Archive d’étiquettes pour : Café viennois

Susanne Gregor | Café Phil, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Susanne Gregor dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Nous avons commandé du thé vert. À chaque fois que la porte s’ouvrait, je levais les yeux. Je n’avais pas de plan en tête. Rien que je n’aurais voulu dire à László. Je voulais simplement voir les rues dehors. Les bâtiments gris, vieux et poussiéreux. Les fissures dans les murs décatis et recouverts de graffitis. Le vert pâle grisâtre des arbres. Les yeux des gens ici. Leur bouche, leur langue. Je voulais décrypter quelque chose. Mes mains caressaient la table rugueuse lorsqu’il l’a dit. Tu attends quelqu’un d’autre, a-t-il dit.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Susanne Gregor : La littérature est pour moi la plus belle forme artistique, car j’aime par-dessus tout la langue. Elle est pour moi la plus adaptée à l’empathie et représente une manière de décrire l’histoire et l’époque dans laquelle nous vivons.

Que représentent les cafés viennois pour toi ?
SG : Les cafés viennois offrent la plus belle occasion aux auteurs d’observer les gens et de surprendre leurs conversations. Cela permet également de préserver le temps d’écriture, car dans ces lieux, on ne peut pas avoir soudain le besoin urgent de faire le ménage plutôt que de travailler à son roman.

Pourquoi avoir choisi le café Phil ?
SG : J’ai choisi le café Phil car je trouve que Vienne est déjà assez classique. J’aime donc chercher des lieux plus modernes. Le mélange librairie et café, lecture et contemplation me plait également.

Que fais-tu quand tu n’es pas dans un café ?
SG : C’est facile : quand je ne suis pas dans un café viennois, on me trouve sur une aire de jeux avec ma fille de 4 ans.

Andrea Zámbori | Café Die Liebe, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Andrea Zámbori | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

J’aime les voleurs
qui dans une relation
ne s’arrêtent jamais de voler.
Ce sentiment de sécurité,
dérobé et immédiatement donné,
nouveau né.

 


Interview de l’auteure

Que représente la littérature pour toi ?
Andrea Zámbori : La littérature est pour moi un espace de liberté et de jeu, qui résulte de l’imagination. Détente et objet de mes rêves.

Quelle signification ont les cafés viennois pour toi ?
AZ : C’est comme une profonde inspiration et une lente expiration.

Pourquoi avoir choisi “Die Liebe” ?
AZ : Il a la fraîcheur de la jeunesse, est ouvert sur l’art et respire la joie de vivre. Et en plus, on y trouve un excellent petit-déjeuner.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?
AZ : À moi-même. Un travail de toute une vie. Et je suis actuellement sur un projet d’illustration. Le livre est prévu pour 2018.

Lissi | Das Augustin, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Anna Robinigg | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Regard par la fenêtre, et
tout est calme, la maison immobile,
aucune rue ne s’étire, seuls
des promeneurs, des pas, des vélos, tranquilles.

Regard par la fenêtre, et
tout est nouveau, les murs, la langue,
Des arbres, des espaces verts,
Des visages, tout est muet.

Pas d’autre soleil, mais il manque
à la lumière sur le trottoir, la cadence
de cet autre moment, il manque
à la feuille jaune sur l’arbre
le frémissement d’un vent.

Regard par la fenêtre, et
comme tu manques, entre
mes doigts les fils des histoires, qui font
de moments un être humain.

Derrière la fenêtre, il ne reste que
l’enchaînement familier de
commandes, du service, puis le bruit
des cuillères contre les tasses et

le café.

Jörg Zemmler | Café Stadtbahn, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Jörg Zemmler | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

et résonnent les choeurs
le courage est un aviateur
le courage n’est pas un serviteur
et le courage est avant tout

 


Interview de l’auteur

Comment bois-tu ton café ?
Jörg Zemmler :  D’abord fatigué, le matin au réveil. Avec du lait. S’il n’y en a pas, avec du sucre. Plus tard dans la journée, de la même manière, même si cela n’arrive pas souvent. Et presque toujours avec une cigarette.

Où travailles-tu le mieux ?
JZ : La question du « où » n’est pas importante, mais plutôt le « quand ». J’écris quand je suis inspiré, ça fait peut-être cliché mais c’est comme ça. Et ce que je préfère, c’est quand j’ai fini d’écrire.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
JZ : Actuellement, je travaille sur plusieurs albums de musique numérique, qui reprendront des morceaux des dernières années. Et aussi avec le nouveau groupe Unkomfortabel, avec Jörg Piringer.
Je participe également, du moins en théorie, à un court-métrage littéraire, qui est pratiquement terminée, à de la prose lyrique et à des poèmes italiens.
Et de faire connaître mon installation à 5 voix, avec de la musique live et des textes, c’est-à-dire trouver des lieux pour me produire.

Jörg, que t’apporte la musique ?
JZ : Dans le meilleur des cas, la musique m’ouvre sur un nouveau monde, peu importe si c’est moi qui joue ou si j’écoute d’autres artistes. C’est comme lire un livre et me plonger dedans. Je préfère la musique instrumentale, elle parle d’elle-même comme une image.
Mais souvent la musique m’agace aussi, dans les bars ou les magasins.

Eva | Kleines Café, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Comme une étrangère, je t’observe :
Le lieu où tu veux te rendre est fermé, pour le moment.
Dans le sac en cuir ciré reçu en héritage, le souvenir repose, protégé.
Chassées par les déclics, nos années de proximité ; toi aussi tu es en noir et blanc.
Et de nouveau, toutes les places libres te sont destinées.

Barbara Rieger | Café Weidinger, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Chaque table est une île dans un océan du temps, au-dessus duquel plane un léger brouillard. Le souvenir s’estompe. Des hommes qui restent pour partir. Un étudiant qui préfère manger à la maison pour faire des économies. Un couple qui lit le journal. De vieux hippies qui roulent des cigarettes. Des ouvriers qui passent boire une bière. Des chômeurs diplômés qui débattent de textes scientifiques. Une femme qui part après deux Spritzers et un homme qui s’en va alors pour tout perdre en paris. Des clients qui ne sont pas servis assez vite et qui s’éprennent ailleurs. Des regards auxquels personne ne répond. Il n’y a pas de wifi ici, il n’y a que du vin. Il n’y a pas de vie, il y a une table de billard. Il n’y a pas d’interdiction de fumer, il n’y a qu’une grosse horloge. C’est le temps, qui jamais ne s’arrête, mais qui s’alanguit parfois.
“Qu’est-ce qui nous relie à ce lieu?”, demande A.

René Merten | Alser Café, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : René Merten | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Non, ce n’était pas simple avec lui.
Moitié bar, moitié lounge, dépourvu de tout … culture jeune sans caractère – et pourtant ! Entre les points noirs de gâteaux et petits-déjeuners servis en continu, il gagne en maturité : duvet naissant versus ancienne génération de cafés. Mine revêche relooké dans le café au lait, mais au fond, flirt effarouché bouillonnant. Poule au menu de la semaine.

 


Interview de l’auteur

Quel rôle joue l’écriture dans ta vie ?
René Merten : Plus que jouer un rôle, l’écriture occupe une fonction artistique de communication. En écrivant, je fais de l’autothérapie, soit sous la forme rituelle de rédaction matinale de quelques pages quotidiennes ou dans l’urgence, lorsque les pensées les plus endiablées virevoltent dans tous les sens dans ma tête. Ainsi, je me parle à moi-même comme au monde extérieur, que j’essaie d’appréhender sur le plan artistique et avec qui je cherche à rentrer en contact.

Quel est ton endroit préféré pour écrire ?
RM : Là où je préfère aller, c’est dans la nature, les cafés ou dans les lieux qui m’inspirent, mais si je suis honnête, je suis réellement efficace et créatif dans une pièce calme et à l’abri, dans une bibliothèque seul parmi les anonymes ou dans le compartiment neutre d’un train. Là où personne ne me reconnaît et où rien ne me perturbe. Cela peut paraître peu inspirant, mais c’est comme ça !

Quand étais-tu la dernière fois au Café Alser ?
RM : La semaine dernière, mais avant cela, cela faisait presque 2 mois. J’y suis allé pour un rendez-vous professionnel, car c’est juste à côté de chez moi. Comme prévu, le caractère du café n’évolue que lentement, mais jamais je ne quitterai des yeux le projet de développement de ce café. Si nous continuons à nous cotoyer, un jour ou l’autre, nous serons sûrement les meilleurs amis du monde !

Sur quel projet travailles-tu actuellement ?
RM : Je travaille actuellement à 2 projets littéraires : Avec trois collègues écrivaines, un ouvrage de self coaching à destination des étudiants et diplômés, qui ne soit pas dans la veine habituelle d’optimisaton des pratiques managériales. L’accent est mis sur l’écriture, la créativité individuelle et le développement personnel (parution en mars 2017). Et un livre philosophique sur le jardin, sous différents angles comme les enfants, les vignes, les herbes aromatiques. Pourquoi existe-t-il, quelle est son influence sur nous ou autrement dit : quelle est son essence ? (en cours de relecture).

Jing | Café Griensteidl, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Un habitué s’assoie à sa place, même si elle n’a pas encore été débarrassée. Au mur se trouve une tapisserie avec un motif de Klimt et une fleur voyage jusqu’à la table pour eux. A. avale de travers un clown, qui loge dans la bouteille de bière et qui désormais s’exprime du fond de lui.
Des Français à Shanghai, des Chinoises dans un film, un homme de Carinthie, un autre de Haute-Autriche : de quoi parlent-ils ? Ils font la fête, s’envolent, se partagent des jambonneaux ; il n’y a que l’amour et l’enseignement qu’ils ne mélangent pas.
A. demande l’heure au serveur.

Barbara Rieger | Café Am Heumarkt, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Entre nous, un parquet glissant, une attente de bonheur, de perfection et de passion. Mais les pas du serveur sont lents, et ses mains protégées de plastique. Il porte un manteau blanc.
A. est étonné de constater comme je suis petite et capable de me dédoubler si vite. Il remplit le vide. Le verre sur la table tremble, et je suis envahie par la sensation d’être déjà venue. Dans un lieu à la fois désert et plein de souvenirs, dans un rêve, où je ne peux évoluer qu’avec prudence. La vitrine est vide. La place au piano n’a jamais été réservée pour moi.
Notre regard s’arrête sur la porte, qui s’ouvre lentement. Fini de photographier, car les clients sont arrivés. Ils viennent nous chercher, boivent un verre, gravent des mots dans la glace, dînent, nous ramènent à la maison.

Petra Ganglbauer | Café Dommayer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Petra Ganglbauer | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Douce sensation temporelle.
L’ineffaçable, lumière.
Ou : Le jour est soudain tombé dans la nuit –
et, salvatrice, la pensée s’éclaircit dans la tête.
Comme à contre-courant, transcendant : comme la terre entière !

 


Interview de l’auteure

Quel rôle joue la littérature aujourd’hui ?
Petra Ganglbauer : c’est à la littérature aujourd’hui encore qu’il appartient, à l’aide de mots trouvant écho, d’engager les gens à aiguiser leur conscience de soi et à être plus réceptif à leur propre perception. Des usages linguistiques précis – y compris dans un sens artistique plus large – peuvent contribuer à empêcher, voire à rendre fondamentalement impossibles, des actions de l’inconscient, (dont les origines se retrouvent bien souvent dans des indications démagogiques et manipulatrices) !
La littérature procure un espace de liberté plus vaste pour tout un chacun.

Quel rôle jouent les cafés viennois dans ta vie ?
PG : A chaque fois que je suis dans un café viennois traditionnel, je suis imprégnée par sa patine, son atmosphère transforme l’expression de mon visage. Je quitte souvent un café « plus légère », les soucis du quotidien s’y volatilisent, ils disparaissent comme par enchantement.

Pourquoi as-tu choisi le café Dommayer ?
PG : il émet des étincelles et est chargé poétiquement. J’aime ses couleurs et son architecture intérieure. Il est noble ! Un bijou !

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
PG : je vis le reste de ma vie !