Archive d’étiquettes pour : Alain Barbero

Andras Foldvari | Café Gerbeaud, Budapest

Photo : Alain Barbero | Texte : Andras Foldvari | Traduction (du hongrois) : Christian Szabo

 

Je n’avais pas encore 21 ans lorsque j’ai trouvé un emploi dans le département tourisme d’une compagnie aérienne hongroise, qui avait à l’époque son siège dans un bâtiment situé au cœur de ma ville, dans un immeuble de la place Vörösmarty.
Il n’y avait pas de salle de réunion, donc si nous devions avoir un meeting, nous allions au merveilleux café sur la place, célèbre pour sa machine à café en porcelaine Herend.
Si quelqu’un appelait pour moi, on lui disait qu’Andras était dans la salle de réunion.
Les rencontres ici ont eu beaucoup plus de succès que si nous les avions tenues dans les salles grises du bâtiment.

 

Original (hongrois)

Még 21 éves sem voltam amikor a magyar légitársaság idegenforgalmi osztályán kaptam állást, melynek akkori központja városom szívében egy lakóházból kialakított épületben volt a Vörösmarty téren.
Nem volt kialakított tárgyaló terem, így ha megbeszélést kellett tartani inkább a téren levő csodálatos – herendi porcelán kávéfőző gépéről híres – kávézóba mentünk. 
Ha bárki keresett csak azt mondták András a tárgyalóban van.
Sokkal sikeresebbek is voltak az itt folytatott tárgyalások mintha azokat az épület szürke szobáiban tartottuk volna.

 


Interview de l’auteur

Pourquoi les voyages ?
Andras Foldvari : Le voyage est une mission pour moi !
Aller dans des pays aux cultures étrangères, connaître le quotidien des gens qui y vivent est pour moi une expérience rafraîchissante, regarder derrière les rideaux, se rapprocher des trésors cachés, qu’ils soient dans un musée ou sur l’étagère d’un appartement.
Je suis un citadin. J’accorde plus d’importance à l’environnement créé par les hommes, aux beaux bâtiments ou aux lieux de culte qu’à la beauté de la nature. Qu’il s’agisse d’un monticule de pierre tibétain ou d’une cathédrale africaine monstrueuse.
Voyager, c’est toujours découvrir quelque chose de nouveau, ce qui donne plus d’énergie pour de nouvelles expériences.

Que représentent pour toi les cafés ?
AF : Les cafés et les maisons de thé sont des sanctuaires de la culture urbaine. De nombreux événements de l’histoire hongroise sont liés aux cafés et de nombreux artistes ont créé des chefs-d’œuvre dans des cafés.
Selon la légende, les clés du New York Café de Pest ont été jetées dans le Danube par des habitués, afin qu’il soit toujours ouvert pour la création de chefs-d’œuvre.

Où te sens-tu chez toi ?
AF : Je suis un peu cosmopolite, peut-être pas aussi attaché à ma maison que la plupart des gens.
J’ai commencé à écrire mon premier livre sur la terrasse d’un petit bungalow dans les îles Salomon.
Le fabuleux décor de bord de mer a inspiré mes histoires urbaines de l’époque.
J’ai ensuite poursuivi dans un studio en Malaisie et terminé à l’ombre de la cathédrale de Malaga.

 

BIO

Andràs Foldvari est né en 1952. Il commence à voyager dès l’adolescence. Amoureux des langues il étudie le tourisme et le marketing, puis travaille dans quatre compagnies aériennes et un tour-opérateur, ce qui le conduit à visiter près de 900 aéroports dans 205 pays du monde.
Il écrit son premier livre autour des 80 meilleurs récits de ses voyages, livre qui connaît un énorme succès en Hongrie. L’éditeur devra le réimprimer cinq fois. Son deuxième livre a moins de succès, mais reste populaire.
Bien qu’en retraite depuis 2018, il continue de découvrir de nouveaux endroits, comme récemment Sainte-Hélène. Il rassemble ainsi de la matière, pour peut-être un nouveau volume de la trilogie.

Philippe Lafitte | Grand Central, Bruxelles

Photo : Alain Barbero | Texte : Philippe Lafitte

 

J’ai choisi ce café pour sa taille incongrue, une belle hauteur sous plafond que j’avais aperçu en passant devant en voiture. Et puis mon café habituel est bien trop miteux pour faire l’objet d’un reportage-photo. Retour à ce troquet de carrefour, délimitant deux lieux différents, comme sait si bien le faire Bruxelles : le vieux parc Léopold et le quartier d’affaires européen. L’aventure du regard sur un espace nouveau, c’est déjà les prémisses de l’écriture.
Je suis arrivé à pied, priant intérieurement pour un lieu à la musique douce, ce qui tient lieu d’utopie, en ville : je rêve d’un café où la musique serait classique et les clients silencieux. Ici c’est plutôt l’immersion dans une ère post-industrielle, savant mélange de poutres de béton, de lampes en métal et de tabourets de récupération. Pas grand monde à cette heure. Quelques cadres sirotent quand même avec mélancolie une bière entre deux réunions. Dans le fond, trois-quatre clients éméchés rient bruyamment en renversant un verre : des lobbyistes fêtant leur victoire ?
Je ne vois pas tout de suite le photographe mais j’apprendrais à découvrir Alain, à le détailler même, concentré derrière l’obturateur de son Leica. Une fébrilité souriante, des photos en rafale, quelques indications, quel sera le résultat final ?
Peut-être ce moment magique qu’il a évoqué juste avant, quand le modèle se fatigue puis se relâche enfin. Quand il donne le plus vrai de lui-même, au moment où les barrières de la pose s’affaissent. Alain m’attend et me sourit et, avant d’entamer les choses sérieuses, nous commandons un espresso qu’il faudra scanner sur un code-barre qui transmet ses ordres directement au comptoir. O tempora, o mores.  La prochaine fois, nous irons prendre un verre au vieux café de la place Jourdan où j’ai mes habitudes. Aujourd’hui c’est l’occasion, peut-être plus romanesque, de faire l’expérience de la nouveauté mais en double : la rencontre du lieu et du photographe.

 


Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ?
Philippe Lafitte : Continuer d’être un mystère et une révélation. Une source infinie d’interrogations, de curiosité et d’univers singuliers : je parle ici de mes sœurs et frères en écriture. Chacun m’ouvre à sa manière son monde, et renforce ma sensation d’exister. Écrire et lire, c’est vivre mille vies.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
PL : C’est l’importance de l’inconnu avant de pousser la porte. De plonger dans une atmosphère, qu’elle soit cool, énergique ou même ennuyeuse. Des endroits où se réfugier quand il est impossible d’écrire, qu’on veut transcender sa solitude : être seul au milieu de la foule. Mais les cafés sont avant tout des plages d’observation, de prises de notes, rarement d’écriture au long cours.

Où te sens-tu chez toi ?
PL : Dans mon bureau, bien sûr, le lieu le plus important pour cette activité d’écriture qui continue de m’impressionner après 20 ans de pratique. Mais passer de café en café au hasard de mes pas, découvrir un quartier nouveau, une rue inconnue, est un rituel que j’observe avec un plaisir renouvelé depuis que je vis à Bruxelles. Les cafés bruxellois étant aussi nombreux que les bières belges, j’ai encore de la marge !

 

BIO

Philippe Lafitte est l’auteur de plusieurs romans notamment Étranger au paradis (Buchet/Chastel), Celle qui s’enfuyait (Grasset) et Vies d’Andy (Le Serpent à Plumes) dont il prépare l’adaptation avec le réalisateur Laurent Herbiet. Paru au Mercure de France, Périphéries est son septième roman, qui traite du prix à payer pour son émancipation sociale. L’auteur vit désormais à Bruxelles où il prépare son huitième ouvrage.

Marlene Gölz | Café Vogl, Eferding

Photo : Alain Barbero | Texte :  Marlene Gölz | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Parfois, le banc en bois vermoulu et recouvert de lichen sous le tilleul était occupé par les jeunes du village, mais pas ce jour-là, Karo avait de la chance. Elle plaça le banc en direction du nord-ouest, effleura les lettres gravées sur le dossier, s’assit, ouvrit la canette de bière et eut un bref instant le sentiment de bien faire les choses. “Je n’ai pas besoin de la mer”, dit-elle, en regardant vers la vallée, à Nobody, assis à côté d’elle. À l’horizon, un groupe d’arbres semblait en feu, combat du soleil contre son coucher. Des traînées orangées traversaient la lumière étincelante et se mêlaient à des nuages bleutés qu’elle pensait pouvoir arracher du ciel comme de la barbe à papa. Comme pour vérifier ses pensées, Karo attrapa un nuage et le mit dans sa bouche. Quel goût peuvent bien avoir les nuages ? Dans tous les cas, il fallait attraper ceux qui étaient bleutés, ceux orange et jaunes vous filaient entre les doigts. Karo ferma les yeux, juste pour pouvoir constater l’instant d’après que le ciel du soir avait changé.
Elle se dit qu’il ne serait pas difficile de sombrer dans la folie. Mais aussi que le secret consistait à ne pas se laisser aller à penser ainsi, sous peine de voir ce process terminé avant même d’avoir vraiment commencé.

Extrait de : K.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Marlene Gölz : Je me souviens d’une sorte de déclic, je savais à peine lire. Christine Nöstlinger : Un enfant marche dans la rue. Il marche en ne posant le pied qu’un pavé sur deux, en essayant de ne pas toucher les joints. Cela m’a impressionnée. Que quelqu’un marche exactement comme moi. Que l’on exprime quelque chose, qui est là, mais dont on ne parle pas habituellement, parce que ce n’est apparemment pas important. Pour moi, c’était important. Je me suis reconnue. Les expériences de lecture d’une telle intensité sont rares. Mais si c’est le cas, un tel livre est un véritable trésor, la littérature signifie alors : se rencontrer, s’oublier, voyager, être compris, être chez soi.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
MG : Aujourd’hui : prendre le temps, échapper à la vitesse, trouver sa place dans le fait de se déplacer.

Pourquoi as-tu choisi le Café Vogl ?
MG : Parce que je suis écrivain pour cette ville et qu’Eferding ne peut être dissocié du Café Vogl.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
MG : Je passe du temps généralement dans des endroits que j’aime aussi beaucoup : les trains, la nature, ma maison et mon lieu de travail, une bibliothèque.

 

BIO

Née en 1978 à Linz, elle travaille comme auteur, lectrice et indépendante à la StifterHaus Linz ; depuis 2017, publications littéraires dans des revues et anthologies, divers prix et bourses, notamment le Marianne.von.Willemer.Frauenliteratur-Preis de la ville de Linz (2017), Literaturpreis Akademie Graz (2018), BMUKK-Startstipendium (2018), Stadtschreib-Stipendium Eferding (2022).
www.marlenegoelz.com

 

Michèle Pedinielli | Café Librairie Les Parleuses, Nice

Photo : Alain Barbero | Texte : Michèle Pedinielli

 

« Qui sème l’impunité récolte la colère », « Violeur on te voit, victime on te croit ». Ce sont quelques uns des slogans que Maud et Anouk ont affichés sur leur vitrine à l’occasion de la visite de Gerald Darmanin, ministre de l’Intérieur, au futur commissariat qui jouxte leur librairie. La police est immédiatement arrivée pour décoller les affiches puis bâcher les vitrines quand elle ne pouvait enlever celles qui étaient scotchées à l’intérieur. Pendant trois heures, la librairie Les Parleuses a été drapée de noir pour ne pas offenser la vue du ministre…
Cette raison est la dernière en date qui me fait aimer ce lieu où je me sens finalement comme à la maison : des livres, du café et du Prosecco, que demande le peuple ?  (La retraite à 60 ans, mais c’est une autre histoire).

 


Interview de l’auteure

Que peut faire la littérature ?
Michèle Pedinielli : Faire du bien j’espère, parce qu’elle peut beaucoup. Elle pénètre l’intimité du lecteur : elle remue les tripes, chatouille le cœur, provoque le cerveau et parfois — bonheur absolu — déclenche un rire libératoire.

Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
MP : Enorme. Je m’en suis aperçue avec le covid. J’étais comme amputée d’une part essentielle de mon existence qui a le besoin de côtoyer des gens. Des gens que je ne connais pas, assis comme moi pour un café ou un verre. Des gens que je regarde et que j’écoute. Et qui se retrouvent parfois dans un de mes livres

Où te sens-tu chez toi ?
MP : Sur une rive méditerranéenne, entourée de pins parasols. Ça peut être en France ou dans n’importe quel autre partie du bassin, tant qu’il y a cette mer que j’aime et des olives à l’apéro.

 

BIO

Née en avril 1968, Michèle Pedinielli fait sa première manif à un mois et termine son premier roman 48 ans plus tard. Entre-temps, la routine : fuir Nice à 18 ans, devenir journaliste à Paris, revenir 22 ans plus tard au bercail, choisir de ne plus avoir de patron, pointer au chômage, voir sa nouvelle récompensée à TPS (Toulouse Polars du Sud) en 2015. Et décider d’écrire un roman pour ne pas mourir sans avoir essayé. Boccanera sort en février 2018 aux Editions de l’aube, suivi de Après les chiens (2019), La patience de l’immortelle (2021) et Sans collier en mars 2023

Reinhard Junge | Café Ferdinand, Bochum

Photo : Alain Barbero | Texte : Reinhard Junge | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Mon premier policier, Brunhilde l’avait encore trouvé bien. Un mari écrivain – il y avait vraiment de quoi pérorer. Lors du lancement, elle m’avait même offert une de ses plus belles métaphores.
Lorsque je lui ai remis fièrement le deuxième livre (enveloppé spécialement pour l’occasion dans du papier rose), elle l’a jeté dans la poubelle jaune sans même l’ouvrir. « Maintenant, on arrête d’écrire des bêtises, hein ? Sinon… »
« Sinon quoi ? »
« Tu seras homme au foyer. Tu pourras taper à la machine une petite heure tous les soirs ! »
Parfait, je me suis dit. Mais : quelle illusion ! Quatre repas par jour pour quatre personnes, faire le taxi pour la crèche, l’école primaire, le pédiatre et le magasin bio, la lessive, le nettoyage des fenêtres et des couloirs, la déclaration d’impôts, les fleurs au cimetière, les missions de conciliation au bac à sable, où notre Heiko aimait terroriser les enfants du voisinage…
Pendant ce temps, mon épouse, professeure de musique et d’art, s’épanouissait. Enfin la sieste ! Et deux fois par semaine, le Café Ferdinand avec son amie Thea, et du coup j’avais aussi les enfants de Thea sur les bras. Taper à la machine ? Le soir, je tombais dans le coma, assis, après avoir écrit cinq lignes.
« Chéri », me susurra Brunhilde un midi, alors que je nettoyais les couverts.
« La semaine prochaine, c’est la Pentecôte. Cinq jours de congé ! Je pars à Rome avec Thea. Jasmina ira chez grand-père et Heiko restera avec toi. D’accord ? »
« Pourquoi Heiko ne peut-il pas aller lui aussi chez grand-père ? »
« Il ne saura pas non plus le gérer ! »
Merci, ai-je pensé, et j’ai demandé : “Et mon exposé ?”
« Chéri ! Ce genre de bêtises peut bien attendre ! »
Quelle coïncidence que le couteau à viande se trouvait justement à portée de main…

Dans mes nouveaux quartiers, je peux écrire en toute tranquillité. Bye, bye Brunhilde est le titre du livre. Et quand les douze ans seront passés, j’irai aussi au Café Ferdinand.

 


Interview de l’auteur

Que peut la littérature ?
Reinhard Junge : Tout ! Divertir, ennuyer, éduquer, indigner, glorifier les guerres, appeler à la révolution ou au génocide, irriter ou célébrer les gouvernements, dénoncer ou justifier l’injustice. En fait, elle peut tout. A condition que les auteur(e)s trouvent une maison d’édition prête à imprimer leurs œuvres.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
RJ : J’adore les cafés. Un bon café est pour moi le compromis parfait entre les restaurants, où le sourire du serveur coûte déjà 50 €, et un bar à poivrots où l’on rencontre toute la misère de ce monde injuste. Pour moi, ils peuvent être des lieux de repos, de réflexion, de rêve, d’écriture et d’amitié. 

Où te sens-tu chez toi ?
RJ : Partout où il y a beaucoup de soleil, une vue dégagée sur la mer bleue, une plage blanche et un bon café.

 

BIO

Né en 1946 à Dortmund. 1966 Baccalauréat. Armée, études à Bochum. Après son stage en 1978, d’abord interdit d’exercer en tant que membre du DKP (Parti communiste allemand). Protestations en provenance de l’Allemagne et de l’étranger (notamment de la CGT). 1979-2012 enseignant dans un lycée. Puis 6 années d’allemand pour enfants étrangers. – 12 romans policiers (en partie avec Leo P. Ard et Christiane Bogenstahl), 4 documentaires sur les néonazis. – 3 enfants, 1 petit-fils, pas de maison, pas de chien. Supporter de toutes les équipes qui battent le Bayern Munich.

Regine Koth Afzelius | Intermezzo Bar, Vienne

Photo : Alain Barbero | Texte : Regine Koth Afzelius | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Depuis toujours, j’aime considérer deux facettes : flexible et déterminée. Voleuse de chevaux royale et reine voleuse de chevaux. Pocky Pockberger au caveau-théâtre et Ofczarek au Burgtheater. Le Trio Lepschi à la guinguette Hengl-Haselbrunner et l’orchestre philharmonique de Vienne au Musikverein. Les dessins humoristiques de Martin Perscheid et les peintures de Franziska Maderthaner. Les textes de Selma Heaney, Peter Hodina, et ceux de Heimito von Doderer. Helge Schneider et Lisa Eckhart.

J’aime les chats et les chiens ! J’aime regarder les poules – la plus tachetée, qui court en ce moment à travers l’enclos, un ver dans le bec, la tête haute, les autres derrière elle, et juste après, en sens inverse, la brune, avec le même ver, poursuivie par une nuée de caquètements.

J’aime le Heumarkt et le Bar Intermezzo. En face l’un de l’autre, je me gare entre les deux. Dans chacun d’eux, je me sens comme chez moi. Angoisse permanente pour les deux : menace du manque d’argent pour le premier et de la démolition pour le second. Dans l’un, on connait des choses personnelles sur moi, dans l’autre, le choix de mon cocktail. Au Heumarkt, je suis assise sur le ruban adhésif noir d’une banquette en similicuir rouge fatiguée, transfigurée par le vrombissement de la vitrine aux pâtisseries et le duo affectueux de frères déjanté ; à l’Intermezzo, je m’enfonce dans le fauteuil de salon, transfigurée par le pathos international et le plus beau lustre du monde. Manger dans le premier, puis finir dans le second. Amen.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Regine Koth Afzelius : L’art du langage. Un texte doit captiver, surprendre et emporter. En écrivant, je cherche un exutoire et une clé pour surmonter la réalité. Tout doit sortir pour atteindre le plus grand nombre, non pas pour les affecter, mais pour les divertir. Quelle prétention ! Et alors ? Et en retour, des louanges et de la reconnaissance. Ha.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
RKA : Je vis à la campagne – et j’entretiens des amitiés urbaines. Pour cela, il faut des cafés comme espace d’échange. Ce n’est que dans la nonchalance des deux cafés cités précédemment que je trouve l’atmosphère adaptée aux conversations comme je les aime : approfondies, enrichissantes, intimes.

Pourquoi as-tu choisi le bar Intermezzo ?
RKA : Ce soupçon de luxe !

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
RKA : Je me lève ! Sortir les poules du poulailler ! Retourner au lit avec un café, WhatsApper avec le monde entier. Puis travailler sur mon nouveau roman. L’après-midi, enlever les pins et les bouleaux pourris à la tronçonneuse. Ou promenade en forêt. Si les pensées se bousculent : écrire à nouveau. À l’heure bleue, fondre dans le canapé, et en guise de générique de fin de journée, regarder au loin la volaille, jusqu’au film du soir.

 

BIO

Née en 1962 à Vienne. A étudié l’architecture à l’Arkitektskolen Aarhus (Danemark) et à l’Université des arts appliqués de Vienne. Diplôme d’architecture en 1997. Depuis 2008, vie à la campagne. Conceptrice de sites web. Artiste plasticienne. Auteure. Travail sur son quatrième roman.

Franziska Beyer-Lallauret | 1801 – Les Cuisines du Musée, Angers

Photo : Alain Barbero | Texte : Franziska Beyer-Lallauret

 

Auparavant, je naviguais entre deux villes. Je traversais quotidiennement le centre à pied pour rejoindre mon lieu de travail. Souvent, je passais par la place où se dresse le visage. Il est en bronze, je pense, et probablement deux fois plus haut que moi. Je pourrais lover ma tête au creux de son orbite. Sur le visage, on peut lire qui l’a fait. Moi, j’ai oublié. Je devrais m’y rendre exprès pour vérifier. Je n’ai jamais le temps.

Le visage fixe du regard le Musée des Beaux-Arts. C’est un bâtiment ancien, en pierre blanche. Ils y ont encastré l’escalier comme une prothèse dentaire. Les marches, raides, te coupent le souffle d’abord, puis t’amènent vers les tableaux. Parmi eux, il y a un supposé Botticelli, mais rien n’est moins sûr. Si quelqu’un le réclame un jour de façon justifiée, le musée doit le rendre. Il fait partie des huit œuvres spoliées par les nazis. Suspendu, il attend la délivrance.

Dans l’aile gauche du musée se cache le café, voûtes claires, cloisons obscures. Son nom est le début d’un siècle. Les tables en bois sont toutes différentes, du moins je le crois et cela me plaît. J’ai toujours eu l’impression qu’il y a ici quelque chose qui plane, ça brille quand la lumière l’effleure : fragments de poussière, mirage, fil d’Ariane tombé de la lampe… Je n’arrive pas à m’en souvenir précisément. Maintenant je franchis la rivière pour rentrer chez moi. Je ne dois pas bifurquer.

À 18 heures, lorsque le musée et le café ferment, deux rideaux en fer forgé claquent derrière les visiteurs. Alors s’éteignent les particules dorées. Il n’y a plus rien à voir.

 


Interview de l’auteure

De quoi la littérature est capable ?
Franziska Beyer-Lallauret : Elle est un monde à part, espace de sublimation pour les émotions débordantes et lieu de repli, surtout la poésie, avec ses possibilités de jeu innombrables. De plus, lire rime toujours avec apprendre, c’est donc un élargissement infini de l’horizon. Et on peut partager la littérature avec autrui. Elle crée des liens et provoque le dialogue. J’essaie de transmettre tout cela également à mes élèves au Lycée Joachim du Bellay. Dans le contexte actuel, il est certainement naïf de croire que le mot écrit sauve le monde, mais ne pourrait-il être un début ?

Que représentent pour toi les cafés ?
FBL : Depuis que mon fils est né en 2015, ils sont plutôt devenus des lieux de rêve : le quotidien ne me permet guère de les fréquenter ! Ce sont des endroits particuliers, d’abord pour discuter et créer des souvenirs, puis pour observer et contempler. L’un ou l’autre déclenche parfois un processus créateur. En outre, j’aime les voyages dans le temps. Le café 1801 par exemple se situe dans un bâtiment ancien et ressemble à une chapelle avec ses voûtes en hauteur. Sa sobriété m’inspire. Il y a beaucoup de place entre les tables en bois, beaucoup d’air. Le silence parle ici.

Où te sens-tu chez toi ?
FBL : Partout où il y a des personnes que j’aime, dans un premier temps. Il est vrai que j’ai depuis des années deux pays et deux langues. En Allemagne tout comme en France qui forment d’ailleurs, pour moi, quasiment un ensemble, il y a certes mes deux « chez-moi » dans les régions de la Mulde et de la Loire mais aussi d’autres points d’ancrage. Ainsi, je dois retourner régulièrement en Bretagne, une terre qui m’attire irrésistiblement depuis que j’y ai travaillé et vécu comme assistante d’allemand.

 

BIO

Franziska Beyer-Lallauret, née en Saxe (Allemagne de l’Est) en 1977, a étudié les Lettres allemandes et le Français à l’Université de Leipzig. Agrégée d’allemand, elle vit avec sa famille en tant qu’auteure et professeure d’allemand près d’Angers. Falterfragmente / Poussière de papillon, son deuxième recueil de poésies, bilingue, traduit par elle-même, est paru récemment aux éditions dr. ziethen verlag en Allemagne. En 2021, à Berlin, elle a été récompensée par le Prix Ulrich Grasnick. En 2022 elle a été finaliste du Prix de Merano (Lyrikpreis Meran), concours de poésie germanophone réputé.

Sibylla Vričić Hausmann | Café Grundmann, Leipzig

Photo : Alain Barbero | Texte :  Sibylla Vričić Hausmann | Trad. : Sylvie Barbero-Vibet

 

Je reste un corps étranger. Être servie déclenche en moi un sentiment de culpabilité. S’asseoir seule dans un café, un sentiment d’imposture. Peut-être parce que je viens d’un village et qu’adolescente, je traînais plutôt dans la forêt et à l’arrêt de bus. Enfant, les cafés ou les chocolats chauds, les gâteaux et les glaces servaient d’appâts pour me persuader de faire des randonnées ou d’autres activités sportives. Une fois, mon frère s’est cassé le bras en faisant du ski. Je n’en revenais pas que nous quittions les pistes sans avoir eu mon “chocolat chaud”. Pourtant, enfiler et enlever ma combinaison de ski, marcher dans mes chaussures de ski et traîner mes skis, prendre le téléski, dévaler les pentes à toute vitesse et affronter le froid mordant étaient pour moi les pires épreuves ! Il y a quelque temps, j’étais ici, au Café Grundmann, avec ma mère et mon beau-père, qui est mort l’année dernière. En général, mon beau-père se faisait bien dans les cafés. J’imagine qu’il se sentait chez lui dans cette atmosphère semi-publique, car ses parents possédaient une épicerie dans laquelle il passait beaucoup de temps étant enfant. Le Grundmann convenait particulièrement bien à mon beau-père. Parce qu’il est élégant, un peu démodé, parce qu’il y a un piano et que – d’après les affiches – on y donne des concerts de jazz. La séance photo a été longue et m’a bien sûr beaucoup exposée aux autres clients et personnes qui travaillent ici. Je ne sais pas, cher Alain, comment tu as fait pour que je m’y sente à l’aise.

 


Interview de l’auteure

Que signifie la littérature pour toi ?
Sibylla Vričić Hausmann : Un lieu où je ne suis pas seule – mais où je peux être pour moi. Donc peut-être ce que sont les cafés pour d’autres.

Quelle est l’importance des cafés pour toi ?
SVH : Je les fréquente plutôt rarement. Mais parfois, ils sont des lieux de récompense, de loisir, de moments particuliers. Un jour d’été, s’asseoir avec mes enfants à une petite table ronde de café, manger une glace et faire crisser mon pied dans le gravier…

Pourquoi as-tu choisi le Café Grundmann ?
SVH : Il ressemble à un café viennois – des lieux de culture littéraire que je n’ai pas connus moi-même, mais que je trouve intéressants et attrayants. Peut-être, oui peut-être, qu’un peu de leur charme me sera transmis et qu’un jour je réapprendrai à écrire et à lire dans un café.

Que fais-tu quand tu n’es pas au café ?
SVH : Je me fais du café. J’écris mon livre et des poèmes. Journal intime. Des rapports d’expertise. Envoyer des e-mails. Je passe des entretiens d’embauche. Suivre l’actualité et échanger avec des amies. Joue avec mes enfants. Prend soin de nous. Lave la vaisselle. Écoute la radio. Surfe sur le web. Va voir un psychologue. Dors, dors, dors, dors. Rêve de choses et d’autres. Je me prépare pour les phases plus extraverties de l’année.

 

BIO

Sibylla Vričić Hausmann, née en 1979 à Wolfsburg. Études à Münster (WWU) et Berlin (FU), puis projets à Berlin, stage au Goethe-Institut de Sarajevo ; a vécu de 2009 à 2012 à Mostar, en Bosnie-Herzégovine, où elle a travaillé dans un théâtre. 2014-2017 : études à l’Institut littéraire allemand de Leipzig. Parallèlement à sa propre écriture, elle est professeur d’écriture littéraire, lectrice et modératrice lors d’événements littéraires. Cofondatrice du blog Other Writers Need to Concentrate (en collaboration avec Katharina Bendixen et David Blum en 2020) et de la série de lectures Zürn (en collaboration avec Özlem Özgül Dündar en 2022). Vričić Hausmann a notamment reçu le prix Orphil pour ses débuts en 2018 (pour son recueil de poésie 3 FALTER, poetenladen Verlag), une bourse de séjour du Literarisches Colloquium Berlin en 2019 et la bourse Rainer Malkowski en 2022. En mars 2023, son recueil de poèmes actuel meine Faust (kookbooks Verlag) sera élu Lyrik-Empfehlung 2023. Elle vit à Leipzig avec ses deux enfants.

Emanuil A. Vidinski | Mi Casa, Sofia

Photo : Alain Barbero | Texte : Emanuil A. Vidinski | Traduction du texte bulgare : Raya Hristova, interview et bio (de l’allemand) :  Sylvie Barbero-Vibet

 

L’autre jour, j’ai vu ma main vieillir
c’était en automne, un dimanche, le soleil brillait
j’ai vu ces petits signes précurseurs du  silence
les fines ridules sur la peau, comme des nouveaux-nés
qui réclament leur droit de vivre
avec une volonté inébranlable de grandir
et de s’approfondir
dans leur zèle

J’ai vu ma main vieillir
et j’ai eu de la peine,
si touchante dans sa vulnérabilité
et calme
afin d’endurer docilement tout
ce dont elle ne sait rien

 

Original (bulgare)

Онзи ден видях ръката си да остарява
беше есен, неделя, слънцето грееше
видях тези малолетни предвестници на тишината
фините бръчици по кожата, като новородени
да заявяват правото си на живот
с непоколебимата воля да растат
и задълбават
в усърдието си

Видях ръката си да остарява
и ми дожаля
такава една трогателно безпомощна
и тиха
да понася безропотно всичко
за което не знае

 

Interview de l’auteur

Que peut faire la littérature ?
Emanuil A. Vidinski : La littérature peut presque tout. Arrêter le temps, donner du sens, apprendre l’empathie, offrir une issue, transmettre du savoir, apporter du réconfort et, last but not least, guérir les blessures qui ne saignent pas mais qui sont douloureuses.

Que représentent les cafés pour toi ?
EAV : Un beau café peut être comme un chez-soi. Peu d’endroits ont cette capacité. C’est pourquoi j’apprécie beaucoup les bons cafés. Il faut qu’il soit calme et qu’il y ait beaucoup de fenêtres.

Où te sens-tu chez toi ?
EAV : Dans certains cafés et dans les bibliothèques. Dans une pièce remplie de livres, j’ai toujours l’impression de ne pas être perdu. C’est le sentiment familier que l’on a chez soi. Là où il y a des livres, on a l’impression qu’il n’y a pas de coins, et même si on trébuche et qu’on tombe, on se relève en douceur.

 

BIO

Né en 1978, Emanuil A. VIDINSKI est un écrivain, poète, éditeur et musicien bulgare. Il a notamment écrit les recueils de nouvelles Kartografii na biagstvoto (Cartographies de la fuite, 2005) et Egon i tishinata (Egon et le silence, 2015), ainsi que le roman Mesta za dishane (Lieux de respiration, 2008). En tant que musicien, Vidinski était chanteur et guitariste du groupe Par Avion Band qu’il a lui-même fondé. Le recueil de poésie bulgare-allemand Par Avion a été traduit en allemand par Petya Lund et publié par les éditions eta à Berlin (2017).

Ildikó Boldizsár | Kelet Kávézó és Galéria, Budapest

Photo : Alain Barbero | Texte : Ildikó Boldizsár | Traduction (du hongrois) : Christian Szabo

 

Imaginez un endroit à Budapest qui offre tout ce dont vous avez besoin pour un charmant moment de café. Je ne vais même pas mentionner le délicieux café, c’est une exigence de base, je vais parler de ce que ce café me donne à différents moments de la journée. 
Quand je viens ici le matin, j’aime regarder la ville s’éveiller, les trams passer à toute vitesse et les oiseaux picorer les miettes sur le trottoir. J’aime me réveiller avec un latte posé devant moi, parce que ce n’est pas seulement une boisson agréable : elle a le goût de l’humeur du moment du barista. Et cet endroit n’a pas de barista grincheux ou sombre, ni de serveur pressé. Tout le monde a droit à un mot gentil et c’est un bon début. Je vérifie ma liste de choses à faire, j’écris quelques courriels et je retourne observer les oiseaux dans la rue.

À midi, l’atmosphère est tout à fait différente, des étudiants arrivent pour le déjeuner et de nombreuses personnes des bureaux voisins viennent manger un sandwich au grill ou un plat de légumes léger. Mon plat préféré est le curry aux champignons, mais j’avoue que je ne viens pas ici pour la nourriture. J’aime cette bonne ambiance, regarder les gens apprécier leur plat, et écouter les joyeuses conversations et les rires entre les tables. Tant de choses peuvent se passer en une demi-journée !

L’après-midi et le soir, l’endroit montre de nouveau un autre visage. Les amoureux et les amis s’assoient aux tables, il n’y a jamais de place, je dois attendre mon tour – mais j’attends patiemment et le moment arrive où je peux m’asseoir à mon endroit favori, dans le coin. Et puis arrive le moment que je préfère : je tends la main vers l’étagère et me saisis d’un livre. Oui, c’est ça ! Pour moi, livres et café vont de pair. Si je viens seule, je ne le suis pas car je peux parler aux livres, ce que j’ai de nombreuses occasions de faire, il y a 5 à 6000 volumes dans le café. Ils changent tous les jours car n’importe qui peut prendre un livre pour le remplacer par un autre.

Imaginez, il y a un endroit à Budapest, dans la rue Bartók Béla, qui s’appelle Keleti Kávézó és Galéria, et c’est mon endroit préféré.

 

Original (hongrois)

Képzeljék el, van egy hely Budapesten, ahol minden együtt van, ami egy meghitt kávézáshoz szükséges. A finom kávét meg sem említem, ez alapkövetelmény, inkább arról mesélek, mit ad nekem ez a kávézó a különböző napszakokban. Ha reggel térek be ide, szeretem nézni az ébredező várost, az elsuhanó villamosokat és a járdára röppenő, morzsákat csipegető madarakat. Szeretek azzal a lattéval ébredni, amit itt tesznek elém, mert nem csupán egy kellemes ital: benne van az ízében a barista éppen aktuális hangulata. Márpedig ezen a helyen nincsenek morcos, kedvetlen baristák, kapkodva kiszolgáló pincérek. Mindenkinek jut egy kedves szó, és máris jól indul a nap. Átnézem a teendőimet, megírok néhány e-mailt, aztán újra a madarakat figyelem az utcán.

Délben egészen más a hangulat, ebédre érkeznek az egyetemisták, a közeli hivatalokból is sokan beugranak egy grillszendvicsre vagy valami könnyű zöldséges ételre. Kedvencem a laskagombás curry, de bevallom, hogy nem az étel miatt jövök ide. Szeretem hallgatni ezt a jóleső zsizsgést, szeretem nézni az embereket, ahogy örülnek az ételeknek, és szeretem hallgatni a jókedvű beszélgetéseket és nevetéseket az asztalok között. Nahát, mennyi minden történhet fél nap alatt!

Délután és este megint más arcát mutatja a hely. Szerelmesek, barátok ülnek az asztaloknál, sosincs szabad asztal, várni kell, amíg sorra kerülök – de várok türelmesen, mert eljön az a pillanat, amikor leülhetek kedvenc kis kuckómban, a sarokban. És akkor következik az, amiért a legjobban szeretek idejárni: felnyúlok a könyvespolcra, és leemelek egy könyvet. Igen, ez az! A könyv és a kávé nálam összetartozik. Ha egyedül jövök ide, akkor sem vagyok egyedül, mert beszélgethetek a könyvekkel, amire jó sok lehetőségem van, mert a kávézóban 5-6000 kötet található. Ezek naponta változnak, mert egy cserekönyvért bárki elvihet egy másikat.

Képzeljék, van egy hely Budapesten, a Bartók Béla úton, Kelet Kávézó és Galéria a neve, és ez az én kedvencem.

 


Interview de l’auteure

Que peut la littérature ?
Ildikó Boldizsár : Quand j’étais petite, je n’arrivais pas à décider quelle carrière choisir. Je voulais être tout à la fois : ornithologue, cardiologue, jardinière, exploratrice, globe-trotteuse… Il m’est vite apparu que c’était impossible. C’est pourquoi je suis devenue écrivaine : parce que je peux être n’importe qui et n’importe quoi en écrivant. Je pense que c’est le rôle et le but de la littérature : montrer aux gens les possibilités illimitées et les emmener dans des paysages extérieurs et intérieurs qu’ils n’atteindraient pas sans les livres.

Quelle importance les cafés ont-ils pour toi ?
IB : J’ai beaucoup voyagé ces dernières années et ma première visite est toujours dans un café. Je m’assois et j’écoute. Vous pouvez apprendre beaucoup de choses sur une ville et ses habitants de cette manière. Les cafés sont des lieux où l’on pose des questions, où l’on s’informe, où l’on discute. Dans les cafés (où qu’ils se trouvent dans le monde), il y a de la vie, on échange des informations et il se passe toujours quelque chose d’intéressant.

Où te sens-tu chez toi ?
IB : Quand j’étais plus jeune, je cherchais à trouver la réponse à cette question.
J’ai voyagé à l’autre bout du monde parce que je pensais trouver un endroit où je me sentirais enfin chez moi. J’ai été très déçue de ne pas le trouver. Je suis allée dans tous les endroits que je croyais « faits pour moi » : plages sauvages de l’océan, bosquets méditerranéens, montagnes imposantes et petites maisons au bord du lac. Je me suis alors rendu compte que je cherchais ma « maison » à l’extérieur, mais que je ne pouvais la trouver qu’à l’intérieur de moi-même.
Et c’est ce que j’ai fait. Depuis, je me sens chez moi partout où la vie me mène.

 

BIO

Ildikó Boldizsár est écrivaine, conteuse, thérapeute par le conte et professeure d’université. Elle a publié cinquante-huit livres sur les contes de fées : des recueils, des ouvrages théoriques et ses propres histoires. C’est à elle que l’on doit le développement de la méthode de thérapie par les contes Métamorphoses, qu’elle enseigne en Hongrie et à l’étranger. Elle vit à Budapest lorsqu’elle n’est pas sur la route. Elle est passionnée de voyages à travers le monde.