Corinne Maier | Goupil Le Fol, Bruxelles

Photo : Alain Barbero | Texte : Corinne Maier

 

C’est au café Goupil le Fol de Bruxelles, que nous nous sommes retrouvés en 2023, Alain Barbero et moi. Quel plaisir de le revoir ! Tous les deux, nous nous sommes rencontrés au début des années 1980. Alain était un copain d’enfance de Serge, mon petit ami de l’époque ; nous avions vingt ans. Puis nous nous sommes perdus de vue, Alain et moi. Je me souviens que déjà dans les années 1980, la photo l’occupait beaucoup, en marge de son activité professionnelle. Moi je n’avais pas du tout l’idée qu’un jour j’écrirais des livres. J’étais beaucoup plus égarée dans la vie qu’Alain, qui savait déjà où il allait. 
Voir Alain effectuer une séance de photo, c’est vraiment une expérience étonnante : il gravite et virevolte autour de son sujet, guettant le moment juste. C’est un long processus, plus long que chez la plupart des photographes. Le dialogue y joue un grand rôle. Dans un tout autre domaine, il en est de même pour moi : je commence à réfléchir à un sujet de livre, et je zigzague autour, parfois pendant très longtemps. Je me sens comme un sniper qui piste et guette sa proie. Pendant ce temps, je lis des livres, je discute avec des gens, j’écoute le monde de toutes mes oreilles. À un moment il y a un déclic et là je sais que j’ai trouvé l’angle. Plus qu’à tirer !

 


Interview de l’auteure

Que peut la littérature ?
Corinne Maier : Vaste question. Pas d’illusion, elle peut peu. Mais l’écriture occupe ceux qui la pratiquent, et ceux qui la lisent. C’est déjà pas mal.

Quelle importance ont les cafés pour toi ?
CM : J’aime les bars de nuit, ceux où on discute avec des inconnus au comptoir en picolant. Mais je ne vais pas au café dans la journée, il y a trop de gens qui y travaillent sur ordi, transformant beaucoup de cafés en open spaces. « Derrière les vitrines des cafés, les gens sont alignés devant leurs écrans d’ordinateurs », écrit Ivy Pochoda dans l’un de ses excellents romans, De l’autre côté des docks (en anglais Visitation Street). Les travailleurs du tertiaire polluent les lieux, qu’ils aillent bosser ailleurs ! Laissons les cafés aux paresseux ! 

Où te sens-tu chez toi ?
CM : Je me sens chez moi dans un lit, avec une pile de livres à lire. Là est mon vrai pays, mon unique fidélité géographique. Le but de ma vie est de passer le plus de temps possible à lire au lit. Enfant, j’ai décidé de consacrer ma vie à tout lire. J’avance bien. Mais j’ai encore pas mal de pain sur la planche, et j’espère accomplir ce vaste programme. Allongée…

 

BIO

Corinne Maier vit en Belgique, avec de nombreuses incursions en France (Lozère). Elle écrit des livres (sujets de société, histoire, humour). L’écriture est sa principale activité professionnelle,  elle travaille le moins possible. Elle a publié de nombreux livres de non-fiction (Tchao la France, Dehors les enfants…), des scénarios de bande dessinée (Freud, Marx, Einstein, Ma vie est un best-seller, Monsieur Proust), et un roman (A la conquête de l’homme rouge). Les plus connus sont Bonjour paresse, un texte acide sur le monde de l’entreprise, et No Kid, un pamphlet anti-parentalité. Le plus récent est Me First. Manifeste pour un égoïsme au féminin.
www.corinnemaier.info