Archive d’étiquettes pour : Kaffehaus

Reinhard | Kleines Café, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

A la vue de ta photo, l’intemporalité comme oubliée, s’ouvre une bouteille presque d’elle même. Tu portes les habits de guerre dans le musée du monde et tu ne viens pas seul pour boire un verre avec nous et chasser le cours de l’histoire. Sous la méfiance des hommes au travail, à travers mille occasions, avec un premier, un deuxième, puis un troisième et d’autres encore. Toute cette expérience accumulée, pourtant ton regard nous ramène des années en arrière.

Beate Steininger | Peter’s Operncafé, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Beate Steininger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Le premier violon de l’adagio effleura doucement son oreille et toucha sa mélancolie.
« Je suis la réponse », dit la viole, à voix basse pincée, juste pour elle. Et lorsque le violoncelle, d’abord seul, puis accompagné, brisa, avec exigence, cette douceur chimérique, elle voulut retenir chaque son, enlacer chaque instrument qui lui redonnait l’espoir de rester ici. Le quintette s’est tu, lentement, voluptueusement et furtivement, et la mélodie planait encore timidement dans les airs, lorsqu’elle partit en laissant son cœur derrière elle.

Alberto & Alex | Café Rathaus, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Elle connaît les lieux authentiques et sait comment les gens du coin vivent, où ils jouent, dansent, comment ils fonctionnent. Il est ici pour la première fois, raffole des schnitzel. Elle connaît le thé et son effet, elle sent qu’il est particulier. Et la plupart du temps, elle a raison. Elle entend les autres demander s’il est unique, et rit. Ils boivent de la bière, rencontrent des amis, qui leur redemandent : « Dans quelle ville voulez-vous vivre ensemble ? » Elle ne sait pas. En attendant, Vienne est à mi-chemin.

Ulrike Willam-Kinz | Café Nil, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Ulrike Willam-Kinz | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Se montre, se cache
Surgit, disparaît
Se blottit, s’échappe

Des lampes émettent des messages secrets
Des pensées flânent à travers le labyrinthe
Recherchent des atmosphères
S’attardent, se faufilent

Des fauteuils attendent

 


Interview de l’auteure

Qu’aimes-tu écrire ?
Ulrike Willam-Kinz : Jouer avec la poésie des mots. Au niveau professionnel j’aime écrire des interviews et des reportages. Le travail de recherche documentaire est toujours un voyage captivant.

Ecris-tu parfois au café ?
UWK : Rarement, mais ça m’arrive. Le calepin et le crayon sont de merveilleux compagnons, quand je suis seule quelque part.

Pourquoi as-tu choisi le café Nil ?
UWK : Au café Nil je me sens comme dans un pays lointain. J’aime le vert tilleul des murs, les grandes fenêtres, les lampes orientales et les miroirs. Ils ont quelque chose d’énigmatique.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
UWK : Je passe la majeure partie de mon temps à ma “tour de contrôle”, mon ordi au bureau. C’est là que j’écris des textes pour mes clients, que je suis en contact avec beaucoup de personnes différentes, et que j’organise diverses choses.

Stephanie | Café Florianihof, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Par hasard nous sommes assis côte à côte, une fille avec f et moi, par hasard nous sommes allongés dans la même chambre, une femme avec ph et moi, je l’ai trouvée digne de confiance. Elle avait l’air satisfaite, d’une manière qui me faisait honte. Généreuse face à la vie, comme seuls les plus forts peuvent se le permettre.
Pleine de sagesse, dit A. et je sais ce qu’il veut dire. Comme une madone, ajoute A., comme une mère et son nouveau-né. Il la voit rire entourée de nombreux enfants.
Je la vois se battre pour tant de personnes, et pendant un moment, je reste interdit : m’interdis de croire que c’est possible – impossible de souffrir avec elle – et qu’elle se bat aussi pour moi.

Lena | Café Central, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Au mauvais moment, au mauvais endroit,
La musique du piano couvre les déclics,
Au travers du temps, du monde, elle observe
Avec cette soif au fond des yeux.

Ni trop grands, ni trop petits,
Jamais non, toujours oui.

Avec un sourire indescriptible,
Elle respire et croque la vie,
Comme un tourbillon, elle la grignote
En quête d’un homme sachant cuisiner.

Barbara Rieger | Café Drechsler, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Une enseignante devient
Une écrivaine est
Une psychologue frappe
Une mère aime
Une antenne ressent
La fin qui s’éloigne
Perceptible
Le cœur sur le café
La créature sur le réseau
Être dans l’instant
Être humain sur le papier
Sur elle il imprime.

Eva | Café Westend, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Les zones de transit regorgent de tout
Elle choisit des figures étranges
Seuls les ornements s’attardent
Une gare aspire
Les habitués
Depuis longtemps les horloges
n’avancent plus
Il reste dix ans pour prendre un train
À bord un homme en charentaises fait signe
A. regarde le foot avec le patron
Et demande : « Pourquoi ne choisis-tu pas toi-même ? »

Barbara Rieger | Café Drechsler, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Il demande : ce sont des vrais cils ? Et elle se dit : pourquoi pas ? Il s’ensuit une histoire, qui ne commence jamais, sans véritable raison, si ce n’est qu’il est marié et qu’elle passe ses derniers instants au bar.
Déjà elle laisse l’Amour derrière elle et se tourne vers la lumière, même si elle y voit combien le nez et chacun des pores grossissent à vue d’oeil. Elle brûle encore un peu de désir, tandis qu’il hurle d’effort, fait les comptes et finalement estime que la supercherie est réelle, ou tout comme.
Il cherche sa prochaine réplique tandis qu’elle rêve depuis longtemps d’autre chose, et avant même qu’il ne puisse dire un mot, elle quitte le bar pour laisser place à la première venue.

Eva & Barbara Rieger | Café Korb, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

« Madame », dit le serveur dans le 1er arrondissement à celle qui a des airs d’Ally Mc Beal et qui tient compagnie au peintre Attersee. Non loin, quelqu’un ressemble à un architecte, mais n’est en réalité qu’un agent immobilier. Comme décoration, une corbeille remplie de petits pains et dehors, la pluie transforme en caniches trempés celles qui portent des colliers de perles. Un premier orage, qui gronde que le monde change. Pourtant, inéluctablement, un scorpion pique la grenouille qui tente de le sauver des eaux. Et nous saupoudrons du sel sur les pommes du verger du voisin et du sucre sur les plaies, juste pour nous amuser. A. est fort comme un lion et ne dit mot, alors que ses yeux hurlent « Non ! ».