Archive d’étiquettes pour : Barbara Rieger
Georg Renöckl | Café Z, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Georg Renöckl | Traduction : Georg Renöckl
La fin de l’après-guerre
Quand ils furent tous partis ou morts – les généreux, les nouveaux-riches, les gaspilleurs –, il fallut adapter la déco. Marteler le stuc des façades devenues soudainement trop somptueuses, baisser la hauteur sous plafond, rétrécir l’espace trop vaste. Convivialité rustique en formica, typiquement viennoise, dorénavant. Au moins ce n’est pas devenu une banque. Et tout-à-coup – seulement vingt ans après qu’on aurait pu croire – tout changea.
Comme toujours quand on désencombre et aère, ceux qui ne savent pas distinguer la crasse de la patine se mirent à râler : La délicieuse odeur de renfermé…!
Les autres, maintenant, mangent des crêpes.
Interview de l’auteur
Pourquoi écris-tu ?
Georg Renöckl : Parce que je ne peux pas passer tout mon temps à lire. Parce qu’autrement mes pensées commencent à me taper sur le système. Parce que j’ai arrêté de dessiner depuis longtemps.
Pourquoi vas-tu au café ?
GR : Aller au café (à Vienne) implique avoir du temps. Moi j’ai trois enfants. Pour aller au café je dois donc surmonter ma mauvaise conscience, mais après c’est comme un moment hors du temps. Je devrais essayer.
Pourquoi as-tu choisi le Café Z ?
GR : Ce café a été l’une de mes plus belles découvertes quand j’arpentais les rues de Vienne pour mon livre « Wien abseits der Pfade » (Vienne en dehors des sentiers battus). Les crêpes et les gâteaux sont délicieux, Christa Ziegelböck choisit les ingrédients et les recettes avec soin, et on voit les collines du Wienerberg depuis l’entrée du café.
Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
GR : Cuisiner, raconter des histoires le soir aux enfants, rêver d’aller au café.
Martin Peichl | Café Dezentral, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Martin Peichl | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
(approche manquée)
Un décompte griffonné dans le recueil Abschiede de Mayröcker. 4 bières. Une soirée au Dezentral. Toi, quelque part sous la pluie. Sur ma liste des choses à faire, « lire La Ronde », juste en-dessous « écrire La Ronde ». Alors l’un de tes cheveux glisse dans ma dernière gorgée, mais ce n’est que mon imagination.
J’écris une nouvelle liste avec les adieux imaginaires et réels, juste à côté du décompte. 4 bières, 2 Averna Sour. Sur un sous-bock je note (avec ton écriture) : c’est fou d’écrire un roman. Une soirée au Dezentral. Toi, pleuvant dans le sas d’entrée.
Claudia Dabringer | DON Espresso Bar, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Claudia Dabringer | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Se détacher des langues et des couleurs,
des sons et des annonces
Plonger
la cuillère dans le café
l’écouteur dans l’oreille
le crayon dans le papier
Alors que les autres sont en route
se reposer
se relaxer
réfléchir
Et puis repartir
Plonger
dans le courant
dans la foule
dans le voyage
Vers ce qui incarne la vie.
Interview de l’auteure
Pourquoi écris-tu ?
Claudia Dabringer : J’écris pour faire jaillir mes pensées sans avoir besoin d’en faire part tout de suite à quelqu’un. Mais j’écris aussi pour perpétuer dans ce monde la langue et toute la tradition qui va avec.
Pourquoi vas-tu dans les cafés ?
C.D. : Je vais dans les cafés pour savourer autre chose que de la chicorée. Si j’avais du « vrai » café chez moi, je ne fermerais jamais un œil compte tenu de la consommation que j’en ferais.
Pourquoi le DON ?
C.D. : En tant que fumeuse, je fais presque toujours confiance à mon nez. Et j’aime beaucoup le fait que l’on puisse fumer au Don tout en regardant la vie défiler. Pendant qu’Alain me photographiait, je me suis demandée ce qui se passerait si Gérard Depardieu passait par là. Malheureusement, il n’en a rien été. *snif*
Que fais-tu quand tu n’écris pas ou que tu n’es pas dans les cafés ?
C.D. : Je dors, je mange et je m’occupe des personnes qui me sont chères.
Erik Tenzler | Café Anno, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Erik Tenzler dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Sur la plage du monde fabuleux de l’anémie
couverte de CV fraîchement mis à jour
dans la gorge, le tricot et les tout derniers nuages
des échantillons de tissus qui voulaient échantillonner des tissus
et dormir avec l’histoire d’une nuit
dormir avec le canapé
dormir avec le courant
dormir avec la femme échangée
dormir avec la projection d’un rêve
dormir avec soi-même
dormir avec la vie.
Dormir.
Interview de l’auteur
Que signifie la littérature pour toi ?
Erik Tenzler : Une croisière « tout compris » sur un bateau à vapeur à destination du centre de la terre. Peut-être.
Que représente pour toi la café viennois ?
ET : Quand je viens à Vienne et que je vais dans l’un de ces anciens cafés viennois, je me demande à chaque fois si je ne suis pas assis dans un de ces fauteuils où s’est déjà installé quelqu’un que j’admire ou que je déteste. Alors j’essaie d’imaginer ce que cette personne pouvait bien regarder ou penser à ce moment-là. C’est comme si je me mettais dans la tête de quelqu’un d’autre ou que je me transportais à une autre époque.
Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
ET : Gagner ma vie, acheter des choses, travailler sur un livre, prendre mon petit-déjeuner (ce que j’aime bien faire plusieurs fois par jour), faire de la musique, puis gagner de nouveau de l’argent, acheter des choses…
Comment as-tu découvert le café Anno ?
ET : J’ai suivi le conseil d’une amie chère. Elle m’a conduit exactement là où je voulais aller.
Barbara Rieger & Cäcilia | Tanzcafé Jenseits, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Elle et moi, à la recherche de l’endroit avec la bonne musique, du bar avec la bonne ambiance, de l’homme avec la bonne promesse. Je n’ai qu’à me retourner, et le type est là. Je ne suis pas indispensable, mais je les suis par monts et par vaux, à travers l’odeur de l’herbe et de la pisse, et des gaz d’échappement, avant de rentrer dans le prochain bar. Le type me demande si je suis la meilleure moitié, et me commande une double vodka. Je réponds que ça dépend comment on voit les choses. Nous prenons ce que nous pouvons avoir, dit Marie.
(extrait de Marie)
Friederike Mayröcker | Café Sperl, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Friederike Mayröcker dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017
Pas de version française disponible
Marlen Schachinger | Café Korb, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Marlen Schachinger dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Le regard doit pouvoir glisser, jusqu’à ce qu’il ait envie de se fixer, et le café viennois est le lieu idéal. En complément du grand café noir, le serveur sert également sur le plateau argenté son clin d’œil agacé, toujours accompagné d’un verre d’eau. Il ne me dérangera pas dans mon activité, jusqu’à ce que, une fois arrivé jusqu’à moi, je lui commande un café viennois. Il me laisse le temps. La chantilly posée sur le café le protège du froid, tout comme moi pendant mon travail: saisir, réfléchir, lire sur les lèvres des gens, noter…
Interview de l’auteure
Que signifie la littérature pour toi ?
Marlen Schachinger : La malédiction de la littérature se niche dans son âme.
Quelle signification ont les cafés viennois pour toi ?
MS : Le café est un lieu calme stimulant, dans lequel l’inspiration m’entoure dans une atmosphère paisible.
Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
MS : Vivre & aimer. Ou de manière un peu plus détaillée : écrire, lire, réfléchir, écouter… En alternant souvent avec le travail à la campagne, dont le rythme permet aux univers des récits d’avoir la place de s’épanouir.
Barbara Rieger | Podium, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Entre deux
jusque dans sur souvent sur
le canapé devint souvent
mon habitué
reposer sa vie
jusqu’à devoir moi
j’ai dû m’approprier moi
le canapé sur lequel j’étais
devint un habitué
dans ma vie
moi dans ma
vie j’ai dû
devenir habituée
m’allonger sur le canapé
prendre vie
j’ai souvent dû
m’allonger sur le canapé
jusqu’à devenir
dans ma propre vie
une habituée
Erika Kronabitter | Café Schopenhauer, Vienne
Photo : Alain Barbero | Texte : Erika Kronabitter dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Tente d’échapper, étranger à moi-même
Le cœur est un désert
Ce matin-là, effervescent
Le long des cils, ton rire
Du bout des lèvres de l’aurore