Barbara Rieger | Café Kafka, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Quelqu’un a coupé la sagesse en petits morceaux, l’a éparpillée, et a retrouvé la boule. Elle cherche sur tous les menus de la terre, sur tous les continents elle amasse des morceaux et se les approprie. Elle caresse le ventre rond des tasses à espresso et tout en ayant l’impression d’avoir eu assez, n’est jamais tout à fait repue. Elle a volé, trompé et a tenté d’aspirer le monde avec la fumée d’une cigarette.
Il porte un toast au bonheur. Les dons et talents ne sont pas équitablement répartis.

 

Dieter Sperl | Café Zartl, Vienne

Photo : Alain Barbero  | Texte : Dieter Sperl dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Souhaits et intentions.
Toujours me guident.
Alors que sans but. On est porté.
Vers les étoiles.

 


Interview de l’auteur

Que signifie pour toi la littérature ?
Dieter Sperl : La littérature prend pour moi toujours de nouveaux visages, que j’exprime dans mes textes, morceaux, discussions, performances, lectures.

Qu’ évoque pour toi le “Café Viennois” ?
DS : Le café est pour moi l’endroit pour me détendre, laisser mon esprit vagabonder et bien sûr un lieu de rencontre.

Pourquoi avoir choisi le café Zartl ?
DS : J’aime aller au café Zartl, quand j’ai rendez-vous avec quelqu’un pour travailler. Ce n’est jamais bondé au point que l’on ne puisse pas se concentrer, et les tables sont suffisamment grandes pour pouvoir étaler les documents et les regarder. De plus, la légende dit que le célèbre écrivain autrichien Heimito von Doderer fréquentait ce café.

Que fais-tu, quand tu n’es pas au café ?
DS : Quand je ne vais pas dans les cafés, je fais ce que les gens font tous les jours : astiquer, bonimenter, cogiter, dormir, escamoter, filer, etc.

Jaqueline Scheiber | Top Kino, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Jaqueline Scheiber | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Avec des vélos aux murs, quelque part, emmitouflé un dimanche dans les coulisses sonores,
tes chaussures aux lacets trop serrés, prêt pour la fuite. entremêlé de mon impatience,

retenu à chaque arrêt et de manière tendue. il est toujours un air de musique qui t’accompagne, pensées repliées dans des serviettes, fraîches que tu l’aies souhaité ou non.

et pourtant nous avons fait le choix du coup dur, de la dispersion et du retour,
sous notre propre peau,

sous notre propre toit.

tu l’as boutonné, le passé, et finalement aussi le manteau, que tu portes hors du cadre.

et mes orteils courent sous le bord de la table, ralentis par toi,

entre sourdes ondes sonores je voudrais terminer le chemin de la bordure du trottoir
au rebord du lit.

en hypothèses. une dernière fois.

Renate Aichinger | Café Ansari, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Renate Aichinger dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

nature en vase
fière capturée

instants en bulles
sous verres retenus

gouttes de pluie contre la vitre
tambourinent doucement

des hommes près des arbres
se pressent sans bruit

le monde
passe muet

toi
absent

le temps serré
d’un grand café latte

Erika Kronabitter | Café Dommayer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Erika Kronabitter | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

à cette même table
toujours à la même place
son visage tourné vers l’extérieur
son regard vers l’intérieur
les marques au fil des ans
plus profondes sur la peau
comme sillons sur la terre

Katherina | Liebling, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction Sylvie : Barbero-Vibet

Attirante, pas facile, assise dans la lumière elle fixe ton côté obscur. Elle ne te regarde pas et devine tes intentions avec la sagesse d’un vieil homme. Comme la plupart, tu ne souhaites pas juste une amoureuse, mais quelque chose qui n’est sûrement pas sans danger. Pourtant une chose est sûre : avec elle, il est possible de souffrir avant de mourir.

 

Hubert Weinheimer | Zum Roten Bären, Vienne

Photo : Alain Barbero  | Texte : Hubert Weinheimer tiré de sa chanson “Kronprinz” du groupe “Das Trojanische Pferd” | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Et tant que je ne sais pas – ce qui brise les planches
je suis et je reste – un bateau vascillant
Je salue et implore – ne remercie pas
Good night folks & good luck !

Sabina Auckenthaler | Café Weimar, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Sabina Auckenthaler | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

À la vue des morceaux brisés, elle se demanda que faire de ces débris. Y avait-il quelque part en elle assez de place pour garder de tels déchets ? Ou serait-il préférable de tout jeter sans compromis ?
Au fond, pensa-t-elle, sa relation n’était qu’un grand malentendu : elle était tombée amoureuse de lui parce qu’elle prenait ses expressions maladroites pour des jeux de mots, il était envouté par sa couleur de cheveux chatoyante, en réalité factice.
“Ce n’est pas vrai qu’on apprend de ses erreurs” déclara-t-elle. Pour la troisième fois consécutive, elle était tombée sur le mauvais numéro, comme depuis des années elle achetait des souliers trop grands, que ses pieds trop fins perdaient immanquablement.

Astrid | Café Prückel, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Est-ce un lieu où nous vivons, respirons, aimons, une maison où les émotions reposent, se plient, brisent la vitre sur laquelle nous dansons, rions, jouons, où se trouve la pièce vers laquelle nous n’allons pas et la raison pour laquelle nous nous résignons, étrangers, faux et souriants, avec acharnement, tremblant, rampant entre les gens, qui manifestent, crient, se révoltent, pleurent et les malades qui nous embrassent avec leurs mots et nous obligent à rester, en un lieu où depuis toujours nous vivons, jouons, lisons, dans une maison où nous combattons nos sentiments, derrière la vitre qui nous permet à peine de voir dehors, où nous dansons, embrassons, respirons, crions, nous révoltons, pleurons, est-ce ça que nous voulons nous voir servir, est-ce une maison que nous méritons ?

Simon | Café Goldegg, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

assis
lit
danse
en silence

part
mène
repose
en prose

tu vas
sans
réflexion
loin

-toi-
sans
traduction
reste