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Katharina Goetze | Villa Neukölln, Berlin

Photo : Alain Barbero | Texte : Katharina Goetze | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

mars

toi, qui ne bouges pas
et moi, qui fais comme s’il y avait quelque chose à voir dehors
son ombre est encore suspendue au mur
et je te reconnais
tu es dorénavant un étranger

il serait temps pour tellement de choses
tellement de choses exigent du temps
dans tes yeux naviguent des bateaux
et sur le trottoir, un enfant écrase le premier coléoptère écarlate de l’année
si doucement meurt ton amour pour moi

 


Interview de l’auteure

 

Que signifie la littérature pour toi ?
Katharina Goetze : Liberté, aventure, espoir, utopie, beauté. Fuite devant la folie.

Quelle signification les cafés ont-ils pour toi ?
KG : Ma conception du paradis : passer toute la journée dans un café, avec un carnet et un journal ou un ordinateur et un roman. De temps à autre passent les amis, entre temps naît un nouveau texte. Le soir, on prend un Spritzer au vin blanc, nous sommes devant le café et un inconnu m’offre une cigarette, parce qu’en fait, je ne fume pas.

Pourquoi as-tu choisi le café Villa Neukölln ?
KG : Avant d’habiter à Vienne, j’ai vécu quelques années dans le quartier Neukölln. Je reviens toujours ici avec plaisir, idéalement après une balade sur l’ancien aéroport de Tempelhof. J’associe également ce café avec le souvenir de mon ancien collectif d’écrivain·e·s Novellists Anonymous. C’est ici par exemple que j’ai écrit l’une de mes premières nouvelles : « Avant de disparaître à tout jamais ».

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
KG : Ecrire des textes d’autofiction à la 2ème personne ou des lettres d’amour antisystème. Voyager avec le train de Berlin à Vienne via Dresde et Prague en passant son temps à écrire dans la voiture restaurant. Lire. Boire du thé (presque un café itinérant). Admirer la beauté rugueuse des quartiers de Plattenbau. Ne pas pouvoir me décider à chanter à tue-tête sur mon vélo. Rechercher de la chaleur dans les librairies. Remettre en ordre un monde ayant déraillé après un tour sur l’aéroport de Tempelhof ou au Prater. Aller me coucher trop tard.

 

BIO

Née en 1984 à Dresde. Après l’Angleterre, l’Egypte, le Laos, l’Autriche et l’Ethiopie, vit depuis 2020 à Berlin. A fait des études de journalisme, sociologie et sciences modernes du Proche-Orient à Londres, Le Caire et Oxford.
Prix 2017 du ” Bundeswettbewerb Treffen junger Autoren, Lyrik in Fahrt und zeilen.lauf “, Finaliste du Open Mike 2018, du FM4-Wortlaut en 2017 et 2019 ainsi que du ” Irseer Pegasus ” en 2020.
Publications dans diverses revues littéraires et anthologies. Écrit de la prose, de la poésie et des pièces de théâtre. Travaille actuellement sur son premier roman.

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Philippe Mari, Café des Auteurs, Bistrot, Café, Paris

Philippe Mari | Le Café des Auteurs, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Philippe Mari

 

Un café en quête d’auteurs.

J’ai participé, à la fin des années 90, à la création du café de la Maison des Auteurs, rue Ballu dans le 9ème arrondissement de Paris. Scénariste de séries TV et de jeux vidéo interactifs, je faisais à cette époque partie du Conseil d’administration de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, cette prestigieuse maison fondée par Beaumarchais en 1770 et présidée plus tard par Victor Hugo en personne. Cependant, c’est au titre de fils de bistrot qu’on m’avait demandé mon avis sur les canons d’organisation d’un café qui soit à la fois un lieu de rencontre chaleureux et un lieu de travail propice à l’éclosion de projets pour le spectacle vivant et l’audiovisuel. Un vrai café, mais seulement pour les auteurs. Je couchais donc sur le papier quelques directives, partant du principe qu’un écrivain est un client comme les autres dès qu’il s’attable face à un bar en attente d’une consommation.

Il faut croire que le pari était risqué : le lendemain de l’inauguration, les premiers arrivants équipés de leur ordinateur portable, véritables pionniers de ce qu’on appelle aujourd’hui le co-working, se sont retrouvés pêle-mêle attablés à taper sur leur clavier, s’épiant du coin de l’oeil avec la désagréable impression de jouer dans cette scène du film de Buñuel, Le Fantôme de la Liberté, où des convives sont réunis dans un salon où chacun a pris place sur un siège de toilette. Ecrire sous le regard d’autres écrivains était encore quasi obscène et il a fallu quelques années pour les voir surmonter leurs pudeurs littéraires.

Aujourd’hui, si vous avez soif d’y écrire quelques lignes à une table, je vous conseille de réserver.

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour vous ?
Philippe Mari : Sans littérature il n’est de partage, ni du regard individuel sur le monde, ni du vécu de chaque conscience, les deux composantes qui scellent notre appartenance à l’humanité. La littérature, comme la plupart des arts majeurs, est le dernier rempart de l’âme contre l’intelligence artificielle.

Que représentent pour vous les cafés ?
PM : Le café est le lieu de vie de mon enfance. J’y ai passé plus de temps en culottes courtes à faire mes devoirs qu’en tenue d’écrivain devant des pages blanches.

Pourquoi le café le la Maison des Auteurs ?
PM : Ce café a été créé il y a 20 ans à l’emplacement d’un commissariat de quartier désaffecté. Je le ressens comme la victoire de la culture sur la police dans la nécessité de passer un jour ou l’autre aux aveux.

Que faites-vous quand vous n’êtes pas dans les cafés ?
PM : J’aligne des heures de marche jusqu’à l’heure de m’asseoir pour que l’éponge gorgée d’impressions prometteuses glanées en cours de route rende un jus littéraire décent à la table qui m’accueille.

 

 BIO

Formé à l’écriture et la dramaturgie interactive à travers de nombreux jeux fictions pour consoles et web, et après un long passage par les séries TV, la tentation de retour au papier a été la plus forte avec la publication de récits tels « Tch tch tchtt » ou « L’homme qui ne pouvait pas mourir » et l’écriture du dernier roman : « La Dame au Taliban ».

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Claude Ber, Le Cavalier Bleu, Café, Paris

Claude Ber | Le Cavalier Bleu, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Claude Ber, extrait de Mues, Ed. PUHR 2020

 

(…)
La terrasse du café fermente – queue de rêve instable et finissant.
Le temps s’est arrêté à un filet de lichen
un cadenas sur la tôle d’un garage, jaune elle aussi
un bruit de casier à bouteilles et de sonnailles.

On déchire un bout de serviette en papier, un ticket oublié dans la poche
il y a de l’application dans les gestes
une manière innocente de s’ajuster au maintenant.
Le monde shoote des têtes avec des godasses cloutées
des pieds passent chaussés de couleurs vives et lèvent des moineaux de pas en pas.
L’élan se prend dans l’appui sur le gros orteil, pas dans le mollet ni la cuisse. Dans l’apprivoisement du petit.
Que la beauté sauvera le monde est un rêve d’illuminé poursuit le pape de la tablée. Un pari de joueur plutôt. Y-a-t-il d’ailleurs quelque chose à sauver ?
Si oui, ce bafouillage minime
il nous appartient.

On n’a pas continûment la foi parolière chevillée à l’âme. Des yeux et des oreilles j’en cherche un indice. Une assonance à ma portée dans le rose fluo de la glace à la fraise.
Chercher loin ne sert à rien, chercher non plus. Et comme le monde s’écrase sur les toits terrasses des HLM, je tourne vers leurs couloirs sans porte un regard curieux et désabusé.
Qui va sortir de la caverne taguée ?
Platon et ses studieux disciples sommeillent devant les ombres. Moi devant les affiches ensoleillées et leurs charades de tavelures. La lumière est aussi propice au songe que la nuit.
(…)

Le matin tombe en piqué sur sa fin
des choses entrebâillées – fenêtres, bouches, portails, mains demi ouvertes – s’interrompent
il fait minuit quelque part ailleurs et midi au ras des stores baissés
la politesse voudrait qu’on sache vivre pareillement.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Claude Ber : Elle est indissociable de la vie. C’est ma manière d’être au monde.

Que représentent pour toi les cafés ?
CB : Un lieu de rencontre et d’observation alliant le familier et l’inconnu. J’y retrouve l’atmosphère des samedis d’enfance dans le café tenu par mon grand-père, où j’observais visages et scènes dans leur mélange d’inattendu et de rituel – celui des habitués, de l’apéritif, du café… -. J’y fais provision d’impressions, d’images.

Pourquoi as-tu choisi « Le Cavalier Bleu » ?
CB : Le Cavalier Bleu est situé dans un quartier central de Paris, où je retrouve régulièrement des amis après un spectacle ou une de mes lectures à la Maison de la Poésie de Paris ou encore après la visite d’une exposition au Centre Pompidou.
J’aime son agitation de brasserie parisienne, où se côtoient gens de toutes sortes, et son nom de Cavalier Bleu, avec ce que ce qu’il incarne pour moi de lien avec la peinture et de souvenirs de l’Allemagne. S’y croisent plusieurs imaginaires. La Serveuse de bocks de Manet rencontre les Kandinsky et les Bacon de Beaubourg, le fantôme du Blaue Reiter le quotidien animé et cosmopolite de la vie parisienne…

Que fais-tu quand tu n’es pas dans les cafés ?
CB : Je vis ! J’aime, j’écris, je lis, parle, écoute, voyage, visite, promène, rêve, rencontre, marche, mange, nage, dors, respire, regarde, contemple etc. etc.

 

BIO

Après un cursus lettres et philosophie, Claude Ber a notamment enseigné dans le secondaire et le supérieur. Elle a publié essentiellement en poésie, mais aussi des textes de théâtre, créés en scène nationale. De multiples articles, études et revues ont été consacrés à ses ouvrages traduits en plusieurs langues. Derniers livres parus:  Il y a des choses que non, La Mort n’est jamais comme (prix international de poésie Ivan Goll) Ed. Bruno Doucey, Mues, Ed. PUHR Site : www.claude-ber.org

Aiat Fayez | Das Möbel, Vienne [2/2]

Photo : Alain Barbero | Texte : Aiat Fayez

 

C’est sans doute parce qu’il sent son mode d’être préservé que l’écrivain aime tant le café Möbel : à chaque fois, le fait de voir tous ces ordinateurs sur autant de tables le rassure sur l’anonymat dont il peut jouir dans cette salle oblongue qui lui permet de regarder devant soi et de laisser sa vue se perdre dans le vide, comme le pêcheur lance son fil au bout duquel se trouve le hameçon : le poisson, c’est l’idée, l’imaginaire. Et souvent, l’auteur se plaît à penser qu’il doit avoir l’air d’un vieux thésard parmi tous ces étudiants. Les lumières, dans le café, laissent à désirer, il n’y a pas de table réservée pour les habitués, mais au fond, l’écrivain peut se passer de bien d’autres choses encore, en échange de l’invisibilité qu’il gagne. Si le café Jelinek est le café de son cœur, nul doute que le Möbel y a une place privilégiée.

Non, il ne pourrait rester chez lui : le silence le tuerait : le silence d’une bibliothèque ou d’un musée le déconcentre tout de suite. Il a besoin des autres, l’écrivain, celui-ci, du moins : il veut la présence des gens, mais en arrière-fond, afin de pouvoir rester concentré sur lui-même : c’est grâce aux autres qu’il peut se sentir seul. L’isolement n’est pas pour lui, mais la solitude est sa planche de salut.

À force de se rendre au Möbel, il finira par faire partie du mobilier, s’était dit une fois l’écrivain en riant en lui-même. Sur le visage de chaque serveuse, il découvre une toile ou un personnage de livre : il y a là le Self-Portrait de Parmigianino, qui, dès le début, fut une petite lumière dans son cœur, tout comme une autre, qui lui fait penser à la Nadja d’André Breton ; chez une autre encore, l’écrivain voit une alliance de la Mona Lisa et de la Ginevra de’ Benci de Leonard, quand il félicite secrètement la quatrième pour son style vestimentaire, et ainsi de suite des autres.

Invariablement, l’écrivain prend un Capuccino : si on lui bandait les yeux, il pourrait deviner laquelle des serveuses le sert rien qu’en en sirotant une gorgée : les grains de café sont identiques, la machine ne change pas, et pourtant, le Capuccino de l’une est plus fort que celui de l’autre ; celui d’une troisième est plus doux ; la tasse remplie par une autre est toujours un petit peu moins pleine que celle de ses collègues mais la mousse du lait qui s’y trouve est autrement onctueuse. Ainsi en va-t-il de l’écrivain : jamais, sa journée ne débute de la même manière, lui qui, prédisposé à la discipline de travail et aux petites manies, se trouve au même endroit, dans le même quartier, autour des mêmes visages : il est chez lui, sans être chez lui. Et au fond, c’est ce tremblement qui l’émeut : la petite mesure de l’exil.

 


BIO

Né en 1979, Aiat Fayez suit des études de philosophie à Paris. Il quitte la France en 2010, vit à Berlin, Oxford, puis Vienne, où il se consacre à l’écriture. Il a écrit à ce jour trois romans publiés aux éditions P.O.L et dix pièces de théâtre publiées aux éditions de L’Arche. Il a été finaliste du Grand Prix de littérature dramatique en 2016 et a reçu cette même année le Prix Scenic Youth. En 2018, le ministère de la Culture lui a décerné les insignes de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Romans : 2009 : Cycle des manières de mourir, éditions P.O.L, 2012 : Terre vaine, éditions P.O.L, 2014 : Un autre, éditions P.O.L
Pièces de théâtre : 2011 : Les Corps étrangers, L’Arche Éditeur, 2015 : La Baraque, L’Arche Éditeur, 2016 : De plus belles terres / Angleterre, Angleterre, L’Arche Éditeur, 2018 : Place des Minorités / Le Monologue de l’exil, L’Arche Éditeur. Chez L’Arche Agence : 2013 : Perceptions 2013 : Naissance d’un pays 2015 : L’Éveil du printemps 2016 : La Valise 2019 : Un pays dans le ciel 

Aiat Fayez | Das Möbel, Vienne [1/2]

Photo : Alain Barbero | Texte : Aiat Fayez

 

L’écrivain les aime toutes, ces serveuses du café Möbel, bien qu’il ne soit pas certain que la réciproque soit fondée. C’est un sujet dans lequel il puise sa mélancolie, et bien souvent, il se demande s’il n’y a pas la possibilité d’un autre lieu, d’un ailleurs. Au fond de lui, pourtant, il sait qu’il n’en est rien : qu’il est là, dans ce café, seul, devant des phrases manuscrites ou imprimées, et qu’il le restera toujours, dans tous les cafés qu’il fréquentera, qu’ils soient à Vienne, à Paris, à Budapest, à Zürich, Oxford ou Bâle, parce qu’il n’a pas trouvé d’autre voie pour être qu’un chemin solitaire, brumeux, et à bien des égards, silencieux.

Si l’écrivain cherche au fond de lui, ce qu’il fait de la même manière que d’autres respirent, à tel point que, souvent, il se perd, en lui-même tout autant que dans les rues de cette Vienne dans laquelle il vit pourtant depuis tant d’années, s’il cherche au fond de lui, il réalise qu’il ne peut pas se faire aimer, car l’amour qu’il porte aux autres, il s’applique à le faire échouer dans son accomplissement : il met des bâtons dans ses roues pour qu’il devienne impossible : ainsi prend-il plaisir, un plaisir qui joue avec le désespoir, de se sentir délaissé, esseulé, sans refuge : exilé. C’est plus qu’une condition de travail, car à bien des égards être écrivain est plus qu’un travail : c’est un mode d’être dans lequel rester à l’écart, vagabonder en marge, approcher le vide, est un principe de vie : se vouloir marginalisé, c’est : ne pas accepter la réalité. Non pas la nier, mais s’obliger à la voir par le prisme de l’art ; faire en sorte de la rehausser par l’art. Et entre l’amour pour les gens (imaginés) et la peur de ces gens (réels), il n’y a qu’un fil, sur lequel chancelle l’écrivain. Un jour, peut-être, il tombera. Analogue à tous les écrivains qui sont tombés avant lui et à tous ceux qui tomberont après lui. Aussi solitaires qu’ils demeurent, aussi taciturnes qu’ils soient, aussi étrangers qu’ils restent l’un vis-à-vis de l’autre, ce qui lie malgré eux les écrivains, les vrais, c’est une communauté de destins à travers le temps et l’espace : des amitiés stellaires, créées à travers la lecture des livres.
à suivre

 


BIO

Né en 1979, Aiat Fayez suit des études de philosophie à Paris. Il quitte la France en 2010, vit à Berlin, Oxford, puis Vienne, où il se consacre à l’écriture. Il a écrit à ce jour trois romans publiés aux éditions P.O.L et dix pièces de théâtre publiées aux éditions de L’Arche. Il a été finaliste du Grand Prix de littérature dramatique en 2016 et a reçu cette même année le Prix Scenic Youth. En 2018, le ministère de la Culture lui a décerné les insignes de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Romans : 2009 : Cycle des manières de mourir, éditions P.O.L, 2012 : Terre vaine, éditions P.O.L, 2014 : Un autre, éditions P.O.L
Pièces de théâtre : 2011 : Les Corps étrangers, L’Arche Éditeur, 2015 : La Baraque, L’Arche Éditeur, 2016 : De plus belles terres / Angleterre, Angleterre, L’Arche Éditeur, 2018 : Place des Minorités / Le Monologue de l’exil, L’Arche Éditeur. Chez L’Arche Agence : 2013 : Perceptions 2013 : Naissance d’un pays 2015 : L’Éveil du printemps 2016 : La Valise 2019 : Un pays dans le ciel 

Eva Woska-Nimmervoll | Café Central, Baden

Photo : Alain Barbero | Texte : Eva Woska-Nimmervoll | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Je rentre dans le café.

Est-ce que je marche droit ? Je titube. Dans les grands miroirs, j’observe mon reflet, et les autres qui m’observent. Voir et être vu, voilà ce qui a toujours été important. On regarde instinctivement quand quelque chose bouge : en ce moment c’est moi, en train d’accrocher mon manteau. Mes cheveux sont en pagaille. J’ai l’air bizarre. Le rouge à lèvres était-il vraiment nécessaire ? Je ne mets jamais de maquillage d’habitude, ne connais pas d’astuce pour rendre ma bouche pulpeuse. Je ne suis pas une blogueuse de mode. J’écris des textes littéraires, et ça va sans porter de rouge à lèvres. Et avec des poils sous les bras. Sans maquillage et non épilée, je peux, et on peut me prendre plus au sérieux. C’est authentique. C’est pour cette raison que les jeunes écrivaines ne s’épilent pas. Les aisselles non rasées crient I don’t give a damn, se contredisent elles-mêmes. Mais c’est la manière dont elles se contredisent qui est cool. Avant, j’étais pareille, au cours des dernières années, plus lâche et épilée.

Je commande un café.

Et finalement, on enverrait au diable l’épilation juste parce que les jeunes le font aussi ? Ca pourrait m’être complètement égal, ce que pensent les autres. Ce n’est pas le cas. D’un autre côté, on n’est pas obligé de prendre position sur tout. Aujourd’hui comme ci, demain comme ça. Parfois du rouge à lèvres, juste parce que j’en ai envie. Dans tous les cas n’en pas faire des tonnes. Pourquoi j’aurais besoin d’applaudissements ? Suis-je coquette ou n’ai-je pas confiance en moi ? De toute évidence, je ne supporte pas d’être regardée avec dégoût voire mépris au lieu de susciter l’admiration. Le café donne un goût amer à mes doutes, l’eau aussi, ainsi que chaque pâtisserie.

Un peu plus tard, je repars en titubant à travers la pièce, avec mes lèvres maquillées de manière dilettante, et je me comporte comme si j’étais cool. Personne ne me regarde. Je transpire tellement je réfléchis. Seul celui qui ne se demande jamais s’il est cool, est vraiment cool.

Je rentre donc chez moi et j’écris.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Eva Woska-Nimmervoll : Lire et écrire des textes exigeants, qui me touchent et qui me procurent de nouvelles manières de penser. Quand j’écris, je fais connaissance avec des personnages, qui racontent quelque chose sur moi. La littérature et son commerce constituent également un monde parallèle. Empli de miroirs et de petites choses coquettes qui font également partie des aspects sans prétention. Les piles de livres servent d’estrades et de rampes de lancement vers quelque part.

Que représentent les cafés pour toi ?
EW-N : Dans une ville, ils sont synonymes de refuge et de havre de paix. Dans un village, c’est le lieu de rencontre et d’animation. Les cafés sont des lieux cultes avec des rituels mystiques, et pas seulement pour les habitués.

Pourquoi as-tu choisi le Café Central à Baden ?
EW-N : Parce qu’il est calme et intemporel. Il ne joue pas la carte du vieux, ni du moderne. On sait en quelle époque on est uniquement au sèche-mains électrique dans les toilettes et à l’assortiment branché de thés. Sinon on pourrait se croire 30 ans en arrière. A l’époque j’avais déjà l’impression qu’il me faisait penser au passé. La vue sur la colonne de la peste nous rappelle toujours d’être heureux, de vivre aujourd’hui et non à l’époque de la peste.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
EW-N : Je m’assoie sur mon balcon et je fais semblant d’être au café.

 

BIO

Née en 1969 à Mödling, Eva Woska-Nimmervoll a grandi à Baden en Basse-Autriche. Elle a fait des études de journalisme et des sciences de la communication à Vienne. Journaliste à son compte, elle enseigne également l’écriture. De temps à autre, elle chante également (compositrice, Folk irlandais). Elle est membre de l’Association des écrivaines de Graz (Grazer Autorinnen Autorenversammlung) et du BÖS (Association des enseignantes en pédagogie de l’écriture). Elle a gagné divers prix et bourses (en particulier le Förderpreis Harder Literaturpreis 2016). Elle a également publié dans des anthologies et revues littéraires. En 2019 est paru son premier roman Heinz und sein Herrl aux Editions Kremayr & Scheriau.

Peter Bosch | Café Steinbock, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Peter Bosch | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

L’homme dans le miroir
ne sait pas encore
que c’est la dernière fois
qu’il est ainsi debout,
adossé
au temps
achevant
parachevant
tournant la page.
Mais sera-t-il
encore à moi ?

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Peter Bosch : Raconter des histoires qui se situent quelque part entre réalité et fiction. J’aime être sur le fil du rasoir où les deux se mélangent.

Que représentent les cafés pour toi ?
PB : Je ne suis pas un poète des cafés, j’écris le plus souvent chez moi. Dans les cafés, je fais souvent des blind dates.

Pourquoi as-tu choisi le café Steinbock ?
PB : Parce que j’ai eu des rendez-vous là-bas avec des femmes qui étaient capricornes (NdT : en allemand, le nom du café signifie notamment capricorne). Le café a cependant fermé il y a peu de temps. Je n’ai pas dû y aller assez souvent pour mes rendez-vous. Et maintenant cela va devenir plus difficile : je ne connais pas d’autres cafés à Vienne qui tirent leur nom d’un signe du zodiaque. Je vais sûrement finir célibataire.

Que fais-tu quand tu ne vas pas dans un café ?
PB : Des films, de la photo, procrastiner.

 

BIO

Né en 1957 à Vienne, c’est aussi là que Peter Bosch vit et travaille. Sédentaire. Enfant du miracle économique.
Travaille comme programmeur, auteur, photographe et réalisateur.
A publié divers romans et récits.
Expositions de photographies et producteur chez Okto.tv.

Jean-Philippe Domecq | La Maison Blanche, Paris

Photo : Alain Barbero |  Texte : Jean-Philippe Domecq

 

« A la table du café notre héros se tenait assis, eh oui ! Très absorbé par le spectacle de ce qui l’entourait – il n’y avait pourtant pas matière à éblouissement, ce n’était là que les petits riens qui constituent l’ordinaire (…). Il n’était plus que murs, clients, verres de bière. Il en était à constater qu’il y avait un verre sous ses yeux, et sa main à côté pareillement posée sur la table. Dans la bière, des bulles. Il leva les yeux : que de gens ! que de présences ! Il eut un beau sourire : c’était le sourire ému du savant à l’aube de la découverte, c’était l’effet de la totale nouveauté. (…) Il considérait la distance séparant les buveurs solitaires – ils étaient rares. Certains étaient saturés d’intentions, d’autres emmurés. Il suffisait d’écouter par en-dessous. (…) les gens qui parlaient entre eux, la conversation sympathique, (…) tout ce cheminement de bouche à oreille avec allers-retours plus ou moins rapides, le cortège des mains autour des paroles, les bustes qui ployaient, et surtout le colportage des regards à travers la salle. Sans vraiment les entendre – et sans doute grâce à cette surdité momentanée -, il percevait les sous-entendus des conversations comme autant de post-scriptums.

Et puis, voilà que son regard balança au gré de l’ampoule électrique qui tremblait légèrement au-dessus du comptoir. Elle lui parut fort belle, cette ampoule ventrue au bout du fil électrique torsadé. Il la voyait pendre, comme jamais ampoule n’avait pendu. (…) Plus tard, bien plus tard, on le retrouva en train de constater que le ciel était sombre : il était sur un trottoir et marchait. »

(extrait d’Une Scrupuleuse aventure, éditions Papyrus, Paris, 1980)

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour vous ?
Jean-Philippe Domecq : L’ouverture, l’ouverture à tous les possibles de la vie.

Que représentent pour vous les cafés ?
JPD : J’y vais le moins possible, j’y vais pour les rendez-vous puisque c’est ainsi qu’on fait, mais je n’aime pas du tout, c’est s’imposer d’être « parmi ». 

Pourquoi avez-vous choisi « La Maison Blanche »  ?
JPD :  Ah, avec ce grand café c’est autre chose, tout autre chose ! Je m’y sens « chez moi », étrangement, alors que j’y ai débarqué une nuit par hasard, fort tard après minuit, et je me suis retrouvé au bar parmi la faune des noctambules qui viennent là par errance ou par habitude ou avant ou après le travail très matinal ou nocturne puisque ce grand café face à la Gare du Nord est ouvert toute la nuit. Des têtes et gens de tous horizons sociaux et continentaux mais, hormis les classiques escarmouches dont le personnel détourne la violence potentielle avec une science impromptue qui m’a fasciné, on se regarde ou se parle comme si on était en affinités dès qu’on passait le seuil d’entrée, avec une politesse tacite spontanée, par-delà toute différence. Pour moi c’est devenu le repère façon Nighthawks, célèbre tableau d’Edward Hopper, si bien que lorsque j’y convie quelqu’un, je dis « allons à Nighthawks !… ». J’aime ce décor resté années soixante, sa lumière acide de tableaux milieu du XXème siècle, le cuir et le bois sur le dallage. Et parmi tous il y a Julien : un des maîtres-serveurs qui m’a fait l’immense et joyeux honneur de venir me serrer la main en me voyant débouler avec des amis alors que je n’étais plus venu depuis deux ans : « Longtemps qu’on ne vous avait vu », me dit-il d’un air malicieux et si sympathique ; immense honneur pour moi car j’avais remarqué comment cet homme d’expérience réglait tous les cas avec un tact psychologique dont je m’étais dit toute la profondeur d’expérience humaine, et qui en fit pour moi le Garçon de Café Absolu, celui qui démentait la méditation philosophique de Sartre sur le garçon de café. Julien est de ces êtres qu’on souhaite à l’humanité ; j’en ai eu ample confirmation puisque, depuis, nous dialoguons régulièrement quand il passe encore en cette fin de sa carrière, et tout va de soi entre nous, chose rarissime entre humains quand on n’a même pas à suggérer le sous-entendu de ce qu’on se dit. Chapeau, Julien, grâce à vous j’ai motif de parier sur l’humain.

Que faîtes-vous quand vous n’êtes pas dans les cafés ?
JPD : Je respire. Sans sortir. Sortir, sortir, toujours sortir… est-ce qu’on a demandé à naître ? Non. Bon alors, qu’on ne nous en demande pas plus.

 

BIO

Jean-Philippe Domecq est romancier, auteur de deux cycles romanesques, « Les Ruses de la vie » et « La Vis et le Sablier » (Métaphysique Fiction), dont Cette Rue (Prix du roman de la Société des Gens de Lettres 2007, et Le Jour où le ciel s’en va, Prix Tortoni 2011) ; et essayiste, auteur de Robespierre, derniers temps (Prix du Salon du Livre 1984), il a composé une Comédie de la Critique sur l’art contemporain (réédition en 2015) et sur la réception littéraire (Qui a peur de la littérature?, réédité en 2002, Prix international de la Critique du Pen-Club). Parmi ses derniers titres parus : Le Livre des jouissances, Qu’est-ce que la Métaphysique Fiction?, La Monnaie du temps. Pour la quarantaine d’ouvrages parus à ce jour, voir: www.leblogdedomecq.blogspot.com

Harald Jöllinger | Café Votiv, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Harald Jöllinger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Les cafés, je sais pas trop. En fait, je n’aime pas les cafés. Le café oui, ça j’aime bien. Sans lui, je ne mettrais pas un pied dehors. Mais un seul par jour. Et uniquement le matin. Pas plus. Sinon je n’arrive pas à dormir.
Je n’ai rien contre les maisons non plus. J’habite aussi dans une maison. En fait non, dans un appartement. Qui est dans une maison. Mais les cafés…
Les cafés, je les fréquente … depuis que j’ai commencé à écrire. Je ne sais pas pourquoi. L’écriture, c’est une activité assez fade. Mais peut-être est-ce à cause du mug offert par ma grand-mère. Dessus on pouvait lire : « Mon dieu, que serait la vie sans café ? » C’est ainsi que tout a commencé entre le café et moi. Comme entre la poésie et moi. Je voulais devenir poète et je me suis donc lancé dans l’écriture. Mais peut-être que je n’ai commencé à griffonner que plus tard. Comme m’a dit un jour mon oncle : « Dans ta tête, ça ne tourne pas rond , t’es qu’un gamin, un p’tit con ». Il n’est plus de ce monde, l’oncle. Mais c’est là que j’ai commencé à écrire des poèmes. Avec des rimes et tout ça. Puis des limericks. Puis des nouvelles.
Et que font ces imbéciles de revues littéraires à qui j’ai envoyé mes textes ? Au lieu de dire : « C’est nul, on ne prend pas ça », ils publient. Sans blague. Car depuis, je suis un auteur. Et chaque auteur a son café dans lequel il écrit. Plus personne n’écrit à la maison à son bureau. Non, on écrit dans les cafés. C’est comme ça. C’est un peu cliché et je n’aime pas les clichés. Mais il faut quand même s’y tenir.
Je suis donc souvent dans un café, sans but, et j’écris quelque chose. Mais cela ne me procure aucun plaisir. Ni celui d’écrire, ni celui d’être dans un café.

 


Interview de l’auteur

Que signifie la littérature pour toi ?
Harald Jöllinger : Comme on dit chez nous. La littérature, … la littérature. Elle ne m’est pas indifférente.

Que représentent les cafés pour toi ?
HJ : Peu. Si cela ne tenait qu’à moi, on pourrait transformer tous les cafés en Heuriger ou bistrots. On pourrait éventuellement en laisser un ouvert, par nostalgie. Pour que les Japonais aient quelque chose à visiter. Et le Café Votiv doit rester. C’est le seul qui ne nous ait pas chassé avec nos sessions d’écriture.

Pourquoi as tu choisi le café Votiv ?
HJ : Et bien justement à cause de nos sessions d’écriture. Une fois par mois, on se réunit là-bas. Niveau très élevé. Beaucoup aimeraient en faire partie, mais nous ne prenons pas de nouveaux écrivaillons (ou écrivaillonnes) pour le moment.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
HJ : Je m’assieds sur un banc dans un parc et je regarde autour de moi. Ca ne se fait plus. Manger, boire, râler, bougonner, ça les Viennois savent faire. Mais juste rester assis et regarder en l’air… C’est en voie de disparition. Parce que tout le monde ne fait que regarder son portable. Même dans un café. Regarder plus en l’air, ce serait vraiment important.

 

BIO

Né en 1973 à Mödling, Harald Jöllinger vit à Maira Enzersdorf. Il aime l’absurde, la poésie empreinte d’humour noir et la prose courte. Il a suivi les cours de la Celler Schule en 2007 et a remporté le Prix Irseer Pegasus en 2013. En 2016 , il suit le cursus de la Leondinger Akademie für Literatur. Au printemps 2019 est paru aux éditions Kremayr & Scheriau « Marillen und Sauerkraut ».

Sorour Kasmaï | Lili et Riton, Paris

Photo : Alain Barbero | Texte : Sorour Kasmaï

J’aime la ville comme d’autres aimeraient la campagne. « Cet océan de pierres est tout autant Nature que la nature, la montagne ou la mer, et l’homme qui y naît est en quelque sorte imaginé par elle »*. J’aime la ville, son imaginaire, ses histoires, sa poétique. L’histoire de ceux qui l’ont habitée, l’ont façonnée, l’ont rêvée.

Pour traquer l’imaginaire qui se cache derrière ses pierres, je déambule dans ses rues. La ville se compose de lieux et d’objets qui ont accumulé tant de présences, tant de dedans ou dehors collectifs. Lors de mes déambulations, la ville et ses habitants me dévoilent peu à peu leurs rêveries.

Il existe des oasis dans la ville où le temps est suspendu. Des lieux ambigus, mi ville mi village, situés à la limite d’aujourd’hui et d’hier, de la littérature et de l’actualité… De cette ambiguïté naît la poésie, surgit le rêve.

Un de ces lieux d’ambiguïté est une petite place ombragée au croisement de plusieurs époques, où le temps présent se mêle au passé parfois lointain. À deux pas de la frénésie de la gare, un petit village au pied d’une tour moderne. Avec d’un côté vue sur la rue de la Gaîté et ses guinguettes du XIXème s., devenues théâtres au XXème, et de l’autre, la Rue d’Odessa et ses crêperies bretonnes. Autrefois malfamé, haut lieu de la prostitution et du crime, le boulevard Edgar Quinet longe toujours le mur du vieux cimetière où Baudelaire est inhumé, à deux pas du Montparnasse des années 20 et de ses artistes peintres. Rue Delambre, Gauguin et Breton étaient logés à la même enseigne, mais à des époques différentes. Hemingway et sa Lost Génération se retrouvaient juste en face, au Dingo Bar, aujourd’hui disparu. Sartre et Malraux hantent toujours les parages.

Sur cette place, le rythme effréné de la grande métropole se ralentit, vous donnant envie de vous arrêter un instant, de vous poser à la table d’une terrasse, ou bien par mauvais temps, vous réfugier au fond de la salle d’un de ses innombrables bistrots. Lili et Riton en est le plus petit de tous.

Un lieu lui aussi ambigu, mi bistrot mi café. Bistrot car on vous y accueille en habituée du lieu, vous serrant chaleureusement la main et demandant de vos nouvelles. Café car aussitôt après les salamalecs, on vous rend votre liberté de rêver en solitaire. Vous choisissez alors votre table. Certaines en sont ornées de plaques métalliques, avec un nom quelconque gravé dessus. Probablement celui d’un autre habitué, fidèle comme vous et qui ne s’y rend plus, ayant pris désormais ses quartiers au cimetière, de l’autre côté du boulevard. Mais les tables et les chaises, témoins muets d’autres vies et d’autres destins, sont toujours là, elles. Mais quels destins ? Quelles sont les histoires, les paroles intimes qui y ont été dites ou racontées ? Qui sont les Lili et les Riton qui s’y sont rencontrés ou quittés ?

Je note sur mon petit carnet des bribes de conversation que je crois y entendre. Je regarde les gens passer d’un pas hésitant, dehors, perdus dans leurs pensées. Où vont-ils ? D’où ils viennent ? J’entends un rire de femme éclater dans mon dos. Je ne me retourne pas, libre d’imaginer le visage que je souhaite. De quoi rit-elle si amèrement ? Quel âge a-t-elle ? Quelle illusion vient-elle de perdre à jamais? J’écoute quelques secondes, mais je ne discerne plus rien. Je me retourne. Il n’y a personne. Alors, je l’invite à exister. J’écris un mot, une phrase… J’écris la femme qui un jour était assise à la table du fond…

*Pierre Sansot dans la Poétique de la Ville

 


BIO

Romancière, traductrice, éditrice, Sorour Kasmaï est née à Téhéran dans une famille francophone. Elle fait ses études primaires et secondaires au Lycée franco-iranien Razi. En 1983, suite à la révolution iranienne, elle quitte clandestinement son pays. Arrivée à Paris, elle étudie la langue et la littérature russes. En 1987, grâce à l’obtention d’une bourse universitaire, elle se rend à Moscou et étudie le théâtre russe. Passionnée de théâtre, elle devient, quelques années plus tard, traductrice et interprète de russe sur les plateaux de théâtre et à l’Opéra de Paris.

Parallèlement, elle travaille sur la littérature orale des Tadjiks et publie une série de CD de musiques populaires et traditionnelles du Tadjikistan, ainsi que des œuvres de musique populaires et traditionnelles iraniennes.

En 2002, son premier roman, Le cimetière de verre, paraît aux éditions Actes Sud. Elle a également fondé et dirige chez le même éditeur, la collection « Horizons persans » dédiée aux littératures iranienne et afghane. Depuis, elle a publié La Vallée des Aigles, l’autobiographie d’une fuite (prix Adelf 2007) et Un jour avant la fin du monde (Robert Laffont). Elle a également signé la traduction de plusieurs romans et nouvelles de ses compatriotes dont Mon oncle Napoléon d’Iraj Pezechkzad. Sorour Kasmaï écrit et publie ses romans en persan et en français.

Depuis septembre 2016, elle est membre du jury du Prix du Jeune Ecrivain de langue française.