?
NB : Les cafés ont mille fonctions sociales et donc politiques : ils brisent l’isolement, favorisent les rencontres, les discussions… Ce sont des lieux de convivialité, de pause ou de fête, mais aussi d’organisation militante, donc de sociabilité politique : au début du XXe siècle, faute de locaux ad hoc, les mouvements ouvriers se réunissaient dans les cafés !

 

BIO

Nora Bouazzouni est une journaliste indépendante, écrivaine et traductrice née en 1986, qui vit à Paris. Elle travaille principalement sur l’alimentation, le genre et les séries, à travers des articles, vidéos et podcasts. Son dernier livre, Violences en cuisine, une omerta à la française est paru chez Stock au mois de mai. Elle a également publié trois essais aux éditions Nouriturfu, Mangez les riches – La lutte des classes passe par l’assiette (2023), Steaksisme – En finir avec le mythe de la végé et du viandard (2021) et Faiminisme – Quand le sexisme passe à table (2017).

Stephen Clarke | Les Eiders, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Stephen Clarke

 

J’adore voyager, découvrir des lieux nouveaux, explorer notre planète. 
Je cherche continuellement de nouvelles plages pour faire du bodyboarding. 
Un de mes plus grands plaisirs est de plonger dans la mer tropicale avec mon masque et mon tuba pour apercevoir l’invisible – les poissons et les coraux cachés sous la surface. 
Mais en même temps j’adore être chez moi dans le 19e arrondissement, boire le même thé au petit déjeuner, regarder la même merle (une femelle au plumage couleur chocolat) qui visite la cour tous les jours. 
Avant, j’allais tous les matins au même café et je m’installais au bar. Je n’avais même pas besoin de commander. Je disais bonjour et je recevais mon espresso. Là, je retrouvais des voisins, Jacqueline et Michel, qui habitent le quartier depuis des décennies. Séparément. Jacqueline vit avec son mari dans les grandes tours en face, Michel avec sa copine à quelques rues de là. 
Ils me décrivaient la vie par ici avant les grandes démolitions des années 80. Je leur racontais mes aventures d’écrivain anglais à Paris – et surtout j’interprétais les derniers chapitres dans l’épopée de la famille royale anglaise.
Puis, suite au confinement, ce café a été racheté par de nouveaux propriétaires qui détestent ceux et celles qui osent passer trop de temps à papoter au bar avec une seule consommation. Alors nous boycottons. 
Me voilà donc un peu nomade dans le quartier. Il n’y a plus de rendez-vous quotidiens. Les jours du marché, je vais par là. Les jours ensoleillés, sur une terrasse là-bas. Régulièrement à midi, je viens ici, aux Eiders, un café où les propriétaires sont acceuillants, où le plat du jour est sympathique et où je reçois mon verre de chardo sans avoir à le commander. Ca donne une continuité à la vie.

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ? 
Stephen Clarke : Distraire et informer. Faire rire si possible. Communiquer avant tout. Les remarques les plus gentilles que mes lecteurs m’ont faites: « À la fin de votre livre, je me disais que le monde n’est pas si mauvais après tout » ; « j’aurais aimé que l’histoire soit enseignée à l’école comme vous la racontez. »
Je relis toujours mes textes – romans ou essais – à haute voix pour être sûr que les cadences marchent, que les phrases ne sont pas trop longues, que les idées passent.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
SC : Le café en tant que boisson est vital pour moi. Avant le premier café du jour, mon cerveau ne fonctionne pas. Alors le café comme institution est d’abord ma station service. Après, c’est le lieu où j’aime retrouver mes amis et mes voisins pour découvrir ce qui se passe dans le monde.

Où te sens-tu chez toi ?
SC : Partout et nulle part. Je m’adapte vite à un nouvel endroit, je forme vite mes habitudes, mais je me sentirai toujours un peu outsider. C’est parce qu’à 9 ans, un matin ma mère a annoncé à ma soeur et moi « nous partons », et je n’ai jamais revu mes amis. 

 

BIO

Stephen Clarke est un Anglais parisien et un Parisien anglais. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres qui sont traduits en une vingtaine de langues. Son premier roman A Year in the Merde (Black Swan, 2004) traduit en français sous le titre God save la France (Nil éditions, 2005) s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Son premier livre d’histoire 1000 Years of Annoying the French (Bantam Press, 2010) en français sous le titre 1000 ans de mésentente cordiale (Nil éditions, 2012) a été numéro un en Angleterre et a inspiré un musée en France, le Centre Culturel de l’Entente Cordiale, au Château d’Hardelot. Son dernier ouvrage, Charles Worth l’Anglais qui a inventé la haute couture (Éd. Paf, 2025) rend hommage à un Anglais qui a créé une industrie tellement française.
Il joue de la basse et compose des chansons.

 

Alexandre Caldara | Bistrot Chauffage Compris, Neuchâtel (Suisse)

Photo : Alain Barbero | Texte : Alexandre Caldara

 

douces bribes d’un western hélvétique en clair obscur

le photographe l’inconnu Barbero vient sonder ma pomme Caldara dans mon bistrot le chauffage compris ce 14 janvier à Neuchâtel il me raconte son histoire de cinéphile de ciné-fils sa vision du film mauvais sang de léos carax rencontre ma pomme et rapièce mon expérience de ciné errant tout cela suinte scintille dans mon bistrot et réactive «des voix de vieux films de cinéma» comme on l’entend précisement dans mauvais sang 

oh misère lecteur 
laisse-toi entraîner vers les zones zombies du zinc
donc je reprends ma dérive en ce 14 janvier mon bistrot commémore ses 30 ans il présente une ardoise un menu du jour concassage de saveurs à croquer et là arrive le photographe l’inconnu il me parle de sa vie d’avant de fonctionnaire ferroviaire qui chérit d’avantage que le rail la salle obscure 

une nuit il plus que voit 

il se laisse transpercer par le cri du film mauvais sang le lendemain matin tremblant d’une nuit sans sommeil il fait figurer sur l’ardoise de son lieu professionnel le séisme la névralgie il inscrit mauvais sang en lettres d’or cela sidère ses collègues et le propulse sur les rails de sa vie à venir de photographe 

les deux ardoises celle du chauffage compris et celle du photographe inconnu se collisionnent 

moi ma pomme je reçois tout cela par le corps et je danse face à l’objectif le photographe celui qui immortalise avec un petit appareil numérique et des tonnes de négatifs nostalgiques dans son bagage noir et blanc actionne une certaine vitesse qui relance le mouvement

les ardoises retrouvent leur condition de matière noire
ma pomme repense au bistrot le chauffage compris où j’ai mangé une tarte tatin elle me hante comme le film mauvais sang 
tout ça pour ma pomme
le photographe Barbero et moi Caldara ne sommes plus des inconnus nous voilà liés noués libérés politisés esthétisés par le chaud mauvais sang et le chauffage compris où on ne gèle pas diantre
après tout mauvais sang comprend une scène d’anthologie de bataille de mousse à raser hommage délicat au big shave de martin scorsese ma recontre avec Barbero ressemble à la mousse à raser de mauvais sang elle danse joyeusement

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ?
Alexandre Caldara : Elle commence par s’écarter du mot pouvoir. Elle tend la joue à l’animale lecture. Ou pour en parler autrement, le non pouvoir merveilleux de la littérature permet d’ouvrir les « Détectives sauvages » roman caverne lumineux de Roberto Bolaño, face au vent, à n’importe quelle page, et sentir ce sentiment nécessaire pour sortir de la banalité.
Ce souffle de poésie viscérale.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
AC : Je perçois les cafés comme des cocons, des citadelles de sable, des salles d’attente, de séjour. Les bistrots que j’aime transportent en eux un bout d’anonymat froissé qui dialogue avec les foules.

Où te sens-tu chez toi ?
AC : Seul en fondant la compagnie des autres.
Face à deux guitares flamenca qui protègent ma bibliothèque free jazz.

 

BIO

Alexandre Caldara, poète, performeur, journaliste, né à Neuchâtel, en 1977, vit dans cette ville après des détours par la Seine et le Gange. Improvisateur de syllabes fragiles en bouche, il écrit depuis qu’il s’en souvienne. Il publie depuis 2015, une petite dizaine d’ouvrages, dont L’Emacié, Volubiles Nudités et Mystère Bouffe aux éditions Samizdat; Peseux Paterson chez D’autre Part; Demi-Nuit aux éditions, A Côté de cela et Pulp Vendange aux éditions du Griffon. La Revue des Belles Lettres a publié ses contributions sur le dadaïsme et les écrits bruts. Ses mouvements de danse doivent beaucoup à sa fréquentation du butō et aux dignes maîtres du cri silencieux Kazuo et Yoshito Ohno.