Sandrine Malika Charlemagne | Le Surcouf, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Sandrine Malika Charlemagne

 

Je l’ai regardé se hisser sur le haut tabouret, quelque peu emprunté, fragile silhouette dans sa veste de cuir malgré ce plein soleil au dehors. Il a calé sa canne contre le comptoir, cherché l’équilibre. Ses yeux fendus, couleur de glacier, ont un instant croisé les miens où j’ai cru y voir vaciller la nostalgie d’un temps dont il était l’unique gardien.
La douceur émanait de ce visage blanchi par les années. Un habitué du quartier ? Je ne l’avais encore jamais croisé au café. De profil, il avait le port d’un aiglon, ses cheveux gris pâle clairsemés en légers duvets. Le dos courbé, les jambes flottant dans son pantalon de toile grossière, il fixait une ligne au loin. Le petit homme esquissa un sourire dans sa tranquille solitude. J’eus soudain envie d’aller vers lui, de lui prendre la main, de sentir la chaleur de sa peau entre mes doigts. A quoi pensait-il ? Je me suis demandé s’il sentait que je le regardais. Et puis, le mirage de la vie. J’ai vu l’homme assis sur une vieille valise à la sortie d’une gare où des gens pressés passaient devant lui sans même le voir. Je l’ai vu tendre la main. Attendre un geste de compassion, de bienveillance, d’amitié fugace. Mais seuls les oiseaux l’entouraient d’un semblant d’affection. Lui, sur sa valise, au milieu des pigeons, il souriait, de ce sourire qui rehaussait la délicatesse de ses traits amaigris. Il souriait à la vie qui bientôt, comme dans un livre, se refermerait sur lui.

 


Interview de l’auteure

Que peut faire la littérature ?
Sandrine Malika Charlemagne : Elle donne à voir des mondes – du plus quotidien au plus baroque – elle aide à se construire – à se tenir éveillé – à s’émerveiller – et parfois elle guérit l’âme en souffrance. C’est aussi le lieu du secret. Une toile où l’on découvre mille et un paysages. Avec la littérature, on va partout. Un peu comme dans un film. Les personnages sont éternels. On se sent vivant quand on lit. On respire autrement. On pense autrement. On diversifie notre approche de la langue. On aime peut-être aussi autrement. 

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
SMC : Des lieux de passage où l’on peut regarder les gens, les écouter parler ou écouter leur silence. Rêver sur ceux qui nous entourent.

Où te sens-tu chez toi ?
SMC : Face à l’immensité de la nature. Montagnes. Forêts. Déserts. Océans.

 

BIO

Sandrine Malika Charlemagne a commencé une formation de comédienne au cours Nordey, joué notamment au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis sous la direction de Jean-Claude Fall, a écrit Anastasia, mise en onde sur France Culture, publié trois romans, deux pièces de théâtre, deux recueils de poésie, animé des ateliers à Vitry-sur-Seine, Sevran-Beaudottes, Cergy-Saint-Christophe, Saint-Denis et bourlingué ici et là.
Publié en novembre 2023 : La traqueuse – Editions Velvet