Archive d’étiquettes pour : Alain Barbero

Olessja Bessmeltsewa | Knigi i Kofe, Saint-Pétersbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Olessja Bessmeltsewa | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Marc de café pronominal

un “je”
voulait écrire
et recherchait
un “tu”
un “pour toi”
un “vers toi”
“nous”
prend la parole
entre “moi” et “toi”
une feuille
papier
blanc
sur la table
se trouve
cet écrit
(un bureau)
et au lieu de
“toi”
je vois :
il
se déroule
et se déverse
au-delà du coin de table
sur la nappe
noir
un marc de café
un poème
un rôle
un escalier roulant :
ses marches
les lignes
et lettres
dans une course
sans but
sans point
sans arrêt
Toi
.
Voulez-vous encore un café?


 

Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Olessja Bessmeltsewa : Pour moi, la littérature n’est pas le résultat d’un process, mais le process en tant que tel. Une écriture créative : c’est là une signification majeure : en tant que (auto)réflexion, (auto)critique, (auto)ironie. Une sorte de thérapie ou un jeu d’esprit. Tout dans le process, dans le mouvement : jamais une description de pensées figées – car cela devient solennel, artificiel et vraiment ennuyeux. C’est là que surgit une estrade du sol, que quelqu’un occupe dans la seconde pour prendre une pose intelligente et enseigner LA vérité à la foule. Mais je considère pour ma part qu’on n’a pas besoin de génie, que toute personne qui sait parler est également en capacité d’écrire de manière créative. Tout le monde peut produire de la littérature (tout en en consommant). La littérature n’en perd pas pour autant de sa valeur, mais devient un élément vital, en tant que (auto)réflexion, (auto)critique, (auto)ironie, ce dont tout un chacun a besoin.

Que représente le café pour toi ?
OB : C’est un lieu de travail exceptionnel. Que j’écrive à titre personnel ou professionnel, c’est là que s’enchaînent les mots avec fluidité sur l’écran de mon ordinateur. Sans doute parce que l’atmosphère est plus détendue qu’au travail ou dans la rue. On reste concentré, attentif et moins négligeant qu’à la maison. Et effectivement, il y a de plus en plus de monde autour de soi. Des gens à observer, à admirer ou à apostropher. Et l’homme est une créature sociale, il ne faut jamais l’oublier, et surtout pas en tant qu’écrivain, car sinon on écrit de manière naïve et monologuante. Le seul point négatif du café, c’est qu’il est payant.

Pourquoi avoir choisi le café Knigi ?
OB : C’est un lieu très distrayant et à taille humaine. Les salles sont petites et intimes. On peut toujours changer de cadre, ce qui relance l’écriture. Il n’y a pas de musique qui perturbe, mais l’on peut entendre au loin les concerts, les présentations de films ou les conférences. Bien caché, loin de l’excitation de la rue Nevski, et pourtant central : toutes les caractéristiques pour attirer les étudiants bohèmes (précieux sujets d’observation). Et si tout cela n’apporte pas une aide suffisante pour décanter ses pensées, alors on peut se plonger dans une carte originale avec beaucoup de thés et quelques spécialités comme la soupe de potiron avec café.

Que fais-tu quand tu n’es pas dans un café ?
OB : Parcourir la ville, attraper des pensées, retenir des pensées, rencontrer des gens, éviter des gens, élaborer des projets, réaliser des projets, se perdre dans les projets, se confronter à des problèmes et les résoudre, parler à des gens, partager le silence avec des gens, s’endormir dans le train et le bus, ne jamais dormir assez, rester des heures et des heures devant l’ordinateur, ne jamais déconnecter, respirer, ne jamais expirer, avoir faim —-> retourner enfin au café !

Que fais-tu dans les cafés ?
OB : Écrire des textes comme celui-ci pour le blog Entropy ;-)

Juliana Kaminskaja | Café Podpisnye Isdanija, Saint-Pétersbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Juliana Kaminskaja | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Légèrement pomponnée quittant la rue bruyante en équilibre sur les talons aiguilles pour rentrer.
Dans un lieu respirant entièrement le calme. Entourée de lectures par milliers et de lecteurs, qui lapent leurs livres allongés avec un café.
Les deux camps désordonnés ont l’air doublement dangereux, probablement du fait de leur double tendance à engloutir.
Le goût amer de l’expresso se mélange à l’odeur des pages fraîchement imprimées. Les deux peuvent être inhalés. Quelques bouffées.
Des vers dans toutes les langues tournent inlassablement dans les têtes apprêtées. Carrousel.
Mais les yeux maquillés sont encore ouverts. Où suis-je ?
Ah quel beau corps. Oh mon bel Augustin…

 

Original

Разрядившись в пух и прах, покачиваясь на каблуках – далеко не уйти.
Неожиданно для себя, но решительно поворачиваю и попадаю в окружение, лишь на первый взгляд – мирное. Кольцом обступают книги, стройность их рядов местами нарушают угнездившиеся среди полок букинисты. Они потягивают тексты, слегка разбавленные кофе, временами прихлёбывая.
Книги поглощают внимание людей, люди внимательно поглощают книги. Странным образом – все остаются живы.
Горьковатый вкус эспрессо смешивается с запахом типографской краски и свежих страниц. Приятная ингаляция.
Еще несколько вдохов – и стихотворные строчки на разных языках уже завертелись в моей старательно взлохмаченной голове. Крутится карусель.
А глаза с вечно неровными стрелками все еще широко раскрыты. Где я?
Погребальный шик, похоронный блеск. Ах, мой милый Августин…

 


Interview de l’auteure

Tu es scientifique et traductrice. Que signifie la langue pour toi ?
Juliana Kaminskaja : La langue est une sorte de matière, fluide et en constante évolution, qui me constitue, une sorte de fusion des langues que je maîtrise en grande partie. Il n’y a pas que les langues parlées ou écrites, mais aussi toutes sortes de systèmes constitués de signes. Cette matière me permet de faire des représentations toujours différentes de moi-même et d’autres éléments. Je communique ainsi avec d’autres êtres vivants et d’autres textes de personnes que je ne connais pas et qui sont peut-être aussi décédées depuis longtemps. Excusez moi pour ces banalités. Les caractéristiques de la langue nous unissent tous, mais sont vécues de manières différentes, ce que je trouve passionnant. Ce qui m’intéresse particulièrement, ce sont les situations dans lesquelles la langue est en échec, atteint ses limites, n’arrive plus à exprimer ce que l’on veut dire. Cela fait scintiller des zones proches très importantes.

Que représentent les cafés pour toi ?
JK : Les cafés représentent pour moi une possibilité de fuir le stress du quotidien et d’avoir des beaux échanges. Avec moi-même et avec mes proches, auxquels je tiens beaucoup. Malheureusement, je ne m’autorise ces plaisirs que trop rarement, mais avec beaucoup de plaisir. Par ailleurs, la culture des cafés est pour moi liée à mes souvenirs de Vienne, aux merveilleux moments passés là-bas et à mes amis viennois.

Pourquoi as-tu choisi ce café?
JK : J’aime le café Podpisnye Isdanija, car il n’est pas seulement un café, mais une ancienne et belle librairie, où l’on peut aussi boire un café. Cela réunit en un lieu deux activités que j’aime beaucoup. Le lieu est lui aussi idéal. Cette partie de la perspective Litejnyj a toujours été un endroit de prédilection pour ceux qui aiment les livres, car il y a toujours eu des beaux magasins vendant des livres anciens. En recherchant des trésors, on rencontrait des amis, on discutait des dernières lectures, on montrait avec fierté les trésors dénichés. Et on pouvait aller boire un petit café dans le coin. Cette tradition était également importante du temps de l’Union Soviétique. Les grandes maisons d’édition ont imprimé en grandes quantités les dernières nouveautés, mais ce n’était pas toujours le plus intéressant. On cherchait alors des éditions anciennes et on rencontrait des amis et pairs, une entraide très appréciée. De nos jours, on achète les anciennes éditions plutôt sur Internet, sans pouvoir toucher les pages, ce que je trouve dommage. D’un autre côté, il y a également beaucoup plus d’œuvres diverses imprimées, ce qui répond aux divers intérêts de lecteurs. De ce fait, on est moins dépendant des anciens livres. Il y a également une grande production sur le Net. Mais heureusement, la tradition des discussions entre amis de la littérature est toujours vivante. Elle est associée au café ou thé que l’on boit ensemble. C’est pour cela qu’il y a souvent une telle association dans les librairies. C’est particulièrement important à une époque où l’on raconte beaucoup de choses sans intérêt dans la sphère publique.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café?
JK : Quand je suis seule dans une librairie-café, j’essaie d’assimiler mes impressions, je feuillette des livres que je n’ai pas encore achetés, j’imagine tous ceux que je pourrais acheter si j’avais enfin plus d’étagères dans mon appartement… Souvent je rencontre des amis, alors on discute un peu de nos dernières lectures ou d’autres choses. De très beaux moments, un réel plaisir de les avoir !

Boris Konstriktor & Boris Kipnis | Café Rubinstein, Saint-Pétersbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Boris Konstriktor |  Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

planning

privilégier :
au trésor
la désespérance

éteindre :
la cigarette
des émotions

aller :
sous la douche dissonante
de la mort

courir :
dans le désert
de sa propre
désolation

 

Original

режим дня

предпочесть
самому дорогому
безнадёжность

затушить
сигарету
эмоций

принять
контрастный душ
смерти

бегать трусцой
в пустыне
собственной
опустошённости


Interview avec les artistes

Sylvie Barbero-Vibet : Que signifie la littérature pour vous ?
Boris Konstriktor : La littérature, c’est la vie. Les poèmes viennent tout seul. La prose est un travail.

SBV : Que représente la musique pour vous ?
BKO : Notre duo signifie lutte à deux. C’est comme une sorte de sport. Mais nous ne luttons pas l’un contre l’autre. C’est le théâtre des deux Boris, le théâtre “DvoeBor’e”. Nous sommes un théâtre à nous deux, en quelque sorte.

SBV : Et au commencement d’une création du théâtre “DvoeBor’e” y a-t-il d’abord la littérature ou la musique ?
Boris Kipnis : Au début, il y a le texte. Enfin, le texte existe déjà. Il (Boris Konstriktor) ne compose pas de poésie spécialement pour ces représentations. Avant de commencer, nous décidons ensemble du choix du texte. Lorsque nous créons une telle composition, je choisis des passages et j’en raie des passages. Je sélectionne ce qui va me permettre de créer une certaine composition musicale. C’est ainsi que nous parvenons à une version finale.
Nous pensons que notre théâtre “DvoeBor’e” est une nouvelle forme artistique. Nous l’appelons la double vibration. Nous mêlons voix et musique, avec différentes tonalités, en utilisant le violon, mais pas seulement.

SBV : Avec quelles tonalités, quelles musiques travaillez-vous exactement ?
BKI : La plupart du temps, avec un violon, mais cela peut varier. Parfois, nous créons des compositions avec des sons, que j’enregistre spécialement. J’utilise parfois aussi la musique d’autres compositeurs, comme celle de Stockhausen ou encore Bach, Chopin. Je peux tout utiliser, mais je trouve que ça vient comme ça, la musique est une sorte d’histoire en parallèle. Et parfois elle joue le rôle d’accompagnement : j’illustre ou je complète un texte, mais souvent, ce sont deux chemins différents qui évoluent en parallèle

SBV : Boris Kipnis, comment êtes-vous venu à la musique et à la littérature ?
BKI : En principe, je suis un musicien classique, violoniste. Mais j’aime bien improviser, du jazz notamment et de la musique romane. Dans mon enfance, je lisais beaucoup. J’ai appris à aimer la littérature. En rencontrant Boris, j’ai pu réunir ces deux passions : celle pour la littérature et celle pour la musique.
Dans cette collaboration avec Boris je peux intégrer ma passion, mon amour et ma compétence pour la musique non seulement en jouant du violon, mais aussi en utilisant toute sorte de sons que je compose moi-même. Je réutilise beaucoup des sons créés avec Boris dans d’autres oeuvres, dans des pièces de théâtre par exemple.

SBV : Boris Konstriktor, comment êtes-vous venu à la littérature ?
BKO : Par désespoir. En Union Soviétique, tout était morne, rien ne changeait. La vie était terriblement ennuyeuse. Un jour, j’ai atterri dans une rue à Saint-Petersbourg du nom de Malaia Sadovaia. C’est là que se réunissaient des bohémiens, des gens qui s’intéressaient à l’art, des artistes, des philosophes, des poètes. Dans cet univers je me devais de faire quelque chose. Je suis arrivé là-bas à force d’ennui, et je devais produire quelque chose car sinon, je n’aurais pas été au bon endroit. Et c’est comme cela que j’ai commencé à dessiner, sans avoir aucune formation artistique. Ensuite, j’ai composé de la poésie, puis de la prose. J’ai écrit une trilogie “Fin de la citation”.

SBV : Avez-vous collaboré avec d’autres artistes que Boris ?
BKO : En principe, je travaille seul, mais j’ai eu des coopérations. J’ai illustré certains poèmes d’autres poètes. Je me dois ici aussi de parler du Transfurisme. C’était une sorte de mouvement artistique underground en Russie. Il y a eu une exposition au Puschkinskaia 10 avec un catalogue. Il y avait quatre artistes dans ce groupe, quatre transfuristes : Ry Nikonova, Sergei Sigei, Anik et moi. Je suis le dernier survivant, tous les autres sont morts.

SBV : Depuis quand travaillez-vous ensemble avec Boris ?
BKO : Environ une vingtaine d’années.

SBV : Travaillez-vous aussi avec des artistes internationaux ?
BKO : Parfois oui. Pas aussi souvent qu’on le souhaiterait. Nous avons été plusieurs fois en Allemagne, à Cologne et Berlin. Pas en France. Ni à Vienne d’ailleurs.
Quand j’étais plus jeune, j’ai vécu quelques mois en Allemagne. Là-bas, j’ai composé un poème en allemand. Voici son histoire : j’ai cassé mes lunettes et j’avais donc besoin d’une nouvelle paire. Je suis allé chez l’opticien en lui disant qu’elle ne devait pas être chère. Il m’a vendu une paire rose, pour les enfants. Lorsque j’ai commandé des lunettes pour adulte, j’ai dû payer 500 Marks. Cela a fait une forte impression sur moi et sur le chemin du retour, je passais par une petite colline à travers la forêt. Et c’est là qu’est né le poème suivant :

Nouvelles lunettes

aujourd’hui, j’ai de nouveaux yeux
aujourd’hui, je n’ai pas de questions
aujourd’hui je ne souhaite affirmer qu’une seule chose
je vois mieux ma mort

BIO

Boris Konstriktor
Né en 1950 à Saint-Petersbourg. C’est là qu’il travaille en tant que graphiste freelance, peintre et homme de lettres. Au début des années 70 ses diverses performances non officielles l’ont fait connaître comme l’un des leaders de la scène underground de la poésie. Depuis 1990, il a participé à des expositions internationales, avec notamment pour thématique la poésie expérimentale en Russie, Allemagne et Etats-Unis. Il a publié de nombreux recueils de poésie et écrit dans des revues et anthologies.

Boris Kipnis
Violoniste, compositeur, auteur et essayiste. Il a réalisé des concerts en solo (musique classique) en Russie et dans d’autres pays, et a joué en tant que violoniste au sein de divers orchestres russes et internationaux. En 1991, il a fondé un duo avec Boris Konstriktor. Ils se sont produits de nombreuses fois à Saint-Petersbourg, Moscou et dans diverses villes en Allemagne avec leur spectacle créé en 2003 “DvoeBor’e”, c’est à dire le théâtre des deux Boris.

 


Anastasia Grokhovskaya | Café Botanika, Saint-Pétersbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Anastasia Grokhovskaya | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

La forêt protégée du vent
Par nombre de plantes et de porte-manteaux,
Tintement de cuillère, mots, voix, raclement de chaises Thonet
Mélangés au sifflement de la machine à café,
Vue sur l’église au travers du rideau de dentelle
Dans le miroir,
Senteurs de l’Est à la rencontre du café,
Parfum, et pesamment.

 


Interview de l’auteure

Quel rôle joue la littérature pour toi ?
Nastja: La littérature joue un rôle très particulier dans ma vie. Elle est très importante pour moi et elle m’aide à élargir mon horizon et à regarder plus loin. C’est une belle clé pour comprendre l’histoire et la culture, la psychologie et la sociologie. Et un lien spécial avec les beaux arts et les œuvres de mes artistes préférés, qui ont également beaucoup lu et émis de nombreuses réflexions sur la littérature, comme Philipp Otto Runge, Caspar David Friedrich, Angelika Kauffmann und Käthe Kollwitz.

Que représentent les cafés pour toi ?
N : Il n’y a pas de cafés à St-Petersbourg comme on peut en trouver à Vienne en Autriche. La plupart du temps, ce sont des cafés simples, qui ont fleuri au début des années 2000. A l’époque j’allais encore à l’école et le café était un endroit où je pouvais me retrouver avec mes amis pour discuter. Et on avait l’impression d’être déjà des adultes ! Aujourd’hui, je rencontre mes amis, j’y travaille ou je ne fais tout simplement rien.

Pourquoi as-tu choisi le café Botanika ?
N : Le café a déjà 10 ans et représente une belle oasis pour les végétariens au cœur de St-Petersbourg. On y trouve un mélange intéressant de diverses cultures, de l’Inde ancestrale jusqu’à l’Inde moderne qui se retrouve ici. Et ce n’est pas seulement un endroit où l’on peut manger, mais aussi un lieu d’exposition pour l’art moderne.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
N : Je dirige un centre d’initiative culturel CULTURA, que nous avons fondé avec des collègues il y a 3 ans. CULTURA organise des événements publics liés aux différents arts. Et j’aime beaucoup lire et faire de la poterie.

Sergei Kovalsky | Puschkinskaja 10, Saint-Pétersbourg

Photo : Alain Barbero | Texte : Sergei Kovalsky | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Pas de version française disponible

 

Original

Александру Лоцману

В начале третьего тысячелетия,
в очередной раз поменяв царя и веру
на берегу всё той же Леты
смотрю на бессмысленное отражение
проходящего войска
по проходным дворам на площадь.
Там широкое место,
где можно себя показать,
готовыми на столько же лет
слепого пути по задворкам.
Вот вздымают в приветствии руки
салютуют себе
– больше некому
и я, в едином порыве со всеми, выдыхаю
Даёшь!
Кто осудит толпу.

Сгрудившись вокруг столов,
кулаками сметая пустые бутылки,
материмся и орём: ссволл-ги-рррыба!!
– «с Волги рыба» ругался мой дед.
Каждому два раза по сотке на грудь
и пива по шесть оборотов и:
Созрели яблоки в саду у дяди Саши
– звучит на бивуаке посреди брусчатки,
а он не сеет, а он не пашет,
а он руками и ногами только машет.
Смешная песня мечется нелепо –
семь сорок хороводы и гопак
Василий Теркин…
С рассветом наступила тишина
костры загашены.
Мертвецки пьяно спит войско
путь для побега наконец открыт!

 


BIO

Voyageur, artiste, poète

Né à Leningrad en 1948, il s’est lancé dans les années 60 dans la peinture et la littérature. Depuis 1969, il contribue au développement du “méta-élémentarisme” dans l’art visuel comme transformation du son en couleur par la technique du contrecollage. En 1978, il publie des poèmes dans la revue samizdat « Golos » n°7 sous le pseudonyme S. Kanin, et poursuit dans la années 80 dans les revues « Tchasy » et « Mitin Journal». Editeur des recueils sur l’art non-officiel de Leningrad : « Galerie I et II » et « Document ». Depuis 1981, il est co-organisateur de la communauté des Beaux Arts Expérimentaux. Dans le même temps, il explore une deuxième facette de son art : l’art folk social. Auteur du concept « PARALLELOSPHERE » – le centre culturel « Puchkinskaia 10 » en tant qu’objet cinétique de l’art moderne se reproduisant et se développant de manière autonome. Co-fondateur de la communauté « Culture Libre » en 1991 (qu’il dirige depuis 1994) et du Musée de l’Art Anticonformiste (1998). Depuis 2006, il publie de la poésie visuelle et d’autres œuvres dans les revues « AKT » (St Petersbourg) et « Tchernowik » (New York) ainsi que dans l’  « Anthologie de la Poésie Contemporaine du centre Puchkinskaia 10 ».

Auteur de chroniques dans la veine de l’art anticonformiste et de textes racontant leur histoire dans les propres livres qu’il a publiés : « Puchkinskaia 10 Fondation pour la Culture Libre » (1998), « De la chute au vol. Art indépendant de Leningrad / St Petersbourg au cours de la 2nde moitié du 20e siècle » (2006), « De Leningrad à St Petersbourg. Communauté des Beaux Arts Expérimentaux. Art non-officiel 1981-1991 » (2007), « Centre culturel Puchkinskaia 10 –PARALLELOSPHERE. 1989-2009 » (2009). Depuis 2005, il est éditeur de la revue Samizdat «PARALLELOSPHERE ».

Co-Auteur des œuvres : « Un polylogue de la poésie visuelle » (2010), « Alphabet de l’Art » (2011),« Almanach artistico-littéraire de Pskov » (N°1, 2014), « Literi ЧЕ » (2018), « Sreda » (n°3, 2018). En 2011, il publie son livre sur la poésie visuelle « Dictionnaire coloré du trans-arc-en-ciel, et en 2018, son deuxième livre « Parallelo Farbxte ».

Romina Pleschko | Café Jelinek, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Romina Pleschko | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

J’ai déjà vu assez de cadavres d’oiseaux, dans le passé, j’aimais bien récupérer les bébés oiseaux dans leur nid et les élever seule courageusement. Ils sont tous morts, ils étaient encore transparents, on pouvait même voir leur digestion à travers leur corps chétif rose. Honteuse, j’ai arrêté tous mes efforts pour être une bonne maman oiseau, et n’ai jamais raconté à personne qu’ils n’étaient pas tombés du nid, mais que c’était moi qui les avais conduits à la mort.

Pendant des années, j’ai attendu de voir si j’allais devenir une meurtrière en série, mais pour ce pan de ma personnalité je peux vous rassurer Docteur. C’est juste que ce halo de dépérissement ne m’a jamais vraiment quittée, comme vous pouvez le constater.

(Extrait de „Kurzprosa“, 2017)

 


Interview de l’auteure

Pourquoi écris-tu ?
Romina Pleschko : Aucune idée. Il y a probablement un peu de toutes les raisons qui poussent quelqu’un à écrire, à des doses variées.
C’est à l’écrit que je m’exprime le mieux, c’est aussi une sorte de pression, de tout convertir en lettres. Je suis d’avis, naïf, qu’il n’y a rien qu’on ne puisse décrire. Tout est une question de lettres.

Pourquoi vas-tu au café ?
RP : En fait, je ne vais au café que pour y rencontrer des gens ou pour y boire un café, très rarement pour y écrire. J’ai besoin de calme pour travailler. Mais comme je suis très dépendante de la caféine et que je connais plein de gens sympas, on peut me trouver souvent au café.

Pourquoi as-tu choisi le Café Jelinek ?
RP : Parce que j’habite au coin et qu’en plus de l’excellent café, on y trouve aussi un poêle à bois. J’aime ces vieux poêles et à chaque fois, je rêve de l’emporter chez moi.

Catrin M. Hassa | Café Museum, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte :  Catrin M. Hassa | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

Postphilofétichisme sapiosexuel ubiquitaire

Solitude apprêtée
& le regard qui
trouve place dans le moindre recoin
utilise chaque lambeau de notre corps
[& l’intelligence somatique
de la peau de lait ignorant la procrastination]

(extrait de “in der herztaille”, Löcker, printemps 2018)

 


Interview de l’auteure

Pourquoi écris-tu ?
Catrin M. Hassa : Une sorte de besoin irrépressible en moi ? « La littérature est une pelle avec laquelle je me replante » (je ne sais plus trop si c’est une citation de Peter Bichsel ou de Martin Walser). Bien entendu, il ne s’agit pas (et cela ne devrait jamais être le cas) de « tourner autour de son nombril », mais une vie sans cette pelle ne me semblerait pas désirable. C’est une sorte de concrétion interne : tu vis des choses et certaines expériences se déposent en toi, s’accrochent et se transforment… et peut-être aident à toute petite échelle à dépoussiérer l’image de la poésie.

Pourquoi vas-tu au café ?
C.M.H : J’en ai besoin en tant que bureau extérieur. Je travaille essentiellement dans les cafés, c’est ce que j’ai constaté dernièrement. J’ai visiblement besoin de ce décor qui permet de vivre et d’être assaillie de sentiments suscités par des images ou des mots, de se laisser impressionner par des sons, des bruits de fond, ou des impressions mises en évidence dans un endroit public, quand on pense à quel point les gens se comportent comme dans leur vie privée. Attablé au café, on peut être dans son coin ou sur scène. Et c’est que j’apprécie particulièrement.

Pourquoi as-tu choisi le CaféMuseum ?
C.M.H : J’aime beaucoup Loos. Mais j’aime aussi les surnoms du Museum : ” Bar des sécessionnistes” ou “Café du nihilisme”.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
C.M.H : Hummm, alors je passe du temps avec des gens qui me sont chers, je vis de nouvelles expériences, je bouge un peu plus que d’habitude ou je recharge complètement mes batteries en dormant beaucoup.

Lichtspiel Kino & Kultursalon, Bamberg

Présentation du livre et du film „Melange der Poesie“ & Exposition photos
avec Barbara Rieger & Alain Barbero, et la cinéaste Cäcilia Then

 

 

© Photos : Der Kultursalon · Das Rote Sofa – Arnaud Wadoux – AB

Georg Renöckl | Café Z, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Georg Renöckl | Traduction : Georg Renöckl

 

La fin de l’après-guerre

Quand ils furent tous partis ou morts – les généreux, les nouveaux-riches, les gaspilleurs –, il fallut adapter la déco. Marteler le stuc des façades devenues soudainement trop somptueuses, baisser la hauteur sous plafond, rétrécir l’espace trop vaste. Convivialité rustique en formica, typiquement viennoise, dorénavant. Au moins ce n’est pas devenu une banque. Et tout-à-coup – seulement vingt ans après qu’on aurait pu croire – tout changea.

Comme toujours quand on désencombre et aère, ceux qui ne savent pas distinguer la crasse de la patine se mirent à râler : La délicieuse odeur de renfermé…!

Les autres, maintenant, mangent des crêpes.

 


Interview de l’auteur

Pourquoi écris-tu ?
Georg Renöckl : Parce que je ne peux pas passer tout mon temps à lire. Parce qu’autrement mes pensées commencent à me taper sur le système. Parce que j’ai arrêté de dessiner depuis longtemps.

Pourquoi vas-tu au café ?
GR : Aller au café (à Vienne) implique avoir du temps. Moi j’ai trois enfants. Pour aller au café je dois donc surmonter ma mauvaise conscience, mais après c’est comme un moment hors du temps. Je devrais essayer.

Pourquoi as-tu choisi le Café Z ?
GR : Ce café a été l’une de mes plus belles découvertes quand j’arpentais les rues de Vienne pour mon livre « Wien abseits der Pfade » (Vienne en dehors des sentiers battus). Les crêpes et les gâteaux sont délicieux, Christa Ziegelböck choisit les ingrédients et les recettes avec soin, et on voit les collines du Wienerberg depuis l’entrée du café.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
GR : Cuisiner, raconter des histoires le soir aux enfants, rêver d’aller au café.

 

 

 

 

Martin Peichl | Café Dezentral, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Martin Peichl | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet

 

(approche manquée)

Un décompte griffonné dans le recueil Abschiede de Mayröcker. 4 bières. Une soirée au Dezentral. Toi, quelque part sous la pluie. Sur ma liste des choses à faire, « lire La Ronde », juste en-dessous « écrire La Ronde ». Alors l’un de tes cheveux glisse dans ma dernière gorgée, mais ce n’est que mon imagination.

J’écris une nouvelle liste avec les adieux imaginaires et réels, juste à côté du décompte. 4 bières, 2 Averna Sour. Sur un sous-bock je note (avec ton écriture) : c’est fou d’écrire un roman. Une soirée au Dezentral. Toi, pleuvant dans le sas d’entrée.