Archive d’étiquettes pour : Kaffehaus

Anna | Café Sperl, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

C’est au café des stars qu’elle travaille toute la nuit comme figurante, dans un film qui ne répond pas à ses exigences. Le matin au petit-déjeuner, elle apparait inaltérée comme un don trop précieux pour être livré aux rayons ardents du soleil. Avec précaution, A. la contemple et devine que dans un autre film, elle a le premier rôle.

Marianne Jungmaier | Café Westend, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Marianne Jungmaier | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

tu dis dein Französisch ist tadellos
mais la journée n’est pas encore terminée
et les hirondelles
vont regarder passer l’été
et on dira aux enfants
le mois de mai a été pluvieux
où étais tu
lorsque la pleine lune a disparu

lorsqu’on t’a appelé
mais sans imaginer
que les ombres ont besoin d’être soutenues
le temps
que ton nom
tu ne saches plus

Jürgen | Café Jelinek, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Elle demande pourquoi
aveuglée,
troublée par le déclic.
La vérité
est sans intérêt.
Tout commencement
sans apprêt.
Chaque cache
une digue, qui un jour ou l’autre lâche.
La vie
un fleuve, sortant de son lit.
Elle sourit
démunie.

Martin | Café Stadtbahn, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Il pense à sa vie, aux amours, au monde, à cet homme qui boit assis dans un coin. Il boit 21 bières, sans verre, sans amis, sans joie. Il boit à en être gris, il broie du noir, et seul le serveur sait qui il est et comment il s’appelle. Une fois, il s’est levé sans prévenir, a décroché la guitare du mur et s’est mis à jouer une chanson sur les nuages et la vie sans soucis. Tous ont repris en chœur, cette chanson qu’ils connaissaient si bien. Et il continue de le suivre du regard, bien qu’il sache qu’il est perdu.

Stephanie & Ramin | Café Tirolerhof, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Ceux qui nous sont proches
nous sont si éloignés,
tel un enfant, un serveur, du caviar
attirés, pourtant si éloignés
cadavres au Sud et au Nord
rire, pardonner et assassiner,
aimer à l’Est et à l’Ouest
pleurer, oublier et dîner,
aimer le meilleur
aimer à l’Est et à l’Ouest
ceux qui nous sont proches.

Barbara Rieger | Café Kafka, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Si je connais le café Kafka ? Voilà ce que me demande A. Bien sur que je connais ce lieu, dans lequel tu cours à perdre haleine pour finalement revenir à la case départ, tel un cafard trop grand, gisant impuissant sur le dos et condamné à perpétuité sans en connaître la raison. Une bière, un café et une cigarette avec toi, et je tourne le dos au coté kafkaïen de la vie. Mes meilleurs amis planifient leur bonheur familial mais je ne regarde pas en arrière, mais autour de moi : l’une s’est fait réduire l’estomac, même si on ne peut pas dire qu’elle soit grosse. Un autre demande aux filles de la table voisine de l’aider à programmer son mobile. Un troisième, qui semble être là depuis toujours, me regarde le regard vide. Je sais que le désordre ne diminuera jamais.

Bernhard | Café Schwarzenberg, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger  | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Son monde à lui est doux
propre, immaculé et obéissant,
sans solitude.

Les problèmes s’éloignent hors de portée
joyeux, purs et sanglants,
tout est paré.

Son amie est un cupcake
ses cheveux gambadent
sucrés, blonds et foisonnants.

Son costume est comme la vie
la vie comme une bande dessinée,
il n’y a qu’en noir et blanc que le rose est gris.

Hannelore & Anna | Café Frauenhuber, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

A. est nerveux
il les avait imaginées venant de la campagne
pourtant elles marchent par monts et par vaux
et ne campent pas toujours au bois de Boulogne.
Elles posent les questions et savent,
connaissent les chemins et portent,
à Vienne, Graz et Paris,
l’image d’une fermière
la peluche sur la table posée sans vie
le regard rarement en arrière :
Toujours spirituelles,
jusqu’au bout en vie,
et encore un texte
qui ne fait pas rire.
Il n’a pas l’occasion de demander
qui elles sont en réalité.

Lissi & Barbara Rieger | Café Malipop, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

À cette table, dans ce village, dans cette ville, sur cette île, dans ce monde-là règnent travail, amour, fièvre et une image. Là, toute norme ignore les critères, la nuit jette au jour sa lumière, le refus et le consentement vont de pair. Dans cette vie, cette imploration, cette aspiration et cette transition, comme une pâte fait maison ou un Strudel aux pommes brûlé, froid à l’extérieur chaud à l’intérieur, connaissant sa douceur et sachant la dissimuler.

Lissi | Café Malipop, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Barbara Rieger | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Les femmes de la ville
fuient le village
se glissent
au rythme de la nuit
se baignent nues
dans les caves de la Terre
et dansent.
Aux battements du temps
avec Vienne, La Havanne, Paris
marteaux-piqueurs, solitude
d’une échappée hors du pays
fuite à la campagne.
Elles rêvent
d’une image
qui ne cesse
de s’effriter
encore et encore.