Archive d’étiquettes pour : Café

Marcus Fischer | Café Weidinger, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Marcus Fischer | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Le café Weidinger

Tu es comme un vieux monsieur vêtu d’un habit usé, déchiré, porté depuis des décennies, et qui n’a rien perdu de sa dignité. Les jeunes admirent ton style. Moi aussi, tout comme le calme qui émane de toi. Et les personnages loufoques et attachants qui t’entourent.

 


Interview de l’auteur

Que peut la littérature ?
Marcus Fischer : La littérature peut nous montrer les gens de l’intérieur. Nous ressentons les personnages avec leurs peurs, leur honte, leur envie, leur amour, leur colère, leur désespoir. Cette vision intérieure, c’est la littérature qui la rend mieux que tout autre média.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
MF : Il m’est souvent plus facile de m’isoler et de me concentrer lorsqu’il règne autour de moi une agitation régulière et houleuse. Les cafés sont l’endroit idéal pour cela. Je mets alors des écouteurs, j’écoute souvent la même chanson pendant des heures et je me plonge dans mon histoire.

Où te sens-tu chez toi ?
MF : Réponse simple : dans mes textes, quel que soit l’endroit où je les écris. Et dans la nature, entouré de personnes familières et dans des lieux chers et inspirants – comme le café.

 

BIO

Né en 1965 à Vienne, il étudie la germanistique à Berlin, écrit de la prose et de la poésie. Après ses études, il travaille comme professeur d’allemand langue étrangère et comme rédacteur dans des agences de publicité à Berlin et à Vienne. Publications dans des anthologies, des revues littéraires et à la radio. Son roman Die Rotte (Leykam Verlag), paru en 2022, a été récompensé par le prix littéraire Rauriser Literaturpreis 2023 pour le meilleur premier roman en langue allemande.

Andras Foldvari | Café Gerbeaud, Budapest

Photo : Alain Barbero | Texte : Andras Foldvari | Traduction (du hongrois) : Christian Szabo

 

Je n’avais pas encore 21 ans lorsque j’ai trouvé un emploi dans le département tourisme d’une compagnie aérienne hongroise, qui avait à l’époque son siège dans un bâtiment situé au cœur de ma ville, dans un immeuble de la place Vörösmarty.
Il n’y avait pas de salle de réunion, donc si nous devions avoir un meeting, nous allions au merveilleux café sur la place, célèbre pour sa machine à café en porcelaine Herend.
Si quelqu’un appelait pour moi, on lui disait qu’Andras était dans la salle de réunion.
Les rencontres ici ont eu beaucoup plus de succès que si nous les avions tenues dans les salles grises du bâtiment.

 

Original (hongrois)

Még 21 éves sem voltam amikor a magyar légitársaság idegenforgalmi osztályán kaptam állást, melynek akkori központja városom szívében egy lakóházból kialakított épületben volt a Vörösmarty téren.
Nem volt kialakított tárgyaló terem, így ha megbeszélést kellett tartani inkább a téren levő csodálatos – herendi porcelán kávéfőző gépéről híres – kávézóba mentünk. 
Ha bárki keresett csak azt mondták András a tárgyalóban van.
Sokkal sikeresebbek is voltak az itt folytatott tárgyalások mintha azokat az épület szürke szobáiban tartottuk volna.

 


Interview de l’auteur

Pourquoi les voyages ?
Andras Foldvari : Le voyage est une mission pour moi !
Aller dans des pays aux cultures étrangères, connaître le quotidien des gens qui y vivent est pour moi une expérience rafraîchissante, regarder derrière les rideaux, se rapprocher des trésors cachés, qu’ils soient dans un musée ou sur l’étagère d’un appartement.
Je suis un citadin. J’accorde plus d’importance à l’environnement créé par les hommes, aux beaux bâtiments ou aux lieux de culte qu’à la beauté de la nature. Qu’il s’agisse d’un monticule de pierre tibétain ou d’une cathédrale africaine monstrueuse.
Voyager, c’est toujours découvrir quelque chose de nouveau, ce qui donne plus d’énergie pour de nouvelles expériences.

Que représentent pour toi les cafés ?
AF : Les cafés et les maisons de thé sont des sanctuaires de la culture urbaine. De nombreux événements de l’histoire hongroise sont liés aux cafés et de nombreux artistes ont créé des chefs-d’œuvre dans des cafés.
Selon la légende, les clés du New York Café de Pest ont été jetées dans le Danube par des habitués, afin qu’il soit toujours ouvert pour la création de chefs-d’œuvre.

Où te sens-tu chez toi ?
AF : Je suis un peu cosmopolite, peut-être pas aussi attaché à ma maison que la plupart des gens.
J’ai commencé à écrire mon premier livre sur la terrasse d’un petit bungalow dans les îles Salomon.
Le fabuleux décor de bord de mer a inspiré mes histoires urbaines de l’époque.
J’ai ensuite poursuivi dans un studio en Malaisie et terminé à l’ombre de la cathédrale de Malaga.

 

BIO

Andràs Foldvari est né en 1952. Il commence à voyager dès l’adolescence. Amoureux des langues il étudie le tourisme et le marketing, puis travaille dans quatre compagnies aériennes et un tour-opérateur, ce qui le conduit à visiter près de 900 aéroports dans 205 pays du monde.
Il écrit son premier livre autour des 80 meilleurs récits de ses voyages, livre qui connaît un énorme succès en Hongrie. L’éditeur devra le réimprimer cinq fois. Son deuxième livre a moins de succès, mais reste populaire.
Bien qu’en retraite depuis 2018, il continue de découvrir de nouveaux endroits, comme récemment Sainte-Hélène. Il rassemble ainsi de la matière, pour peut-être un nouveau volume de la trilogie.

Marlene Gölz | Café Vogl, Eferding

Photo : Alain Barbero | Texte :  Marlene Gölz | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Parfois, le banc en bois vermoulu et recouvert de lichen sous le tilleul était occupé par les jeunes du village, mais pas ce jour-là, Karo avait de la chance. Elle plaça le banc en direction du nord-ouest, effleura les lettres gravées sur le dossier, s’assit, ouvrit la canette de bière et eut un bref instant le sentiment de bien faire les choses. “Je n’ai pas besoin de la mer”, dit-elle, en regardant vers la vallée, à Nobody, assis à côté d’elle. À l’horizon, un groupe d’arbres semblait en feu, combat du soleil contre son coucher. Des traînées orangées traversaient la lumière étincelante et se mêlaient à des nuages bleutés qu’elle pensait pouvoir arracher du ciel comme de la barbe à papa. Comme pour vérifier ses pensées, Karo attrapa un nuage et le mit dans sa bouche. Quel goût peuvent bien avoir les nuages ? Dans tous les cas, il fallait attraper ceux qui étaient bleutés, ceux orange et jaunes vous filaient entre les doigts. Karo ferma les yeux, juste pour pouvoir constater l’instant d’après que le ciel du soir avait changé.
Elle se dit qu’il ne serait pas difficile de sombrer dans la folie. Mais aussi que le secret consistait à ne pas se laisser aller à penser ainsi, sous peine de voir ce process terminé avant même d’avoir vraiment commencé.

Extrait de : K.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Marlene Gölz : Je me souviens d’une sorte de déclic, je savais à peine lire. Christine Nöstlinger : Un enfant marche dans la rue. Il marche en ne posant le pied qu’un pavé sur deux, en essayant de ne pas toucher les joints. Cela m’a impressionnée. Que quelqu’un marche exactement comme moi. Que l’on exprime quelque chose, qui est là, mais dont on ne parle pas habituellement, parce que ce n’est apparemment pas important. Pour moi, c’était important. Je me suis reconnue. Les expériences de lecture d’une telle intensité sont rares. Mais si c’est le cas, un tel livre est un véritable trésor, la littérature signifie alors : se rencontrer, s’oublier, voyager, être compris, être chez soi.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
MG : Aujourd’hui : prendre le temps, échapper à la vitesse, trouver sa place dans le fait de se déplacer.

Pourquoi as-tu choisi le Café Vogl ?
MG : Parce que je suis écrivain pour cette ville et qu’Eferding ne peut être dissocié du Café Vogl.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
MG : Je passe du temps généralement dans des endroits que j’aime aussi beaucoup : les trains, la nature, ma maison et mon lieu de travail, une bibliothèque.

 

BIO

Née en 1978 à Linz, elle travaille comme auteur, lectrice et indépendante à la StifterHaus Linz ; depuis 2017, publications littéraires dans des revues et anthologies, divers prix et bourses, notamment le Marianne.von.Willemer.Frauenliteratur-Preis de la ville de Linz (2017), Literaturpreis Akademie Graz (2018), BMUKK-Startstipendium (2018), Stadtschreib-Stipendium Eferding (2022).
www.marlenegoelz.com

 

Reinhard Junge | Café Ferdinand, Bochum

Photo : Alain Barbero | Texte : Reinhard Junge | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Mon premier policier, Brunhilde l’avait encore trouvé bien. Un mari écrivain – il y avait vraiment de quoi pérorer. Lors du lancement, elle m’avait même offert une de ses plus belles métaphores.
Lorsque je lui ai remis fièrement le deuxième livre (enveloppé spécialement pour l’occasion dans du papier rose), elle l’a jeté dans la poubelle jaune sans même l’ouvrir. « Maintenant, on arrête d’écrire des bêtises, hein ? Sinon… »
« Sinon quoi ? »
« Tu seras homme au foyer. Tu pourras taper à la machine une petite heure tous les soirs ! »
Parfait, je me suis dit. Mais : quelle illusion ! Quatre repas par jour pour quatre personnes, faire le taxi pour la crèche, l’école primaire, le pédiatre et le magasin bio, la lessive, le nettoyage des fenêtres et des couloirs, la déclaration d’impôts, les fleurs au cimetière, les missions de conciliation au bac à sable, où notre Heiko aimait terroriser les enfants du voisinage…
Pendant ce temps, mon épouse, professeure de musique et d’art, s’épanouissait. Enfin la sieste ! Et deux fois par semaine, le Café Ferdinand avec son amie Thea, et du coup j’avais aussi les enfants de Thea sur les bras. Taper à la machine ? Le soir, je tombais dans le coma, assis, après avoir écrit cinq lignes.
« Chéri », me susurra Brunhilde un midi, alors que je nettoyais les couverts.
« La semaine prochaine, c’est la Pentecôte. Cinq jours de congé ! Je pars à Rome avec Thea. Jasmina ira chez grand-père et Heiko restera avec toi. D’accord ? »
« Pourquoi Heiko ne peut-il pas aller lui aussi chez grand-père ? »
« Il ne saura pas non plus le gérer ! »
Merci, ai-je pensé, et j’ai demandé : “Et mon exposé ?”
« Chéri ! Ce genre de bêtises peut bien attendre ! »
Quelle coïncidence que le couteau à viande se trouvait justement à portée de main…

Dans mes nouveaux quartiers, je peux écrire en toute tranquillité. Bye, bye Brunhilde est le titre du livre. Et quand les douze ans seront passés, j’irai aussi au Café Ferdinand.

 


Interview de l’auteur

Que peut la littérature ?
Reinhard Junge : Tout ! Divertir, ennuyer, éduquer, indigner, glorifier les guerres, appeler à la révolution ou au génocide, irriter ou célébrer les gouvernements, dénoncer ou justifier l’injustice. En fait, elle peut tout. A condition que les auteur(e)s trouvent une maison d’édition prête à imprimer leurs œuvres.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
RJ : J’adore les cafés. Un bon café est pour moi le compromis parfait entre les restaurants, où le sourire du serveur coûte déjà 50 €, et un bar à poivrots où l’on rencontre toute la misère de ce monde injuste. Pour moi, ils peuvent être des lieux de repos, de réflexion, de rêve, d’écriture et d’amitié. 

Où te sens-tu chez toi ?
RJ : Partout où il y a beaucoup de soleil, une vue dégagée sur la mer bleue, une plage blanche et un bon café.

 

BIO

Né en 1946 à Dortmund. 1966 Baccalauréat. Armée, études à Bochum. Après son stage en 1978, d’abord interdit d’exercer en tant que membre du DKP (Parti communiste allemand). Protestations en provenance de l’Allemagne et de l’étranger (notamment de la CGT). 1979-2012 enseignant dans un lycée. Puis 6 années d’allemand pour enfants étrangers. – 12 romans policiers (en partie avec Leo P. Ard et Christiane Bogenstahl), 4 documentaires sur les néonazis. – 3 enfants, 1 petit-fils, pas de maison, pas de chien. Supporter de toutes les équipes qui battent le Bayern Munich.

Regine Koth Afzelius | Intermezzo Bar, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Regine Koth Afzelius | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Depuis toujours, j’aime considérer deux facettes : flexible et déterminée. Voleuse de chevaux royale et reine voleuse de chevaux. Pocky Pockberger au caveau-théâtre et Ofczarek au Burgtheater. Le Trio Lepschi à la guinguette Hengl-Haselbrunner et l’orchestre philharmonique de Vienne au Musikverein. Les dessins humoristiques de Martin Perscheid et les peintures de Franziska Maderthaner. Les textes de Selma Heaney, Peter Hodina, et ceux de Heimito von Doderer. Helge Schneider et Lisa Eckhart.

J’aime les chats et les chiens ! J’aime regarder les poules – la plus tachetée, qui court en ce moment à travers l’enclos, un ver dans le bec, la tête haute, les autres derrière elle, et juste après, en sens inverse, la brune, avec le même ver, poursuivie par une nuée de caquètements.

J’aime le Heumarkt et le Bar Intermezzo. En face l’un de l’autre, je me gare entre les deux. Dans chacun d’eux, je me sens comme chez moi. Angoisse permanente pour les deux : menace du manque d’argent pour le premier et de la démolition pour le second. Dans l’un, on connait des choses personnelles sur moi, dans l’autre, le choix de mon cocktail. Au Heumarkt, je suis assise sur le ruban adhésif noir d’une banquette en similicuir rouge fatiguée, transfigurée par le vrombissement de la vitrine aux pâtisseries et le duo affectueux de frères déjanté ; à l’Intermezzo, je m’enfonce dans le fauteuil de salon, transfigurée par le pathos international et le plus beau lustre du monde. Manger dans le premier, puis finir dans le second. Amen.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Regine Koth Afzelius : L’art du langage. Un texte doit captiver, surprendre et emporter. En écrivant, je cherche un exutoire et une clé pour surmonter la réalité. Tout doit sortir pour atteindre le plus grand nombre, non pas pour les affecter, mais pour les divertir. Quelle prétention ! Et alors ? Et en retour, des louanges et de la reconnaissance. Ha.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
RKA : Je vis à la campagne – et j’entretiens des amitiés urbaines. Pour cela, il faut des cafés comme espace d’échange. Ce n’est que dans la nonchalance des deux cafés cités précédemment que je trouve l’atmosphère adaptée aux conversations comme je les aime : approfondies, enrichissantes, intimes.

Pourquoi as-tu choisi le bar Intermezzo ?
RKA : Ce soupçon de luxe !

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
RKA : Je me lève ! Sortir les poules du poulailler ! Retourner au lit avec un café, WhatsApper avec le monde entier. Puis travailler sur mon nouveau roman. L’après-midi, enlever les pins et les bouleaux pourris à la tronçonneuse. Ou promenade en forêt. Si les pensées se bousculent : écrire à nouveau. À l’heure bleue, fondre dans le canapé, et en guise de générique de fin de journée, regarder au loin la volaille, jusqu’au film du soir.

 

BIO

Née en 1962 à Vienne. A étudié l’architecture à l’Arkitektskolen Aarhus (Danemark) et à l’Université des arts appliqués de Vienne. Diplôme d’architecture en 1997. Depuis 2008, vie à la campagne. Conceptrice de sites web. Artiste plasticienne. Auteure. Travail sur son quatrième roman.

Emanuil A. Vidinski | Mi Casa, Sofia

Photo : Alain Barbero | Texte : Emanuil A. Vidinski | Traduction du texte bulgare : Raya Hristova, interview et bio (de l’allemand) :  Sylvie Barbero-Vibet

 

L’autre jour, j’ai vu ma main vieillir
c’était en automne, un dimanche, le soleil brillait
j’ai vu ces petits signes précurseurs du  silence
les fines ridules sur la peau, comme des nouveaux-nés
qui réclament leur droit de vivre
avec une volonté inébranlable de grandir
et de s’approfondir
dans leur zèle

J’ai vu ma main vieillir
et j’ai eu de la peine,
si touchante dans sa vulnérabilité
et calme
afin d’endurer docilement tout
ce dont elle ne sait rien

 

Original (bulgare)

Онзи ден видях ръката си да остарява
беше есен, неделя, слънцето грееше
видях тези малолетни предвестници на тишината
фините бръчици по кожата, като новородени
да заявяват правото си на живот
с непоколебимата воля да растат
и задълбават
в усърдието си

Видях ръката си да остарява
и ми дожаля
такава една трогателно безпомощна
и тиха
да понася безропотно всичко
за което не знае

 

Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ?
Emanuil A. Vidinski : La littérature peut presque tout. Arrêter le temps, donner du sens, apprendre l’empathie, offrir une issue, transmettre du savoir, apporter du réconfort et, last but not least, guérir les blessures qui ne saignent pas mais qui sont douloureuses.

Que représentent les cafés pour toi ?
EAV : Un beau café peut être comme un chez-soi. Peu d’endroits ont cette capacité. C’est pourquoi j’apprécie beaucoup les bons cafés. Il faut qu’il soit calme et qu’il y ait beaucoup de fenêtres.

Où te sens-tu chez toi ?
EAV : Dans certains cafés et dans les bibliothèques. Dans une pièce remplie de livres, j’ai toujours l’impression de ne pas être perdu. C’est le sentiment familier que l’on a chez soi. Là où il y a des livres, on a l’impression qu’il n’y a pas de coins, et même si on trébuche et qu’on tombe, on se relève en douceur.

 

BIO

Né en 1978, Emanuil A. VIDINSKI est un écrivain, poète, éditeur et musicien bulgare. Il a notamment écrit les recueils de nouvelles Kartografii na biagstvoto (Cartographies de la fuite, 2005) et Egon i tishinata (Egon et le silence, 2015), ainsi que le roman Mesta za dishane (Lieux de respiration, 2008). En tant que musicien, Vidinski était chanteur et guitariste du groupe Par Avion Band qu’il a lui-même fondé. Le recueil de poésie bulgare-allemand Par Avion a été traduit en allemand par Petya Lund et publié par les éditions eta à Berlin (2017).

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Ulrike Schrimpf, Café Hawelka, Wien, Vienne

Beloslava Dimitrova | FOX book café, Sofia

Photo : Alain Barbero | Texte : Beloslava Dimitrova | Traduction (du bulgare) : Sylvie Barbero-Vibet & Boryana Bilbileva

 

 

Original (bulgare)

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Beloslava Dimitrova : La littérature est et a toujours été la maison dont je rêvais. C’est la pièce dans laquelle j’entre en toute connaissance de cause et même si je dois la quitter à un moment donné, je reste reconnaissante, satisfaite et détendue.

Quelle signification les cafés ont-ils pour toi ?
BD : Ce que j’aime dans les cafés, c’est que nous sommes tous anonymes, et en même temps, il y a cette proximité et le sentiment que l’on n’est pas tout à fait seul.

Pourquoi as-tu choisi le FOX book café ?
BD : J’y vais avec ma fille pour acheter des livres pour enfants, observer les autres et être inspirée. L’endroit est confortable, petit et caché au cœur de la ville. Il me fait penser à une petite grotte remplie de livres.

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
BD: Aujourd’hui, mon monde a été bouleversé par l’arrivée de ma fille Mika. Je réapprends ce que c’est qu’être un enfant, et que les enfants sont un cadeau inestimable. Merci beaucoup, Mika !

 

BIO

Beloslava Dimitrova est poète et journaliste. Née en 1986, elle a publié trois livres et reçu trois prix bulgares de poésie. Elle est traduite en anglais, allemand, espagnol, italien, croate, macédonien et hindi. Beloslava Dimitrova vit et travaille à Sofia.

 

 

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Katharina Bendixen, Museumscafé Goetz, Leipzig

Isabella Feimer | Café Cinema, Berlin

Photo : Alain Barbero | Texte : Isabella Feimer | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Ciel, ici / ici, Delphine a pensée à Thomas

 

              Sombre, sombre est le ciel, tandis que le regard cherche la lumière, dehors, comme il avait trouvé, quelques minutes auparavant, les fleurs du printemps, les cupules de mars, les roses d’hiver, les crocus / passage furtif entrecoupe la lumière
Les affiches appartiennent pour moi à un temps révolu, couleur sépia, rouille, onduleux, les histoires, que j’aimerais voir dans ma réalité, la douleur évoquée que j’aimerais retrouver dans mon cœur, où il fait de plus en plus froid / le cœur a subi trop de fissures, mon cœur écrit en ces jours le mot nostalgie en lettres capitales
              Ces jours, gris foncé comme la poussière recouvrant les projecteurs au plafond, ils ne donnent presque plus de lumière, décrochés, comme la façade de la rue d’en face, telle qu’elle était avant, lors de la chute du mur / j’ai lu, seuls les tramways donnaient de la lumière, incarnaient un peu du soleil
Décroché le voile du temps, le temps est devenu autre, pas pour un monde meilleur, il s’effondre face au moment présent, comme à chaque rencontre / j’ai été parmi ceux qui fuyaient, ceux qui cherchaient des réponses – quand part le train, lequel et quelle voie -, et leur valise, celle qu’ils pouvaient porter.
En buvant mon café, ma conscience me fait avaler de travers, je tousse, me racle la gorge, crache le temps présent hors de moi, je m’embrouille dans des mots que je n’ose pas prononcer / j’ose imaginer comment c’était à l’époque où l’Est et l’Ouest se rencontraient ici, dans le canapé pelucheux, je lisais, embrassée, se rapprochait ce qu’un mur séparait jusqu’alors
             Gris, gris et sale est le temps, je m’en extirpe, du ciel, celui qui ici manque de bleu et d’espoir, je fais quelques pas, je lis sur le mur / ici, Delphine a pensée à Thomas
qui étaient ces gens qui, par amour, et si ce n’était pas par amour, par désir commun, qui étaient tous ces gens qui pensaient les uns aux autres, les uns avec les autres, ici, dans ces pièces sombres et obscures, ce que leur réservait l’avenir ?
Le mot avenir me glace jusqu’au plus profond de moi, je pense, qu’à force de voir du faux ciel, je ne vois plus cet avenir, ni pour d’autres dans la lumière / le regard continue toujours à chercher la lumière, à l’intérieur, à l’extérieur, comme auparavant il n’a juste rien trouvé.
Le néant décroché s’écrit de nos jours toujours plus en lettres capitales, s’écrit en lettres sombres, sombres, colore les roses d’hiver en noir

 

                


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Isabella Feimer : La littérature est pour moi un lâcher-prise et un lien, un état de suspension ancré dans la terre ; une forme d’art qui, en tant que représentation du monde, peut le dessiner plus clairement qu’il ne l’est.

Que signifient les cafés pour toi ?
IF : Des lieux intermédiaires, de nombreuses voix, actuelles ou passées, qui peuvent s’associer à ma voix intérieure. Le présent et l’histoire se retrouvent dans les cafés, ainsi qu’un soupçon de quelque chose qui adviendra.

Pourquoi as-tu choisi le Café Cinema ?
IF : Dans l’atmosphère sombre et historique du Café Cinema, on retrouve ma passion pour le cinéma ; c’est un lieu magique qui ne s’intègre pas du tout dans son environnement et qui lui donne ainsi une certaine forme. Le Café Cinema est le théâtre de nombreuses histoires.

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
IF : Me promener, bouger, respirer les fleurs du printemps, supporter le froid de l’hiver, etc. je suis souvent au cinéma, le cinéma est un lieu en opposition avec le café.

 

BIO

J’ai grandi dans une ville industrielle, ni tout à fait à la campagne, ni tout à fait en ville, j’ai eu très tôt envie de prendre le large, c’est comme ça quand on se trouve entre deux ; Escapisme artistique, d’abord le théâtre, puis la littérature, qui me voulait du bien (qu’elle soit ici remerciée).
Je suis une voyageuse, je voyage dans les textes, les actions et le fantastique, dans le monde ; je m’illustre moi-même, je laisse les images grandir par mes actes, et ma voix trouve sa place dans les images.

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Elisabeth R. Hager, Fräulein Wild, Berlin

Katharina Bendixen | Museumscafé Goetz, Leipzig

Photo : Alain Barbero | Texte : Katharina Bendixen | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet 

 

Café de rue

Autrefois, quand je ne voulais pas manger le rôti ou les légumes, mes parents transportaient notre table à manger dans la rue. C’était une grande table, en bois massif, avec une rallonge supplémentaire pour l’agrandir. Ensemble, mes parents portaient la table jusqu’en bas, tandis que je suivais avec mon assiette remplie et une chaise. Telle une serveuse, ma mère mettait la nappe sur le bois. Je devais prendre place et mes parents disparaissaient à l’étage dans l’appartement. Par les fenêtres ouvertes, j’entendais alors la voix du présentateur du journal télévisé, puis la douce musique du film. De temps en temps, ma mère ou mon père passait la tête par la fenêtre au-dessus de moi. Je serrais alors un peu plus fort la cuillère, mais ne mangeais toujours pas.
Parfois, des chiens passaient et, s’il faisait assez sombre, je leur lançais des croûtes de pain ou de la couenne de lard. Une chance. Mais le plus grand bonheur, c’était quand un autre enfant de la rue avait reçu la même punition que moi. Souvent, son assiette était remplie d’un plat que j’appréciais, et il en était de même avec mon repas. Avec un peu d’habileté, nous parvenions à échanger nos assiettes à travers la rue. Ces soirs-là, aucun de nous deux ne devait aller se coucher le ventre vide.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Katharina Bendixen : Beaucoup de choses – en quelques mots, peut-être un fort sentiment de communion que je ressens dans les moments de lecture ou (plus rarement) d’écriture.

Que signifient les cafés pour toi ?
KB :  Des lieux de rencontre où je peux également ressentir un lien fort avec la bonne personne au bon moment.

Pourquoi as-tu choisi le Museumscafé Goetz ?
KB : Parce qu’à Leipzig, c’est l’un des très rares lieux publics où la présence d’enfants ne fait pas lever les yeux au ciel. Parce qu’il se trouve à la distance parfaite de notre appartement pour un tour de vélo le dimanche après-midi. Parce qu’il y a des livres pour enfants, des jouets et plein de jeux. Parce que le café, les gâteaux et les biscuits sont délicieux. Et parce que personne ne trouve problématique que le jus de fruit se renverse.

Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
KB : Écrire, lire. Cuisiner, faire du pain, des gâteaux. Écouter des podcasts. Déposer les enfants quelque part ou aller les chercher. Aller en vélo avec les enfants jusqu’au lac et espérer qu’ils jouent à deux dans l’eau peu profonde quelques minutes et sans se disputer. Si ça ne marche pas (c’est-à-dire presque toujours), m’asseoir dans l’eau et jouer avec eux jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus de rire.

 

BIO

Née en 1981 à Leipzig, Katharina Bendixen écrit des livres pour enfants (Loewe), adolescents (Mixtvision) et adultes (poetenladen). Ses textes ont reçu de nombreux prix et bourses, notamment le prix Kranichsteiner Literaturförderpreis (2014), la bourse Heinrich-Heine-Stipendium (2017) et une bourse de travail du Deutscher Literaturfonds (2020/21). Son dernier roman pour la jeunesse, Taras Augen (2022), a reçu le prix Lesekompass de la Foire du livre de Leipzig et le Klima-Buchtipp de l’Académie allemande de littérature pour l’enfance et la jeunesse. Sur le blog Other Writers Need to Concentrate (www.other-writers.de) elle s’engage pour une meilleure conciliation de l’écriture et du travail du care et pour une activité littéraire favorable aux familles. Elle est membre du conseil d’administration du Sächsischer Literaturrat e.V. et membre du PEN-Zentrum Deutschland.

 

Blog Entropy, Barbara Rieger, Alain Barbero, Marcelo Lapuente Mahl, Café A, Paris

Linn Schiffmann | Wohnzimmer Cafebar, Dortmund

Photo : Alain Barbero | Texte : Linn Schiffmann | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

L’hôte étranger

Il a emménagé alors que les poules n’avaient plus que trois semaines à vivre. C’était la première fois que nous nous rencontrions et bien qu’il parlait de lui en riant, je ne l’aimais pas.
« Je le trouve sympa », me dit mon amie après avoir échangé cinq mots avec lui. 
Le chien, lui, l’appréciait. Je crois, du moins. Mais peut-être que je ne devrais pas trop parler au nom de mon animal. Il est possible que le chien ait juste des manières plus raffinées que moi. Après tout, ce n’est pas un chat. 

La dernière semaine que les poules avaient à vivre débuta. J’espérais que ce serait aussi la dernière semaine de cet invité chez nous.
Ce qui m’irritait tant chez lui, je ne pouvais le saisir que vaguement. Nous parlions la même langue. Mais nos combinaisons de mots avaient-elles la même signification ? J’ai remarqué qu’il posait certes des questions, mais ne percevait pas les réponses. 

Quand il partit, les poules avaient encore cinq jours à vivre. 
Il m’a serré dans ses bras et m’a remerciée. J’ai attendu devant la maison jusqu’à ce qu’il disparaisse sur son vélo. Le soulagement s’est alors répandu en moi.

Ce n’est que lorsque les poules ont fini en bouillon que j’ai remarqué qu’il n’avait jamais mis les pieds dans le jardin.

 


Interview de l’auteure

 

Que signifie la littérature pour toi ? 
Linn Schiffmann : Par la lecture et l’écriture, j’ai la possibilité de m’extraire de l’espace et du présent. Mais je peux aussi m’enfoncer dans la littérature et y creuser un nouveau système de tunnels qui m’aide à mieux nous comprendre, nous les humains. 

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
LS : Idéalement, un café est pour moi un lieu où les conversations peuvent circuler plus librement. Un lieu qui a suffisamment de pouvoir d’attraction pour nous retenir sur les coussins pendant quelques heures et qui nous donne en même temps la liberté de partager nos pensées sans crainte.

Pourquoi as-tu choisi le Wohnzimmer Cafebar ?
LS : J’associe ce café à quelques bons souvenirs de mon adolescence et à mon amie de l’époque, avec qui je me retrouvais souvent là-bas. Depuis, le café a quelque peu changé. Mais je trouve que c’est toujours un endroit plein de charme. 

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
LS : Je passe beaucoup de temps devant mon clavier. En ce moment, je travaille sur trois manuscrits. De temps en temps, j’ai aussi des commandes de grues en origami et je passe une matinée à plier du papier. Depuis début 2021, je publie également mon podcast WORTWISCHER sur la littérature et le monde littéraire. Pour cela, je suis toujours à la recherche d’auteurs et de maisons d’édition intéressants de la région de la Ruhr.

 

BIO

Née le vendredi 13 juillet 1990 à Dortmund, Linn Schiffmann écrit de la prose et parfois de la poésie. Elle plie l’art à partir de papier et crée tout ce qui lui plaît.
Depuis 2020, Linn est membre de la LiteraturRaumDortmundRuhr et depuis 2021, elle publie chaque mois un épisode du WORTWISCHER, podcast sur la littérature et le monde littéraire avec un accent sur la région de la Ruhr.
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