Archive d’étiquettes pour : Kaffeehaus

Peter Bosch | Café Steinbock, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Peter Bosch | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

L’homme dans le miroir
ne sait pas encore
que c’est la dernière fois
qu’il est ainsi debout,
adossé
au temps
achevant
parachevant
tournant la page.
Mais sera-t-il
encore à moi ?

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Peter Bosch : Raconter des histoires qui se situent quelque part entre réalité et fiction. J’aime être sur le fil du rasoir où les deux se mélangent.

Que représentent les cafés pour toi ?
PB : Je ne suis pas un poète des cafés, j’écris le plus souvent chez moi. Dans les cafés, je fais souvent des blind dates.

Pourquoi as-tu choisi le café Steinbock ?
PB : Parce que j’ai eu des rendez-vous là-bas avec des femmes qui étaient capricornes (NdT : en allemand, le nom du café signifie notamment capricorne). Le café a cependant fermé il y a peu de temps. Je n’ai pas dû y aller assez souvent pour mes rendez-vous. Et maintenant cela va devenir plus difficile : je ne connais pas d’autres cafés à Vienne qui tirent leur nom d’un signe du zodiaque. Je vais sûrement finir célibataire.

Que fais-tu quand tu ne vas pas dans un café ?
PB : Des films, de la photo, procrastiner.

 

BIO

Né en 1957 à Vienne, c’est aussi là que Peter Bosch vit et travaille. Sédentaire. Enfant du miracle économique.
Travaille comme programmeur, auteur, photographe et réalisateur.
A publié divers romans et récits.
Expositions de photographies et producteur chez Okto.tv.

Harald Jöllinger | Café Votiv, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Harald Jöllinger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Les cafés, je sais pas trop. En fait, je n’aime pas les cafés. Le café oui, ça j’aime bien. Sans lui, je ne mettrais pas un pied dehors. Mais un seul par jour. Et uniquement le matin. Pas plus. Sinon je n’arrive pas à dormir.
Je n’ai rien contre les maisons non plus. J’habite aussi dans une maison. En fait non, dans un appartement. Qui est dans une maison. Mais les cafés…
Les cafés, je les fréquente … depuis que j’ai commencé à écrire. Je ne sais pas pourquoi. L’écriture, c’est une activité assez fade. Mais peut-être est-ce à cause du mug offert par ma grand-mère. Dessus on pouvait lire : « Mon dieu, que serait la vie sans café ? » C’est ainsi que tout a commencé entre le café et moi. Comme entre la poésie et moi. Je voulais devenir poète et je me suis donc lancé dans l’écriture. Mais peut-être que je n’ai commencé à griffonner que plus tard. Comme m’a dit un jour mon oncle : « Dans ta tête, ça ne tourne pas rond , t’es qu’un gamin, un p’tit con ». Il n’est plus de ce monde, l’oncle. Mais c’est là que j’ai commencé à écrire des poèmes. Avec des rimes et tout ça. Puis des limericks. Puis des nouvelles.
Et que font ces imbéciles de revues littéraires à qui j’ai envoyé mes textes ? Au lieu de dire : « C’est nul, on ne prend pas ça », ils publient. Sans blague. Car depuis, je suis un auteur. Et chaque auteur a son café dans lequel il écrit. Plus personne n’écrit à la maison à son bureau. Non, on écrit dans les cafés. C’est comme ça. C’est un peu cliché et je n’aime pas les clichés. Mais il faut quand même s’y tenir.
Je suis donc souvent dans un café, sans but, et j’écris quelque chose. Mais cela ne me procure aucun plaisir. Ni celui d’écrire, ni celui d’être dans un café.

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Harald Jöllinger : Comme on dit chez nous. La littérature, … la littérature. Elle ne m’est pas indifférente.

Que représentent les cafés pour toi ?
HJ : Peu. Si cela ne tenait qu’à moi, on pourrait transformer tous les cafés en Heuriger ou bistrots. On pourrait éventuellement en laisser un ouvert, par nostalgie. Pour que les Japonais aient quelque chose à visiter. Et le Café Votiv doit rester. C’est le seul qui ne nous ait pas chassé avec nos sessions d’écriture.

Pourquoi as tu choisi le café Votiv ?
HJ : Et bien justement à cause de nos sessions d’écriture. Une fois par mois, on se réunit là-bas. Niveau très élevé. Beaucoup aimeraient en faire partie, mais nous ne prenons pas de nouveaux écrivaillons (ou écrivaillonnes) pour le moment.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
HJ : Je m’assieds sur un banc dans un parc et je regarde autour de moi. Ca ne se fait plus. Manger, boire, râler, bougonner, ça les Viennois savent faire. Mais juste rester assis et regarder en l’air… C’est en voie de disparition. Parce que tout le monde ne fait que regarder son portable. Même dans un café. Regarder plus en l’air, ce serait vraiment important.

 

BIO

Né en 1973 à Mödling, Harald Jöllinger vit à Maira Enzersdorf. Il aime l’absurde, la poésie empreinte d’humour noir et la prose courte. Il a suivi les cours de la Celler Schule en 2007 et a remporté le Prix Irseer Pegasus en 2013. En 2016 , il suit le cursus de la Leondinger Akademie für Literatur. Au printemps 2019 est paru aux éditions Kremayr & Scheriau « Marillen und Sauerkraut ».

Erika Kronabitter | Café Schopenhauer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Erika Kronabitter dans « Melange der Poesie » Kremayr & Scheriau 2017 | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Tente d’échapper, étranger à moi-même
Le cœur est un désert
Ce matin-là, effervescent
Le long des cils, ton rire
Du bout des lèvres de l’aurore 

 

Ilse Kilic | Café Korb, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Ilse Kilic | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

le temps se serait presque arrêté.
dans le café à côté du kouglof.
(la montre persistait à faire tic-tac, presqu’une menace
au poignet de ma propre main)
j’esquissai un sourire.
non, le temps ne s’est pas arrêté,
seule la perception subjective
est tombée dans la faille temporelle.
un kouglof s’il vous plaît.
un mélange, un verre d’eau.
le temps s’écoule lentement,
je me reconnais jour après jour,
je m’adresse à moi-même : bonjour, ilse.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Ilse Kilic : Contradiction, objection, réconfort…

Que t’évoque le “Café Viennois”  ?
IK : J’aime le café et les pâtisseries…

Qu’est-ce qui te plaît au Café Korb ?
IK : La propriétaire, Susanne Widl, que la plupart des lecteurs connaissent, est venue une fois dans notre musée du petit cochon porte-bonheur. C’était chouette…

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
IK : Dormir, nager, écrire…

Michael Giongo | Café Schopenhauer, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Michael Giongo | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Blanche-Neige a dressé les tables,
tapis verts entourés de solides cadres noirs,
le hall de départ s’adosse aux murs moelleusement rayés,
et au-dessus à l’infini se reflète la liberté.

Jette ton visage dans le futur,
dit l’homme derrière le miroir,
tandis que Beate Uhse prévoit 36 degrés,
et que le boxeur sympathique
retire son gant de cellophane.

Le soleil couchant brille de mille feux dans l’écume,
la pluie se retire des chaises comme de l’estran ;
le ciel dans les flaques d’eau
nous descendons le versant.