« Schönes Café », que l’on pourrait traduire par « Joli Café », ne porte pas un nom facile. À la fois une affirmation et un défi grammatical. On se retrouve au café Joli Café ou au joli Café ? Mais après tout, il peut bien le porter ce nom, car il tient sa promesse. Je suis contente que ce café existait déjà dans les années 2000, lorsque je cherchais pour la première fois dans le coin un endroit sympa pour prendre le café du dimanche avec une amie. Qu’il était encore là dans les années 2010, quand je voulais faire une petite pause dans mon quotidien familial, me faire plaisir. Et qu’il était toujours là dans les années 2020, quand j’étais à la recherche de mon café préféré à Berlin, proche de mon travail de toujours, dans les rues de Berlin où je me sens le plus chez moi, même si je n’y habite plus. À Uppsala, je saurais quel café choisir, sans hésitation : l’Årummet, à l’angle avec la rivière, avec ses profonds fauteuils d’un autre temps et son choix grandiose de gâteaux.
Au Schönes Café, l’accent est dorénavant mis sur le déjeuner, à l’heure où l’on sert des plats du jour de cuisine fusion faite maison. De la soul food, pourrait-on dire. En général, le petit espace est empli d’ondes positives. Un style sobre et confortable sans être trop cool. Joli, tout simplement – bois laqué de couleur, murs crépis de blanc, petits vases avec des fleurs coupées, presque scandinave façon allemande.
Interview de l’auteure
Que peut la littérature ?
Eva Brunner : Hum, vaste sujet. Beaucoup, même s’il y a pas mal de gens pour qui elle ne signifie rien, ce que je considère aussi parfois comme une manière de voir tout à fait salutaire pour ne pas tout prendre trop au sérieux. Je trouve bien qu’il y ait toute sorte de littérature et que chacun puisse lire ce qui lui plaît. Par exemple, lorsque les adultes lisent aussi pour eux-mêmes des livres pour enfants ou pour la jeunesse. La littérature peut être une bonne expérience très personnelle, déclencher un dialogue intérieur, donner de nouvelles idées, alimenter les rêves, relier à d’autres lieux ou époques. Et la littérature peut être un bon sujet de conversation, une manière d’échanger personnellement sans parler directement de soi.
Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
EB : Les cafés sont pour moi des pauses particulières, une manière consciente de prendre le temps ou de passer le temps en se concentrant sur le café et les bons petits plats.
Où te sens-tu chez toi ?
EB : L’endroit où je me sens le plus chez moi est là où se trouve mon lit. Et aussi dans tous les endroits où j’ai vécu, ou là où vit ma famille.
BIO
Née en 1980 à Siegen, Eva Brunner vit à Uppsala et travaille dans une agence de communication berlinoise. Elle a fait une thèse de doctorat sur la « poésie confessionnelle » et publie régulièrement des textes littéraires depuis 2010. En 2019, son premier recueil de poésie Achtung, die Naht a été publié chez parsitenpresse. Cet hiver, un deuxième volume paraîtra chez le même éditeur. Également disponible, le petit livre de poésie Die Mandarinenorakel, en collaboration avec Elke Cremer et des illustrations de Yayo Kawamura (GE59, 2021).
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/EvaBrunner-SchoenesCafe-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2023-11-26 09:00:512023-11-24 12:10:25Eva Brunner | Schönes Café, Berlin
Jule se demande bien à quoi ressemblent Nathanja et Heinrich. Existent-iels seulement ? La question l’effleure sans pour autant la préoccuper tout à fait. Depuis le temps qu’elle vient ici, elle aurait pu interroger l’un des barmans. Pour être honnête, Jule l’a certainement déjà fait, une fois encore qu’elle était raide à chier et que sa mémoire baignant dans l’alcool avait abdiqué, arrêtant d’enregistrer de nouvelles informations jusqu’à nouvel ordre.
Impossible de se souvenir quand il n’y a pas de souvenirs.
Assise sur une banquette adossée aux baies vitrées, Jule tripote nerveusement l’élastique de son carnet en observant les mouvements experts derrière le comptoir.
Jule buvait et ne boit plus.
Et depuis, toute la gravité de son addiction et de ses conséquences ne cessent de la heurter, sans crier gare. Pourtant, elle ne peut s’empêcher d’avoir envie de boire le cocktail que la barmaid est en train de préparer. Jule ferme les yeux. Elle exhume dans sa mémoire sensorielle le goût du Gin Basil, la feuille de basilic qui chatouille le nez, l’odeur franche et acidulée du gin et du citron, le froid vif du caillou glacé qui trône au milieu du verre à whisky. La promesse du goût, de la fraîcheur et de l’ivresse, l’équilibre si parfait qu’elle sent à peine l’alcool, le premier verre si bon et si traître qu’il en appelle un autre puis encore un et finit par rameuter tous ses potes. Jule réprime une moue, le goût du trop lui revient, l’élocution qui se fait la malle en même temps que les neurones, la décence et la pudeur. Elle rouvre les yeux. La convocation a fait effet, l’envie est passée.
Interview de l’auteure
Que peut faire la littérature ?
Jade Samson-Kermarrec : Beaucoup de choses, elle est plurielle. Elle peut tout autant servir d’échappatoire que d’exutoire. Plus qu’une fenêtre sur un univers ou une incursion dans un autre endroit, je crois que la littérature peut opérer de profonds bouleversements à l’intérieur de soi comme à l’extérieur. J’aime l’idée de la littérature comme un mouvement, une onde qui naît à l’intérieur pour ensuite se propager. J’aime qu’elle puisse convoquer tous les paradoxes, c’est ce qui, à mes yeux, la rend complexe, totale et surtout infinie.
Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
JSK : Parisienne, j’ai connu la culture du café en tant que lieu de sociabilisation dès mon adolescence. “Prendre un café” faisait partie du quotidien. A Berlin, les cafés sont différents, plus hybrides, moins calibrés. Quoi qu’il en soit, j’ai toujours associé les cafés à l’expérience humaine, l’observation des client.e.s ou des passant.e.s, la gestuelle des barmans.maids et des serveur.euses. J’aime l’anonymat pas tout à fait anonyme qui y règne, j’aime cet entre-deux, la possibilité d’être spectatrice du manège humain sans pour autant s’en retirer complètement. Un café (dans le sens du lieu et toutes les déclinaisons qui en existent), c’est une mine d’or.
Où te sens-tu chez toi ?
JSK : Ça, c’est une question qui peut occuper toute une vie. J’ai posé les pieds à Berlin pour la première fois en 2003, j’avais 16 ans et je me suis immédiatement sentie à la maison alors que je comprenais vraiment pas grand chose à ce qu’on me racontait. Ça a été comme une évidence et depuis, je ne me suis jamais départie de ce sentiment d’être ici “aussi” à la maison. Je me suis donc retrouvée avec plusieurs “chez moi”, un luxe qui peut quand même avoir l’inconvénient de ne se sentir vraiment complète nulle part. Ceci dit, Berlin, c’est chez moi, c’est la maison, c’est là où je peux être moi.
BIO
Jade Samson-Kermarrec est née à Paris en 1987 et vit à Berlin depuis 2013. En 2018, elle fonde la compagnie de théâtre franco-allemande Theater im Nu et en 2022 le festival de théâtre Le Lampenfieber. Elle rejoint le réseau des autrices de Berlin en 2021 et contribue activement aux différentes initiatives du réseau (Hôtel des Autrices, Calendrier de l’Avent, La CoLec…).
Écrire dans un café. Regarder par la fenêtre les vélos, le tram, les promeneurs à poussette ou à chien. Entendre les crachats du percolateur et la musique douce de l’après-midi. Sentir dans l’air la vapeur agrume d’un thé Oolong. N’être pourtant qu’à moitié là, l’esprit buissonnant à l’intersection de la sensation et du verbe. S’accouder à la table du souvenir, puis observer au fond d’une tasse l’avenir frétillant à la lisière des possibles. Arpenter d’autres mondes pas encore tout à fait nés qu’un Wissen Sie schon ? peut engloutir à tout moment.
Interview de l’auteure
Que peut faire la littérature ?
Maud Ruget : Je me suis longtemps méfiée des pouvoirs prêtés à la littérature. J’ai envie de croire qu’un livre peut changer le monde. Parfois, je doute. Et je pense que c’est très bien comme ça. Il faut se sentir un peu impuissante, sinon à quoi bon écrire ?
Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
MR : Aller travailler dans les cafés me force à sortir de mon antre. Je fais trente minutes de métro pour aller dans mes cafés favoris, des endroits gemütlich, et surtout lumineux, où j’ai pris mes marques à mon arrivée à Berlin. J’aime y observer les gens, retrouver les visages des quelques habitué.es et des serveur.euses. Ça me donne l’illusion d’une stabilité dans un quotidien en chantier permanent. Je n’y écris peut-être pas si bien que ça, mais les cafés ont le mérite de m’aérer l’esprit (et de servir des gâteaux, soyons honnête).
Où te sens-tu chez toi ?
MR : Berlin, wo sonst ? Parfois, la ville me fatigue, mais j’y reviens toujours en ayant la sensation d’être à la maison.
BIO
Née en 1990 à Dijon, Maud Ruget a bourlingué sur plusieurs continents avant de poser ses valises à Berlin en 2016. Son travail d’écriture est transdisciplinaire. Ses centres d’intérêt sont la poétique de la relation, l’éco-poétique, et l’écriture post-traumatique. Elle est la candidate de la France dans la catégorie littérature aux Jeux de la Francophonie 2023 avec sa nouvelle Maelstrom.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/MaudRuget-CafeButter-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2023-07-30 10:01:292023-07-30 10:13:38Maud Ruget | Café Butter, Berlin
Sombre, sombre est le ciel, tandis que le regard cherche la lumière, dehors, comme il avait trouvé, quelques minutes auparavant, les fleurs du printemps, les cupules de mars, les roses d’hiver, les crocus / passage furtif entrecoupe la lumière
Les affiches appartiennent pour moi à un temps révolu, couleur sépia, rouille, onduleux, les histoires, que j’aimerais voir dans ma réalité, la douleur évoquée que j’aimerais retrouver dans mon cœur, où il fait de plus en plus froid / le cœur a subi trop de fissures, mon cœur écrit en ces jours le mot nostalgie en lettres capitales
Ces jours, gris foncé comme la poussière recouvrant les projecteurs au plafond, ils ne donnent presque plus de lumière, décrochés, comme la façade de la rue d’en face, telle qu’elle était avant, lors de la chute du mur / j’ai lu, seuls les tramways donnaient de la lumière, incarnaient un peu du soleil
Décroché le voile du temps, le temps est devenu autre, pas pour un monde meilleur, il s’effondre face au moment présent, comme à chaque rencontre / j’ai été parmi ceux qui fuyaient, ceux qui cherchaient des réponses – quand part le train, lequel et quelle voie -, et leur valise, celle qu’ils pouvaient porter.
En buvant mon café, ma conscience me fait avaler de travers, je tousse, me racle la gorge, crache le temps présent hors de moi, je m’embrouille dans des mots que je n’ose pas prononcer / j’ose imaginer comment c’était à l’époque où l’Est et l’Ouest se rencontraient ici, dans le canapé pelucheux, je lisais, embrassée, se rapprochait ce qu’un mur séparait jusqu’alors
Gris, gris et sale est le temps, je m’en extirpe, du ciel, celui qui ici manque de bleu et d’espoir, je fais quelques pas, je lis sur le mur / ici, Delphine a pensée à Thomas
qui étaient ces gens qui, par amour, et si ce n’était pas par amour, par désir commun, qui étaient tous ces gens qui pensaient les uns aux autres, les uns avec les autres, ici, dans ces pièces sombres et obscures, ce que leur réservait l’avenir ?
Le mot avenir me glace jusqu’au plus profond de moi, je pense, qu’à force de voir du faux ciel, je ne vois plus cet avenir, ni pour d’autres dans la lumière / le regard continue toujours à chercher la lumière, à l’intérieur, à l’extérieur, comme auparavant il n’a juste rien trouvé.
Le néant décroché s’écrit de nos jours toujours plus en lettres capitales, s’écrit en lettres sombres, sombres, colore les roses d’hiver en noir
Interview de l’auteure
Que signifie la littérature pour toi ?
Isabella Feimer : La littérature est pour moi un lâcher-prise et un lien, un état de suspension ancré dans la terre ; une forme d’art qui, en tant que représentation du monde, peut le dessiner plus clairement qu’il ne l’est.
Que signifient les cafés pour toi ?
IF : Des lieux intermédiaires, de nombreuses voix, actuelles ou passées, qui peuvent s’associer à ma voix intérieure. Le présent et l’histoire se retrouvent dans les cafés, ainsi qu’un soupçon de quelque chose qui adviendra.
Pourquoi as-tu choisi le Café Cinema ?
IF : Dans l’atmosphère sombre et historique du Café Cinema, on retrouve ma passion pour le cinéma ; c’est un lieu magique qui ne s’intègre pas du tout dans son environnement et qui lui donne ainsi une certaine forme. Le Café Cinema est le théâtre de nombreuses histoires.
Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
IF : Me promener, bouger, respirer les fleurs du printemps, supporter le froid de l’hiver, etc. je suis souvent au cinéma, le cinéma est un lieu en opposition avec le café.
BIO
J’ai grandi dans une ville industrielle, ni tout à fait à la campagne, ni tout à fait en ville, j’ai eu très tôt envie de prendre le large, c’est comme ça quand on se trouve entre deux ; Escapisme artistique, d’abord le théâtre, puis la littérature, qui me voulait du bien (qu’elle soit ici remerciée).
Je suis une voyageuse, je voyage dans les textes, les actions et le fantastique, dans le monde ; je m’illustre moi-même, je laisse les images grandir par mes actes, et ma voix trouve sa place dans les images.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/IsabellaFeimer-CaféCinema-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-09-24 12:07:062022-09-24 12:10:30Isabella Feimer | Café Cinema, Berlin
Photo : Alain Barbero | Texte : Elisabeth R. Hager | Traduction : Sylvie Barbero-Vibet
Café Rainer ou
La naissance de l’auteur dans l’esprit du Melange
Depuis que j’ai de l’argent à dépenser, je suis attirée par les cafés. Mon premier, et toujours mon préféré, est le Café Rainer à St. Johann in Tirol. Un café sombre aux allures presque viennoises qui s’est miraculeusement égaré dans une station de ski du Tyrol. Tout comme je suis miraculeusement née moi – un être intellectuel aux longues antennes – dans une famille tyrolienne de paysans montagnards travailleurs. J’ai passé de nombreuses heures au Café Rainer lorsque j’étais lycéenne. Quand j’avais une heure de libre ou que j’en avais besoin d’une, je m’asseyais dans le coin le plus sombre. Je soufflais des ronds de fumée en direction des boiseries sombres, je buvais mon Melange et je rêvais du futur. Les après-midis, j’étais là avec des amis, je discutais, je riais ou je me disputais. Mais comme souvent dans la vie, le plus important se passait le soir. C’est à ce moment-là qu’il y avait une lecture, tous les mois plus ou moins régulièrement. De ma douzième à ma dix-huitième année, je n’ai pratiquement jamais manqué un événement. À l’époque, j’ai vu H. C. Artmann, Robert Schindel, Sabine Gruber, Robert Menasse, Evelyn Schlag. Ils m’apparaissaient comme des êtres sortis d’un rêve, des prémonitions de mon propre avenir, aux vagues contours. Aujourd’hui, à chaque fois que je suis à St. Johann avec ma famille, je vais au Café Rainer. Comme un saumon, je reviens sur le lieu de ma naissance spirituelle. Mon mari commande volontiers une omelette. Notre grande fille, la glace surprise. Et moi, je bois mon Melange et je me réjouis de voir à quel point le profane et le sacré s’entremêlent ici. Même s’il n’y a plus de lectures depuis longtemps, même si H. C. Artmann est mort depuis de nombreuses années et que presque personne ne fume plus sérieusement : le Café Rainer est toujours là. Et il est toujours plein d’avenir jusque sous les plafonds lambrissés.
Interview de l’auteure
Que signifie la littérature pour toi ?
Elisabeth R. Hager : C’est en écrivant et en lisant de la littérature que je me rapproche le plus de moi-même et du monde. La littérature est mon moyen de contact préféré, un lieu de consolation et de rencontre avec des amis encore inconnus…
Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
ERH : Ils sont des îlots de repos, des lieux de camping, des lieux de travail, des plateaux de présentation et des zones de flirt. A chaque table, d’autres lois s’appliquent. Le privé et le public s’y côtoient. Le café est leur zone d’immersion, un lieu de rencontre.
Pourquoi as-tu choisi le Fräulein Wild ?
ERH : Il y a l’endroit où je me trouve physiquement et – lorsque je suis seule – presque toujours un second lieu. Ce dernier, mon headspace, est habité par mes émotions. Fräulein Wild est un lieu où j’écris souvent. Les raisons sont profanes. Il se trouve à mi-chemin entre le jardin d’enfants de ma petite fille et notre maison. De plus, les fauteuils sont confortables, le café est bon et – I must admit – le nom me parle…
Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
ERH : Je respire, je danse, je lis
joue avec les mots
avec les enfants
ailleurs.
BIO
Elisabeth R. Hager est écrivaine, artiste sonore et collaboratrice du département de pièces radiophoniques de Deutschlandfunk Kultur. Elle a reçu de nombreuses distinctions pour son roman Fünf Tage im Mai, notamment la bourse littéraire Hilde Zach de la ville d’Innsbruck en 2018. Elle vit avec sa famille entre Berlin, le Tyrol et la Nouvelle-Zélande. Son troisième roman Der tanzende Berg paraîtra en août 2022 aux éditions Klett-Cotta.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/ElisabethHager-FräuleinWild-235_Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-07-30 11:56:122022-07-30 11:56:12Elisabeth R. Hager | Fräulein Wild, Berlin
Les sirènes des bombardements retentissent en permanence. Dans mon sommeil, au réveil, au travail, pendant les pauses cafés, dans les transports et à toutes mes heures perdues. La fin de la guerre, la capitulation et l’immense mer de culpabilité me collent à la peau. Je ne suis jamais seule, il y a toujours ces fantômes, ce poids qui appuie sur mes poumons, qui me serre la gorge, qui me coupe l’appétit, qui retourne mes boyaux, qui me fait frissonner. J’essaye de décrypter l’alphabet originel, déconstruire une parole si familière, en détecter les non-dits, les messages codés ; j’apprends une langue étrangère particulièrement difficile et ça sans aucune aide. Ce bruit assourdissant d’explosions n’est rien d’autre que la destruction de cette logorrhée infernale, de ces mots anesthésiants, de ces formulations creuses, de ces blagues qui n’ont que le nom. Je jette tout dans le broyeur pour ne récupérer que de tout petits bouts, des atomes que je peux ensuite assembler à ma guise et en toute liberté sans suivre le mode d’emploi familial. C’est l’année zéro de mon langage. Je vais réapprendre à parler, lire et écrire. Je me laisserai guider par mon ventre, ma bouche et mon sexe. La trinité corporelle pour seule boussole. Les nerfs comme chemin. Les pulsations du coeur comme moteur.
Interview de l’auteure
Que signifie la littérature pour toi ?
Cécile Calla : Un espace pour penser et comprendre le monde présent et passé, un lieu de liberté, de découverte et de grande discipline.
Que représentent pour toi les cafés ?
CC : Ce sont des lieux où je peux profiter de la solitude, des refuges pour écrire depuis que je suis mère. Là-bas je peux laisser mes pensées naviguer à leur guise. C’est souvent dans un café que j’arrive à débloquer un texte ou à trouver une bonne introduction.
Pourquoi as-tu choisi le « Lass uns Freunde Bleiben » ? CC : Parce qu’il est sans prétention, si typiquement berlinois avec son mobilier qui semble troqué dans une brocante, qu’il est situé à un croisement de rue. J’aime y aller tôt le matin quand il y a beaucoup de passage, des gens d’horizons et d’origines différentes: les gens du quartier bien sûr, des amis et des connaissances que je croise, mais aussi quelques touristes ou des ouvriers des chantiers voisins qui viennent se chercher un grand café.
Que fais-tu quand tu n’es pas dans les cafés ?
CC : Je travaille dans mon bureau situé dans une maison d’artistes.
BIO
Née en 1977 à Paris, Cécile Calla vit à Berlin en tant que journaliste indépendante et autrice. Elle écrit pour des médias francophones et germanophones et a publié sa première nouvelle dans le magazine littéraire Stadtsprachen en septembre 2020. Elle a créé le blog féministe Medusablätter, qui apporte un nouveau regard sur les débats féministes, et produit avec Barbara Peveling le podcast franco-allemand Meduse parle (Medusa spricht). Elle est membre du Réseau des Autrices francophones de Berlin. Elle a également été correspondante du quotidien Le Monde (2007 – 2010) et rédactrice en chef du magazine franco-allemand ParisBerlin (2012 – 2015).
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/CecileCalla-LassUnsFreundeBleiben-75_Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-07-02 11:46:232022-07-02 11:46:23Cécile Calla | Lass uns Freunde bleiben, Berlin
Photo : Alain Barbero | Texte : Delphine de Stoutz
Vous prenez rendez-vous à la station de tram de la Warschauer Straße, exactement à équidistance de vos deux appartements. Aucune prise de territoire de l’un ou l’autre côté, l’installation perfide d’une ligne de démarcation ne laissant rien supposer, le début d’une guerre des positions qui s’annonce longue et éprouvante, tu te dis en raccrochant.
Ton tram arrive quelques minutes avant le sien. La nuit est déjà bien installée malgré l’heure peu tardive. La brume hivernale s’engouffre sous le pont ferroviaire de cette gare d’échange. Pris dans le faisceau de lampadaires faiblards, ce voile blanc grise la nuit, lui donnant la texture d’un film de Fritz Lang. Les rails gémissent autour de toi leur plainte d’acier. Son tram arrive.
Une ombre dans la brume. Chaussures noires, pantalons noirs, manteau noir, gants et bonnets noirs, seuls quelques centimètres de peau l’empêchent de se faire avaler par l’obscurité. L’homme en noir, donc, s’approche de toi. Son pas n’est ni hésitant ni pressé. Un pas égal, mesuré, n’indiquant rien, un pas qui ne sert à rien sinon à se rapprocher de toi. La prochaine étape sera décisive.
Tu penses : Quelle distance va-t-il mettre entre nous deux ?
Mais il déjoue tous tes pronostics. Il te prend dans ses bras. Du haut de ses deux mètres, il te serre puis te soulève. Tes pieds quittent le sol et ton cœur fait une embardée. Les horloges s’arrêtent et tu rembobines l’histoire, t’abandonnant, pour ce qui te semble être la première fois, au don d’une rencontre.
Interview de l’auteure
Que veut dire pour toi la littérature ?
Delphine de Stoutz : Aucune idée. Je suis toujours en train de chercher. Ou plutôt c’est quelque chose qui est là et il suffit de se baisser pour la ramasser. D’ailleurs ne dit-on pas prendre la parole ou en allemand, se saisir des mots ? Donc la littérature est partout et c’est un choix personnel de la laisser faire partie de nous. Faire littérature, c’est autre chose. On descend au fond de la mine sans savoir ce qu’on y trouvera sinon qu’on en sortira autre. Cela demande à chaque fois un courage insensé.
Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
DdS : Pendant longtemps, ils ont été le lieu de l’écriture, de l’observation, un contact important avec le monde pour ne pas se laisser manger tout entier par le langage. Avec le Corona et leur fermeture, il a fallu trouver d’autres lieux. J’ai par exemple écrit un roman de 300 pages entièrement dans mes toilettes, seule pièce qui ferme à clef chez moi. Cette situation m’a obligé de me poser enfin la question du lieu d’où j’écris et j’en ai ramené la certitude que l’écriture n’est pas un acte solitaire. Je n’écris plus dans les cafés, je n’en ai plus besoin. J’y vais pour vivre le partage et l’amitié avec à chaque fois l’espoir de l’aventure.
Pourquoi as-tu choisi le Würgeengel, l’ange étranglé ?
DdS : Ce bar rappelle le Berlin des années folles. On se prend à être une autre ici. Des réminiscences de Marlene. L’aventure encore…
Que fais-tu lorsque tu n’es pas au café ?
DdS : Heureusement que je ne passe pas ma vie dans les bars ! Même s’ils ont toujours joué un rôle important dans ma vie : c’est dans un bar que j’ai rencontré mon mari,ai décidé de vivre à Berlin. Hors de ces lieux de perdition, je travaille beaucoup, m’occupe de ma famille, lis énormément et quand je quitte la ville, je me perds dans les bois ou cultive mon jardin !
BIO
Autrice, Delphine de Stoutz pendule entre les langues, les pays et les écritures. Après un long détour par le théâtre, elle se consacre à la littérature et publie un premier roman, Adult(r), en 2018. Récipiendaire d’une bourse du CNL en 2019, elle achève l’écriture d’un second roman et d’un scénario de bande dessinée. Elle fonde en 2020 le Réseau des Autrices et développe l’année suivante le programme de résidence numériques, l’Hôtel des Autrices. Elle vit depuis 2008 à Berlin.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/DelphineDeStouz-Würgeengel-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-05-21 12:27:072022-05-21 12:27:07Delphine de Stoutz | Würgeengel, Berlin
L’euphorie des dernières fêtes passées, il y a quelque chose de morne dans ces journées d’hiver qui filent les unes après les autres. Une platitude effrénée. Comme si la platitude avait une vitesse.
Chaque réveil d’octobre me rappelle ce désastre inévitable : tout ce dont nous avons joui l’été est éclipsé par des nuages, qui resteront. La saison des feuilles mortes reprend ses droits, l’obscurité précipite la noirceur des choses, alors je me réfugie dans l’imposture des gens heureux, à l’allure nonchalante des bohèmes qui foulent les rues pavées de Berlin, eux qui n’admettent pas que la belle saison ne dure pas éternellement.
Brume du petit matin, soleil à l’Est. Je me glisse à contre-cœur dans un épais collant noir. Je traverse la rue et m’élance d’un pas ample sur la terre meuble, le long du canal. Des kilomètres. Cette terre usée, son odeur. Un mélange de boue, de ville, de crachin d’automne et, surtout, de mille couches de feuilles. Une couleur végétale, une âpre douceur sans laquelle la ville ne serait que béton.
La course à pied m’offre un sentiment de liberté dément. Je vais partout. J’explore les régions oubliées de ma vie, je trie les pensées par confort. Flottantes, refoulées ou retrouvées, elles jaillissent à chaque coin de rue de Kreuzberg. C’est qu’on commence à bien se connaître, elles, eux, moi.
Après le pont et les vestiges d’un célèbre mur, je caresse un autre bras du canal, bordé de cerisiers et jonché de châtaignes creuses. Plongées dans une semi-quiétude, deux barques flanquées de drapeaux de pirates sont amarrées près d’un saule pleureur. Un paillasson de métal a été fabriqué avec des capsules de bières méthodiquement plantées dans la terre mouillée, qui dessinent une ancre. En passant, j’y plante un talon, l’enfonçant un peu plus dans le sol millénaire.
Interview de l’auteure
Que signifie la littérature pour toi ?
Mathilde Ramadier : La littérature pour moi est une nécessité, une présence au monde. J’ai certes choisi de faire de l’écriture mon métier, je me suis battue pour, mais je n’ai jamais choisi d’écrire. Sans la littérature, sans la lecture, je serais ôtée de toute capacité de sublimation, je serais probablement insupportable.
Que représentent pour toi les cafés ?
MR : Les cafés sont pour moi le premier lieu social, celui où, le temps d’un verre au comptoir, on peut repartir de zéro, rencontrer l’autre, quel qu’il soit. Je suis un oiseau de nuit. Un café, c’est la première chose que je créerais si je débarquais dans un village déserté.
Pourquoi as-tu choisi le bar Würgeengel ?
MR : Le Würgeengel est un bar mythique de Kreuzberg, où l’on peut déguster d’excellents cocktails. Son aura particulière, le comptoir en zinc, le velours rouge, mélange délicieux de mystère, de glamour et de désuétude en font un lieu de rencontre typiquement berlinois.
Que fais-tu quand tu n’es pas dans les cafés ?
MR : Quand je ne suis pas dans les cafés j’en bois un à la maison, j’écris, je lis, je travaille beaucoup, je regarde mes enfants grandir et nous partons de temps en temps vers la beauté méridionale.
BIO
Née en 1987 dans la Drôme, Mathilde Ramadier est autrice d’essais et de romans graphiques. Philosophe et psychanalyste de formation, elle a quitté Paris pour Berlin il y a dix ans. Ses livres sont publiés entre autres aux éditions Actes Sud, Futuropolis, Premier Parallèle, Dargaud et au Seuil. Elle est également traductrice de l’allemand et de l’anglais. Elle écrit pour Philonomist, nouveau média de Philosophie Magazine, produit des podcasts et donne des conférences de philosophie.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/MathildeRamadier-Würgeengel-280-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-05-07 11:35:172022-05-07 11:35:17Mathilde Ramadier | Würgeengel, Berlin
Je me tiens au feu piéton, attends avec les autres pour traverser tout en observant ceux qui m’entourent : la jeune femme agrippée à son chariot de courses et en conversation avec son amie, le jeune homme aux traits orientaux qui regarde son portable, jetant de temps à autre un coup d’œil au feu, l’homme élancé, dans son costume élégant avec sa sacoche noire en cuir qui secoue son poignet pour faire glisser sa montre de dessous sa chemise, quatre ou cinq jeunes avec leurs voix et rires bruyants ; on partage tous la même attente sans se plaindre du temps qui passe.
Je me souviens de la période suivant mon arrivée ici. Je traversais la rue ignorant le rouge ; pour nulle autre raison que le refus d’appartenir à cet endroit, j’enfreignais sa multitude de règles.
Traverser la rue était un petit test du déséquilibre dans la relation entre moi en tant qu’individu et la société dans laquelle je vis, entre le libre arbitre et la soumission à la loi commune. Dans ce moment de révolte, un petit acte scandaleux comme celui de traverser la rue en ignorant le feu ou de jeter négligemment un mégot de cigarette sur le sol était un acte de résistance inconscient face au sentiment croissant de perte d’identité et à l’effilochement de sa propre âme, de sorte que l’identification aux autres et à l’environnement devenait pesante, une épine qui s’enfonçait dans la blessure identitaire et aggravait encore plus ce maudit déséquilibre.
Le feu piéton ne nous a toujours pas donné l’autorisation !
Je me souviens d’une autre révolte dans un film peu exigeant, racontant l’histoire d’un prince maléfique qui obtenait tout ce qu’il voulait par la force et la coercition : l’argent et le pouvoir, les femmes et les enfants. Mais lorsqu’il tombe profondément amoureux d’une femme, il s’identifie à la nature humaine commune et souhaite être comme les autres, soumis aux lois de la société ; c’est ainsi qu’il demande à la femme son consentement pour l’épouser et lui donner des enfants légitimes, ce qui serait le sauf-conduit de son passage vers l’appartenance au groupe, à la nation, au peuple, et à ses lois et coutumes.
À l’apogée du film, lorsque la femme tente d’échapper au prince, sa mère, sorcière, s’approche et touche avec ses doigts le bas du dos de la femme et dit à son fils : « Prends-la maintenant contre son gré. Elle est en période d’ovulation et plus que jamais féconde et prête à accueillir une grossesse. »
Le feu est toujours rouge !
J’ai toujours été étonné de la capacité de certaines personnes à observer les petits détails de la nature et des êtres humains, leurs journées, leurs comportements et leurs actions ainsi que tous ces petits changements presque imperceptibles, comme si elles écoutaient pleinement le rythme caché de la vie ; et elles forment de ces sons et silences des sciences et des connaissances cosmiques à travers lesquelles elles décryptent le monde, les gens et une partie du futur, loin de la pseudoscience, de la théorie occulte « el-mandeb » et de l’alchimie.
Mon amie allemande lit dans les nuages et les vents et sait si ce nuage lointain va apporter de la pluie ou non, quand il sera là et combien de temps il va pleuvoir, le tout sans GPS ni Google weather ! Cette connaissance, elle l’a acquise à partir de sa longue observation des nuages et de la pluie dans sa petite ville.
Mon amie dit de son père : « Il a un œil qui ne se trompe pas, il connait le sexe du fœtus dans le ventre de la mère avant le verdict du médecin et de l’échographie. »
Il y avait dans mon village de Muhassan, au début du siècle dernier, un homme distingué, un guide qui connaissait Deir ez-Zor et tout le désert syrien ; il suffisait de lui décrire la couleur de la terre et la forme de ses arbres et rochers pour qu’il sache de quelle région il s’agit. Il lisait dans les étoiles et les vents au fil des saisons pour conduire les bergers vers leurs pâturages lointains, pour retrouver la trace des personnes et du bétail perdus, et les ramener à leurs familles. Il mourut au début des années cinquante et cette année porte depuis son nom en hommage (l’année de la mort de Ali Kusa). Par la suite, il n’y plus jamais eu quelqu’un comme lui.
Un court silence se produit, les deux amies arrêtent de parler et regardent ensemble le feu, l’homme élégant regarde sa montre toutes les deux secondes, l’homme aux traits orientaux laisse tomber sa main avec le téléphone le long de son corps et les adolescents sont silencieux et ont sorti leurs mains de leurs poches, lassés des bruits et de l’attente.
Je m’approche du bord du trottoir et mes pieds précèdent de quelques instants le changement de couleur du feu ; enfin j’avance parmi les passants qui ont retrouvé leur brouhaha et au milieu de la rue, je me souviens que j’ai rencontré – quand j’étais enfant – un de ces voyants qui m’avait annoncé une prophétie que je n’aimais pas à l’époque. J’ai décidé ce jour-là de travailler dur pour le décevoir et faire échouer sa prophétie. Au fil des ans, j’ai réussi, mais en avançant sur la bonne voie, j’ai, sans m’en apercevoir, déçu aussi d’autres personnes, d’autres femmes en particulier.
Original (arabe)
Interview de l’auteur
Que signifie la littérature pour toi ?
Assaf Alassaf : La littérature unilatérale a toujours été un moyen de donner un sens au monde qui m’entoure, le petit outil qui creuse dans les couches de la vie complexes et superposées pour les faire remonter à la surface sous forme de questions et d’idées pour la contemplation, l’analyse, le dialogue et la compréhension. C’est aussi une occasion d’échapper à la complexité contemporaine de notre vie et de ses pressions pour aller vers un espace en apparence sûr, mais dans lequel, à la fin, tout le danger réside.
Que représentent les cafés pour toi ?
AA : A dire vrai, j’ai une conception enfantine et rêveuse du café comme lieu alternatif à la maison même pour une courte période de la journée, un endroit qui permet à l’individu d’y trouver un petit coin qu’il meuble à sa guise, où il rencontre qui il veut et fait ce qu’il veut. Après de nombreuses expériences et des visites de cafés de différents pays, une idée semble me tirer la langue, exprimant son sarcasme à propos de moi et de ma perception : vous passez dans un endroit que seuls les passants fréquentent.
Pourquoi as-tu choisi le Café Eckkneipe?
AA : Si la pandémie a fermé le monde et nous a enfermés chez nous, avec distanciations sociales et réunions zoom, elle a aussi, malheureusement, fermé définitivement le café où j’allais à Kreuzberg. J’ai donc choisi l’alternative la plus proche autour de moi : c’était le Café Eckkneipe.
Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
AA : J’ai de nombreuses tâches et responsabilités liées à ma vie : pour mon travail, ma famille et d’autres qui me sont importants au quotidien. Et je pratique le volley, trois fois par semaine, ce qui en fait une activité placée plutôt en tête de mes occupations.
BIO
Né en 1976 à Deir ez-Zor en Syrie, Assaf Alassaf a suivi des études d’odontologie à Damas. Conciliant son métier de dentiste à plein temps avec son activité de journaliste, il publie depuis 2007 de nombreux articles dans des quotidiens arabes comme Al Hayat et Al Mustakbal. En 2013, il quitte Damas pour Nouakchott en Mauritanie pour y travailler en tant que dentiste et part en 2014 pour Beyrouth, où il exerce dans un centre médical pour les réfugiés syriens. Il vit aujourd’hui à Berlin, marié et père de deux filles. Sur Facebook, Assaf Alassaf écrit depuis 2013 des anecdotes littéraires sur la révolution et la guerre dans son pays, sur son séjour en Mauritanie, sur sa vie au Liban et sur le cabinet dentaire. Des posts et des histoires sur « Abu Jürgen, l’ambassadeur allemand », ont été écrits entre novembre 2014 et février 2015 et publiés en 2015 sous le titre Abu Jürgen. Ma vie avec l’ambassadeur allemand (roman) aux éditions mikrotext, traduction de Sandra Hetzl . Début janvier 2016, il a obtenu une bourse dans la cadre du « Literarisches Colloquium Berlin », et de mai à juillet 2016, il a résidé au château de Solitude.
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/AssafAlassaf-Eckkneipe-Post.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2022-04-09 08:48:552022-04-09 10:05:53Assaf Alassaf | Eckkneipe, Berlin
Le Café Strauss à Kreuzberg, où j’ai passé tant de temps, me semble incroyablement lointain, maintenant que je vis à Tel Aviv-Jaffa depuis quelques mois. Comme si Berlin était à des années-lumière et, avec elle, le monde littéraire germanophone. Puis-je maintenant m’affranchir des attentes, à commencer par les miennes ? Se réinventer à l’étranger, c’est une sorte de dicton, de mensonge. Et pourtant, chaque lieu, chaque rencontre, et par là même, notre propre écriture et lecture du monde, nous transforment. Dans le quartier où je vis maintenant, il y a un petit café qui est aussi une librairie, la carte relativement courte est en hébreu, en arabe et en anglais. La nouvelle langue que j’apprends lentement va de droite à gauche, à l’encontre de mon sens de lecture habituel. Le nouvel environnement, mon quotidien, les gens que je rencontre, tout fonctionne à contre-courant de mes habitudes et de mes attentes, alors que je pensais ne presque pas en avoir. Je suis assise à une petite table, je fais tourner dans ma main la tasse de café noir dans le sens des aiguilles d’une montre, la ville bruisse autour de moi, son rythme alternant entre agitation et indolence. Dans le café de Kreuzberg, il y a probablement des feuilles mortes, l’odeur de l’hiver et les cloches sonnent pour la prière de midi. Ici, l’hiver a une autre odeur et pourtant on le sent, il y a le son des cloches tout comme l’appel du muezzin. Je sais encore peu de choses, presque rien. Il y a les livres dans le café, ils pourraient être un élément de réponse. Ici comme là-bas, il y a la réflexion, la prise de notes, les impressions. Chez moi, je mettrai tout au propre.
Interview de l’auteure
Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
SG : Un lieu pour voir et penser. Un lieu de rencontre et de solitude commune. Un point de départ.
Pourquoi as-tu choisi le Café Strauss ?
SG : Ce sera toujours pour moi un lieu très central à Berlin. J’ai vécu là à proximité. Quelques rencontres majeures y sont liées. Même cet hiver-là, avec mon nouveau-né dans le porte-bébé, j’y suis allée tous les jours. Je faisais remplir mon gobelet de café avant de me promener longuement dans le cimetière voisin – car il n’était alors pas question de m’arrêter.
Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
SG : Tout le reste. Ce que la vie, mon enfant, ma famille, mes ami(e)s et mon travail exigent de moi.
BIO
Née en 1976 à Vienne, Sandra Gugić a publié son premier roman Astronauten en 2015 aux éditions C.H. Beck et fut récompensée par le prix Reinhard Priessnitz. En 2019, débuts dans la poésieavec Protokolle der Gegenwart aux éditions Verlagshaus Berlin. Elle organise et conçoit des manifestations. Elle est cofondatrice du collectif d’auteur(e)s contre la droite Nazis und Goldmund et du collectif sur le thème du travail de soin vs le travail artistique Writing with Care / Rage. En 2019, elle reçoit la bourse du Sénat de Berlin et la bourse Heinrich Heine. En 2020 paraît son deuxième roman Zorn und Stille chez Hoffmann und Campe. En 2021, elle reçoit le Prix culturel de Basse-Autriche pour la littérature. sandragugic.com
https://c.entropy.at/wp-content/uploads/SandraGugic-CaféStrauss.jpg9601440Alain Barberohttps://c.entropy.at/wp-content/uploads/entropy-logo.pngAlain Barbero2021-12-18 13:36:292021-12-18 13:37:44Sandra Gugić | Café Strauss, Berlin
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