Archive d’étiquettes pour : Alain Barbero

Barbara Rieger | Café Weidinger, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Chaque table est une île dans un océan du temps, au-dessus duquel plane un léger brouillard. Le souvenir s’estompe. Des hommes qui restent pour partir. Un étudiant qui préfère manger à la maison pour faire des économies. Un couple qui lit le journal. De vieux hippies qui roulent des cigarettes. Des ouvriers qui passent boire une bière. Des chômeurs diplômés qui débattent de textes scientifiques. Une femme qui part après deux Spritzers et un homme qui s’en va alors pour tout perdre en paris. Des clients qui ne sont pas servis assez vite et qui s’éprennent ailleurs. Des regards auxquels personne ne répond. Il n’y a pas de wifi ici, il n’y a que du vin. Il n’y a pas de vie, il y a une table de billard. Il n’y a pas d’interdiction de fumer, il n’y a qu’une grosse horloge. C’est le temps, qui jamais ne s’arrête, mais qui s’alanguit parfois.
“Qu’est-ce qui nous relie à ce lieu?”, demande A.

René Merten | Alser Café, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : René Merten | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Non, ce n’était pas simple avec lui.
Moitié bar, moitié lounge, dépourvu de tout … culture jeune sans caractère – et pourtant ! Entre les points noirs de gâteaux et petits-déjeuners servis en continu, il gagne en maturité : duvet naissant versus ancienne génération de cafés. Mine revêche relooké dans le café au lait, mais au fond, flirt effarouché bouillonnant. Poule au menu de la semaine.

 


Interview de l’auteur

Quel rôle joue l’écriture dans ta vie ?
René Merten : Plus que jouer un rôle, l’écriture occupe une fonction artistique de communication. En écrivant, je fais de l’autothérapie, soit sous la forme rituelle de rédaction matinale de quelques pages quotidiennes ou dans l’urgence, lorsque les pensées les plus endiablées virevoltent dans tous les sens dans ma tête. Ainsi, je me parle à moi-même comme au monde extérieur, que j’essaie d’appréhender sur le plan artistique et avec qui je cherche à rentrer en contact.

Quel est ton endroit préféré pour écrire ?
RM : Là où je préfère aller, c’est dans la nature, les cafés ou dans les lieux qui m’inspirent, mais si je suis honnête, je suis réellement efficace et créatif dans une pièce calme et à l’abri, dans une bibliothèque seul parmi les anonymes ou dans le compartiment neutre d’un train. Là où personne ne me reconnaît et où rien ne me perturbe. Cela peut paraître peu inspirant, mais c’est comme ça !

Quand étais-tu la dernière fois au Café Alser ?
RM : La semaine dernière, mais avant cela, cela faisait presque 2 mois. J’y suis allé pour un rendez-vous professionnel, car c’est juste à côté de chez moi. Comme prévu, le caractère du café n’évolue que lentement, mais jamais je ne quitterai des yeux le projet de développement de ce café. Si nous continuons à nous cotoyer, un jour ou l’autre, nous serons sûrement les meilleurs amis du monde !

Sur quel projet travailles-tu actuellement ?
RM : Je travaille actuellement à 2 projets littéraires : Avec trois collègues écrivaines, un ouvrage de self coaching à destination des étudiants et diplômés, qui ne soit pas dans la veine habituelle d’optimisaton des pratiques managériales. L’accent est mis sur l’écriture, la créativité individuelle et le développement personnel (parution en mars 2017). Et un livre philosophique sur le jardin, sous différents angles comme les enfants, les vignes, les herbes aromatiques. Pourquoi existe-t-il, quelle est son influence sur nous ou autrement dit : quelle est son essence ? (en cours de relecture).

Jing | Café Griensteidl, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Un habitué s’assoie à sa place, même si elle n’a pas encore été débarrassée. Au mur se trouve une tapisserie avec un motif de Klimt et une fleur voyage jusqu’à la table pour eux. A. avale de travers un clown, qui loge dans la bouteille de bière et qui désormais s’exprime du fond de lui.
Des Français à Shanghai, des Chinoises dans un film, un homme de Carinthie, un autre de Haute-Autriche : de quoi parlent-ils ? Ils font la fête, s’envolent, se partagent des jambonneaux ; il n’y a que l’amour et l’enseignement qu’ils ne mélangent pas.
A. demande l’heure au serveur.

Barbara Rieger | Café Am Heumarkt, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Entre nous, un parquet glissant, une attente de bonheur, de perfection et de passion. Mais les pas du serveur sont lents, et ses mains protégées de plastique. Il porte un manteau blanc.
A. est étonné de constater comme je suis petite et capable de me dédoubler si vite. Il remplit le vide. Le verre sur la table tremble, et je suis envahie par la sensation d’être déjà venue. Dans un lieu à la fois désert et plein de souvenirs, dans un rêve, où je ne peux évoluer qu’avec prudence. La vitrine est vide. La place au piano n’a jamais été réservée pour moi.
Notre regard s’arrête sur la porte, qui s’ouvre lentement. Fini de photographier, car les clients sont arrivés. Ils viennent nous chercher, boivent un verre, gravent des mots dans la glace, dînent, nous ramènent à la maison.

Petra Ganglbauer | Café Dommayer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Petra Ganglbauer | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Douce sensation temporelle.
L’ineffaçable, lumière.
Ou : Le jour est soudain tombé dans la nuit –
et, salvatrice, la pensée s’éclaircit dans la tête.
Comme à contre-courant, transcendant : comme la terre entière !

 


Interview de l’auteure

Quel rôle joue la littérature aujourd’hui ?
Petra Ganglbauer : c’est à la littérature aujourd’hui encore qu’il appartient, à l’aide de mots trouvant écho, d’engager les gens à aiguiser leur conscience de soi et à être plus réceptif à leur propre perception. Des usages linguistiques précis – y compris dans un sens artistique plus large – peuvent contribuer à empêcher, voire à rendre fondamentalement impossibles, des actions de l’inconscient, (dont les origines se retrouvent bien souvent dans des indications démagogiques et manipulatrices) !
La littérature procure un espace de liberté plus vaste pour tout un chacun.

Quel rôle jouent les cafés viennois dans ta vie ?
PG : A chaque fois que je suis dans un café viennois traditionnel, je suis imprégnée par sa patine, son atmosphère transforme l’expression de mon visage. Je quitte souvent un café « plus légère », les soucis du quotidien s’y volatilisent, ils disparaissent comme par enchantement.

Pourquoi as-tu choisi le café Dommayer ?
PG : il émet des étincelles et est chargé poétiquement. J’aime ses couleurs et son architecture intérieure. Il est noble ! Un bijou !

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
PG : je vis le reste de ma vie !

Sylvie | Café Phil, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Elle est arrivée par le train de la ville de l’amour, et y a renvoyé une image. Celle d’un jour de fête dans un lieu empli de livres, de mélancolie, de mélodies et d’appels au bonheur. Elle a bu son Spritzer avec un sandwich aux falafels et s’est remémorée : la ville recherche un homme pour la photographier, elle et ses enfants disparus.

 


Interview de la traductrice Sylvie Barbero-Vibet

Comment abordes-tu la traduction des textes ?
Sylvie Barbero-Vibet : Contrairement aux textes scientifiques ou techniques, les textes littéraires font appel à la sensibilité et à l’interprétation du traducteur. Une expression italienne “traduttore, traditore”, ou “traduire c’est trahir” souligne de manière extrême qu’il est parfois difficile de respecter parfaitement le texte de l’oeuvre originale. Il faut donc s’imprégner du texte et laisser libre cours à sa plume.

Qu’est-ce qui te plait dans les cafés viennois ?
SVB : On ne se trouve jamais à plus de 500 mètres d’une station de métro à Paris. Pour moi, c’est un peu la même chose pour les cafés viennois à Vienne. J’aime leur diversité, plus ou moins cosy, plus ou moins grands, plus ou moins fréquentés. Des lieux où un livre est inutile : il suffit de regarder autour de soi pour être au premier rang d’un spectacle.

Pourquoi as-tu choisi le café Phil ?
SVB : Lorsque j’ai emménagé à Vienne, c’est le premier café où j’ai trouvé refuge. On peut y boire et manger, acheter des livres et des DVD. Et skyper avec mon mari resté à Paris.

Qu’aimes-tu faire par ailleurs?
SVB : J’aime par-dessus tout lire, en français et en allemand. Beaucoup de livres policiers, mais aussi des romans étrangers notamment américains et sud-américains, également en version traduite.

Sylvie & Barbara Rieger | Café Else, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Tu aimes
Ce qui t’est proche et un peu étranger
A droite et à gauche ton regard passe à côté

Ton reflet dans la vitre, aux abîmes et aux cimes
Rivé au cadre, tu redoutes comme tu souhaites
Que tu te brises en morceaux
D’identités, de solitude et d’orgueil

Et tu écris
Ce que tu ne vis pas et tu ne vis
Que lorsque tu écris

 

Alain | Café Schopenhauer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

« Pourquoi viens-tu ici ? », demande A.
« J’ai perdu un élève. »
« Un photographe n’est qu’un observateur. », dit-il, inébranlable comme un phare. Par son seul regard, il me transforme. Le froid ne l’atteint pas.
Pour se protéger de la douleur, il se munit d’un appareil photo et mesure le chaos tout en décrétant :
« Dis-moi quel est ton café préféré et je te dirai qui tu es. »

 


Interview avec le photographe Alain Barbero

Quel rôle joue la photographie dans ta vie ?
Alain Barbero : la photographie m’éclaire, m’apaise, me donne du sens.

Qu’est-ce qui te fascine dans les cafés viennois ?
AB : Le café viennois est un lieu unique, privilégié, hors temps et hors-champ. C’est une bulle protégée du monde, avec ses codes et ses règles. On peut y observer, lire, observer, écrire, observer, boire & manger, et observer encore et toujours, à loisir en prenant le temps, tout son temps, car le temps s’y arrête.

Quel rôle joue le café Schopenhauer pour toi ?
AB : Il joue un rôle majeur puisqu’il a accueilli le 25 octobre 2014 la première exposition Café Entropy. Un peu en retrait de la foule, habitués et joueurs de cartes se retrouvent dans son cadre traditionnel rénové. Barbara et moi aimions beaucoup y discuter de notre projet Café Entropy.

Que fais-tu quand tu ne photographies pas des auteurs dans les cafés viennois ?
AB : Je travaille les photos de ces auteurs jusqu’à créer l’ambiance attendue. Sinon je me réfugie dans les salles obscures parisiennes, où je peux voir 24 images par seconde.

Daniel Böswirth | Café Weingartner, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Daniel Böswirth dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

un jour, il y a fort longtemps, un homme d’affaires affairé made in germany entra dans un café viennois et ouvrit de manière ostentatoire son ordinateur portable. il martelait sur son clavier souple en plastique comme s’il s’agissait d’une vieille Olivetti, leva sa main sortie d’un élégant costume et fit un claquement de doigts, comme s’il appelait sa secrétaire. À l’instar d’une comète venant d’un autre univers, ce james dean de la finance, envahissant, gominé et fuyant, vint percuter le désordre viennois.

la serveuse ne lui accorda aucun regard et sans hésiter le condamna à la peine maximale : le vent viennois. pour elle il était comme transparent. le pianoteur, lent à la détente, ne sut pas saisir l’occasion : fuir ! Il persista dans sa volonté d’être pris en considération et servi. la serveuse, une grande dame avec une coiffure relevée en chignon, lui jeta un œil amusé et dit, avec une voix forte, plus à destination des autres convives : « vous savez quoi ? revenez quand vous aurez du temps pour vraiment savourer votre café .»

le visage empourpré, l’homme d’affaires affairé s’expulsa de lui-même à grandes enjambées hors de l’univers du café viennois. battements de portes. silence. les bruits habituels du café emplirent de nouveau peu à peu la pièce. l’ambiance cosy des cafés viennois était de retour.

 


Interview de l’auteur

Que représente la littérature pour toi ?
Daniel Böswirth : C’était, c’est et ce sera toujours la plus belle manière de sortir de la prison de notre propre réalité restreinte, pour rejoindre ceux qui se sont également échappés.

Quelle signification ont les cafés viennois pour toi ?
DB : Les cafés viennois sont pour moi l’endroit où la plus grande intimité dans un espace public est possible. Je m’y sens comme à la maison et pourtant suis en pays inconnu.

Pourquoi as-tu choisi le café Weingartner ?
DB : Parce que je l’aime bien et qu’il est juste au coin de ma rue.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
DB : Je travaille en tant que photographe, suis souvent dans la nature en raison de mon activité professionnelle, j’aime jouer au football, je passe beaucoup de temps avec ma famille, j’aime faire la cuisine, encore plus manger et vais souvent au cinéma.

Lisa Janisch | Café Josefine, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Lisa Janisch | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

les sons de la nuit passée
résonnent fort dans ma tête

les gens aux visages heureux
aiguillonnent mes pensées
comme les contours acérés de polaroïds décrépis

les voix de la dernière soirée
se bousculent telles des souvenirs confus

un tout petit peu de quotidien
pour échapper à la vie d’artiste
juste un peu, Josefine

 


Interview de l’auteure

Que préfères-tu écrire ?
Lise Janisch : Je préfère écrire des chansons !

Que fais-tu habituellement dans les cafés et cafés viennois ?
LJ : Je pourrais passer des heures et des journées entières dans un café. Je m’y sens comme dans mon pays ou dans ma salle à manger. J’aime y observer les autres, c’est là que je préfère lire, j’écris dans mon cahier et je profite pour prendre du temps pour moi.

Pourquoi as-tu choisi le café Josefine ?
LJ : C’est devenu l’un de mes cafés préférés. Non seulement on peut y prendre son petit-déjeuner toute la journée, mais en plus le café est particulièrement délicieux. Mais on a aussi le sentiment de rendre visite à des amis. Bonne humeur et gentillesse sont au rendez-vous tous les jours.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
LJ : Quand je ne suis pas dans un café, je joue du théâtre (même si on peut aussi le faire dans un café), je chante et j’écris de nouvelles chansons. Depuis peu, je me suis également mise à la marche nordique.