Véronique Sels | L’Ultime Atome, Bruxelles

Photo : Alain Barbero | Texte : Véronique Sels

 

J’aime séjourner dans une géographie parallèle qui n’est plus celle des arrondissements administratifs mais celle des populations. J’aime Matongé, le plus grand quartier commerçant et associatif africain de Bruxelles, homonyme du quartier de la fête à Kinshasa en République Démocratique du Congo. J’aime la Place Saint-Boniface, jadis populaire et aujourd’hui gentrifiée, conquise par des trentenaires fonctionnaires de la communauté européenne qui ne viennent qu’y boire et y manger. J’aime entendre parler l’allemand, l’anglais, l’espagnol et le ligala sur le même périmètre. J’aime les frontières invisibles, l’incarnation physique des villes, leurs fêtes, leurs bombances, leurs danses, leurs résistances aux ultimatum (ultimatum : injonction par laquelle un État présente à un autre État certaines revendications en cours de négociation). J’aime le dernier atome de résistance qui subsiste en chacun de nous.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ? 
Véronique Sels : C’est d’abord un lieu. C’est le seul endroit habitable en ce qui me concerne. Le lieu où la réalité se laisse pénétrer en profondeur, où comme des scaphandriers nous pouvons descendre (aussi bien en lisant qu’en écrivant) au cœur des événements et des existences. Je ne fais pas de différence entre lecture et écriture. Écrivains et lecteurs habitent le même pays illimité. 

Quelle importance ont les cafés pour toi ? 
VS : Je ne suis pas douée pour la vie domestique. Très jeune j’ai su que je ne voulais pas assurer les repas et tenir la maison. Les cafés, et surtout les brasseries où on peut à la fois boire et manger, sont pour moi des lieux de liberté et d’émancipation. Les convives sont disponibles, ne doivent pas présenter leurs excuses si le plat a brûlé ou est trop salé. J’ai beaucoup de considération pour les serveuses et les serveurs qui me permettent de vivre ces moments de disponibilité.  

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
VS : Les cinq premières heures de la journée, j’écris. Les suivantes, je lis ou je vais marcher, en ville ou dans la forêt. Marche et écriture sont intimement liées. C’est le mariage parfait, du récit et du mouvement. 

 

BIO

Véronique Sels, née à Bruxelles en 1958. Patries de cœur : la danse et la littérature. Diplômée de l’Institut de Rythmique Émile Jaques-Dalcroze, elle a enseigné la danse et la rythmique, a exercé le métier de conceptrice-rédactrice et publié 5 romans dont La ballerine aux gros seins, traduit en coréen et adapté au Sinchon Theater à Séoul en 2021. Lauréate de la bourse Sarane Alexandrian de la Société des Gens de Lettres, elle a également écrit Même pas mort !, une biographie fictionnelle sur Stéphane Mandelbaum, peintre néo-expressionniste belge assassiné en 1986 suite au vol d’un Modigliani.